Localisation: France/Bourgogne-Franche-Comté/Côte-d'Or
Site : Saint-Germain-Source-Seine - Sanctuaire des sources de la Seine
Province romaine: Lugdunensis
Peuple gaulois: Mandubii
Support: stèle
Matériau: calcaire
Description du support: Partie supérieure seule retrouvée d'une stèle honorifique en calcaire blanc oolithique à grains fins, 22 cm d'épaisseur × 46 cm de large × 45 cm de haut. Elle porte, en haut-relief, un portrait masculin (était-il en buste ? en pied ?) dont subsiste la tête et le cou. Elle culmine en un fronton triangulaire (haut de 18 cm) dont le tympan est ménagé en creux à l'intérieur d'un listel encadrant (large de 2,5 cm).
Remarques de Michel Lejeune :
La pierre porte deux inscriptions, toutes deux en langue gauloise : une dédicace, en caractères latins (A), une signature, en caractères grecs (B).
État de conservation: Stèle fragmentaire ; inscription complète.
Lieu de découverte: sanctuaire des Sources de la Seine
Contexte local: Le sanctuaire des Sources de la Seine est situé sur le plateau de Langres à 40 km au nord de Dijon. Connu par la tradition au début du XIXe siècle comme site d’un important édifice antique, il a fait l’objet de quatre grandes phases de fouilles entre 1836 et 1967. On y a découvert un grand nombre de sculptures (plus de 1500) en pierre, en bronze, et près de 300 en bois, considérées comme des ex-voto, ainsi que des dédicaces en latin à la déesse Seine (Sequana). Les ex-voto en bois peuvent être datés entre 40 av. et 20 ap. Le site est abandonné dans le dernier quart du IVe siècle de notre ère. On a travaillé depuis le XIXe siècle sur le site de la source. Les fouilles ont, d'une part, permis de préciser la topographie et la chronologie de l'ensemble culturel (sanctuaire et annexes). Elles ont, d'autre part, mis à jour un très abondant matériel votif (anépigraphique), principalement quatre centaines de statues de bois de facture naïve (comme à Chamalières, dans le Puy-de-Dôme). Elles sont conservées au Musée Archéologique de Dijon, et ont été publiées par Simon Deyts (Deyts 1983 ).
Conditions de découverte: En juillet 1953, était dégagé d'un remblai du site de la source de Saint-Germain-Source-Seine le haut d'une stèle sculptée inscrite ; pas de contexte archéologique utilisable pour cette pierre, trouvée en remploi ; peut-être provenait-elle ainsi que d'autres stèles (anépigraphiques) trouvées en remploi dans le même secteur, de la rampe en pente douce donnant accès au temple. La sculpture émane, au jugement de R. Martin, d'un atelier régional dont l'activité pourrait se placer « vers le milieu ou dans la seconde moitié du Ier siècle de notre ère ».
Historique de conservation: La stèle est conservée au Musée Archéologique de Dijon (n° d'inventaire 55.9).
À la date de novembre 2021, la stèle de Saint-Germain-Source-Seine est exposée dans la salle 1 des « Salles romanes » du Musée Archéologique de Dijon, dans une niche murale à environ 1,5 m du sol.
Lieu de conservation: Dijon
Institution de conservation: Musée Archéologique
N° inventaire: 55.9
Autopsie: Photographié par Hugo Blanchet en novembre 2021 au Musée Archéologique de Dijon, dans le cadre du projet RIIG.
Description de l'inscription:
L12 Inscription gallo-latine (A). L'inscription est profondément gravée au ciseau, avec bords en biseau. Elle occupe intégralement le champ triangulaire du tympan, à surface soigneusement polie ; le lapicide s'est ingénié à employer tout l'espace disponible (faisant coïncider, p. ex., un α avec l'angle supérieur du fronton ; coupant entre deux lignes les éléments ll d'une même lettre e), ce qui ne l'a pas empêché de rester court en fin de texte et de se voir contraint d'abréger le dernier mot.
G271 Inscription gallo-grecque (B). L'inscription est gravée au biseau à un emplacement de fortune, non prévu pour elle. La gravue est assez profondément sur la surface (non polie) du bandeau inférieur du fronton, dont elle occupe, d'angle à angle, toute la largeur ; la lettre finale τ a été reportée (faute de place), au-dessus de la lettre pénultième υ, sur le bandeau droit.
Remarques de Michel Lejeune : L12
Le tympan, à surface soigneusement polie, a reçu une dédicace (A) en lettres latines, distribuée sur cinq lignes de longueurs croissantes, et qui le remplit entièrement ; parvenu à la l.5, le lapicide a serré ses lettres dans la crainte d'être pris e court (ce qui est cependant arrivé à ; il a alors pris le parti d'abréger le mot final après ...ma( ), l'amputant ainsi de deux ou de quatre lettres. Ce dispositif triangulaire fait que les fins de lignes ne peuvent être ajustées aux fins de mots ou aux fins de syllabes ; il est même arrivé que soient ventilées entre deux lignes (2-3) les deux hastes verticales constituant la lettre e. Ce n'est pas, en revanche, conséquence nécessaire du dispositif que le parti adopté par le lapicide de ne pas séparer les mots ; le graphie continue a même eu pour effet qu'à la l.5, la lettre N, sans être pour autant répétée, sert à la fois de consonne finale à luciion et de consonne initiale au mot suivant (nerte...).
Graphie continue, sans intervalles ni interponctions entre mots.
Graphie continue, sans intervalles ni interponctions entre mots.
Description de l'écriture:
L12 Inscription gallo-latine (A). Lettres capitales de 2 cm (premier A) à 4 cm (les C) de hauteur. Les quatre A sont dépourvus de barrette médiane (comme l'A de *CRE-01-01) ; les quatre O et le Q, de même hauteur que les lettres voisines, ont les extrémités supérieure et inférieure brisées en arc d'ogive ; L est à barrette inférieure oblique ; les autre R sont à boucle non fermée.
G271 Inscription gallo-grecque (B). Lettres capitales de 1,5 mm (les ο, le σ) à 4 mm (le dernier υ) de hauteur. Le σ est lunaire, le ω est cursif. Le style est baroque pour δ et a, dont les côtés sont courbes et font ventre à gauche ; de plus, le côté gauche de α ne dépasse pas, vers le bas, la rencontre avec la barrette horizontale médiane (comparer LOI-03-06). Noter enfin que les deux α et le λ ne sont pas fermés vers le haut.
Remarques de Michel Lejeune : L12
(A) Le caractère le plus remarquable de l'écriture est (à la différence des autres gallo-latines lapidaires) l'emploi du e vulgaire (quatre exemples : dans aresequani et dans nerte...) figuré par une paire de hastes parallèles et égales ; et celui du l vulgaire à barrette oblique descendante (dans luciíon).
Autre usage notable du lapicide : un i antévocalique écrit I à l'initiale du mot (iourus), mais après consonne il est écrit iI (soit ii, avec seconde haste, celle de I longa, nettement plus haute que la première : ariíos, luciíon).
Aucune confusion n'est donc possible entre e et ií. Mais on observera que le même ií à éléments inégaux est en usage dans l'inscription CDO-01-19 d'Alise-Sainte-Reine (dugiíontiío, Alisiía ; Dottin 1918 (33) = Whatmough 1970 (169)), et, là aussi (voir RIG I 309 pp. 368), seconde haste plus haute que la première ; alors que e y est de type E et qu'aucune confusion n'est à redouter.
Autre usage notable du lapicide : un i antévocalique écrit I à l'initiale du mot (iourus), mais après consonne il est écrit iI (soit ii, avec seconde haste, celle de I longa, nettement plus haute que la première : ariíos, luciíon).
Aucune confusion n'est donc possible entre e et ií. Mais on observera que le même ií à éléments inégaux est en usage dans l'inscription CDO-01-19 d'Alise-Sainte-Reine (dugiíontiío, Alisiía ; Dottin 1918 (33) = Whatmough 1970 (169)), et, là aussi (voir RIG I 309 pp. 368), seconde haste plus haute que la première ; alors que e y est de type E et qu'aucune confusion n'est à redouter.
Remarques de Michel Lejeune : G271
(B) Contrairement aux usages gallo-grecs, un point sépare les deux mots.
La signature B a été, visiblement, rajoutée après coup, à un emplacement qui n'était pas préparé (surface non polie du bandeau inférieur du fronton). Elle est d'une autre main que la dédicace : les A sont dépourvus de barrettes médiane, à la différences de α grecs ; les O latins sont de grande taille et ogivaux, les ο grecs de petite taille et circulaire ; etc. Il faut supposer que, dans l'atelier de taille, le sculpteur Dagolitus (peut-être peu familier personnellement avec l'écriture latine), après avoir achevé le portrait de Lucius, à laissé à un de ses collègues le soin de graver la dédicace selon le modèle reçu. Après quoi, il a tenu à signer l'œuvre, en usant de l'écriture grecque dont il avait d'avantage l'habitude (encore qu'un lapsus dans le verbe « fēcit » ne plaide pas en faveur de sa sûreté graphique).
La signature B a été, visiblement, rajoutée après coup, à un emplacement qui n'était pas préparé (surface non polie du bandeau inférieur du fronton). Elle est d'une autre main que la dédicace : les A sont dépourvus de barrettes médiane, à la différences de α grecs ; les O latins sont de grande taille et ogivaux, les ο grecs de petite taille et circulaire ; etc. Il faut supposer que, dans l'atelier de taille, le sculpteur Dagolitus (peut-être peu familier personnellement avec l'écriture latine), après avoir achevé le portrait de Lucius, à laissé à un de ses collègues le soin de graver la dédicace selon le modèle reçu. Après quoi, il a tenu à signer l'œuvre, en usant de l'écriture grecque dont il avait d'avantage l'habitude (encore qu'un lapsus dans le verbe « fēcit » ne plaide pas en faveur de sa sûreté graphique).
Type de texte: Indéterminé
Datation du texte: dernier quart du Ier siècle
Justificatif de datation: contexte. Document datable de l'époque flavienne.
Niveau de certitude: ◉◉◉
Remarques de Michel Lejeune :
L'inscription principale (A) appartient à un cette phase de transition qui, pour Alise-Sainte-Reine, est datable de l'époque flavienne (datation qui, ici, se trouve en accord avec les caractères de la sculpture). Le Lucius fils de Nertecomaros de Saint-Germain-Source-Seine serait donc sensiblement contemporain du Martialis fils de Dannotalos d'Alise-Sainte-Reine (tous deux portant des idionymes romains, mais les deux pères des idionymes gaulois).
Édition corpus: RIG I p. 395-399 ; RIG I p. 396-397 fig. 327-328 ; RIG II.1 p. 143-146 ; RIG II.1 p. 145 fig. 75 .
Commentaire bibliographique: Baudot 1845 ; CIL ; Dottin 1918 ; Corot 1940 ; Lerat 1954 p. 476 ; Lerat 1954 fig. 11 ; Martin 1954 p. 294 ; Martin 1954 fig. 124 ; Lebel 1955 p. 155-158 ; Lejeune et Martin 1956 p. 71-82 ; Schmidt 1957 ; Holder 1962 ; Evans 1967 ; Lejeune 1969a ; Lejeune 1971a p. 46,402 ; IEW ; Lejeune 1980a ; Deyts 1983 ;
Texte 1 L12
- Lecture Lejeune MLE-1-a ◉◉○
- Lejeune MLE-1-b ◉◉○
- Lambert PLT-1-a ◉◉○
- Lambert PLT-1-b ◉◉○
- Lambert PLT-1-c ◉◉○
01 A 02 RIISI 03 IQVANIA 4 RIꟾOSIOVRVS 05 LVCIꟾONIIRTIICOMA |
01 a- 02 rese- 03 quani a- 4 riíos iourus 05 luciíon (n)ertecoma(ri) |
01 A 02 RIISI 03 IQVANIA 4 RIꟾOSIOVRVS 05 LVCIꟾONIIRTIICOMA |
01 a- 02 rese- 03 quani a- 4 riíos iourus 05 luciíon (n)ertecoma(reon) |
01 A 02 RIISI 03 IQVANIA 4 RIꟾOSIOVRVS 05 LVCIꟾONIIRTIICOMA |
01 a- 02 rese- 03 quani a- 4 riíos iourus 05 luciío(s) nertecoma(ri) |
01 A 02 RIISI 03 IQVANIA 4 RIꟾOSIOVRVS 05 LVCIꟾONIIRTIICOMA |
01 a- 02 rese- 03 quani a- 4 riíos iourus 05 luciío(s) nertecoma(ricos) |
01 A 02 RIISI 03 IQVANIA 4 RIꟾOSIOVRVS 05 LVCIꟾONIIRTIICOMA |
01 a- 02 rese- 03 quani a- 4 riíos iourus 05 luciío(s) nertecoma(ri) |
01 a- 02 rese- 03 quani a- 4 riíos iourus 05 luciíon (n)ertecoma(ri) |
ethnonyme nominatif masc. pl. thème en -o anthroponyme nominatif masc. sg. thème en -o verbe 3e pers. pl. prétérit idionyme accusatif masc. sg. thème en -o patronyme génitif masc. sg. thème en -o |
01 a- 02 rese- 03 quani a- 4 riíos iourus 05 luciíon (n)ertecoma(reon) |
ethnonyme nominatif masc. pl. thème en -o anthroponyme nominatif masc. sg. thème en -o verbe 3e pers. pl. prétérit idionyme accusatif masc. sg. thème en -o patronyme accusatif masc. sg. thème en -o |
01 a- 02 rese- 03 quani a- 4 riíos iourus 05 luciío(s) nertecoma(ri) |
toponyme génitif neutre sg. thème en -o substantif (fonction) nominatif masc. sg. thème en -o verbe 3e pers. sg. prétérit idionyme nominatif masc. sg. thème en -o patronyme génitif masc. sg. thème en -o |
01 a- 02 rese- 03 quani a- 4 riíos iourus 05 luciío(s) nertecoma(ricos) |
toponyme génitif neutre sg. thème en -o substantif accusatif neutre sg. thème consonantique verbe 3e pers. sg. prétérit idionyme nominatif masc. sg. thème en -o adjectif (fonction) nominatif masc. sg. thème en -o |
01 a- 02 rese- 03 quani a- 4 riíos iourus 05 luciío(s) nertecoma(ri) |
théonyme datif fém. sg. thème en -ā substantif accusatif neutre sg. thème en -o verbe 3e pers. sg. prétérit idionyme nominatif masc. sg. thème en -o patronyme nominatif masc. sg. thème en -o |
Texte 2 G271
01 ΔΑΓΟΛΙΤΟΥϹ▴ΑΥΟⲰΥ\Τ/ |
01 δαγολιτους αυο⸢υω⸣τ |
01 δαγολιτους αυο⸢υω⸣τ |
idionyme nominatif masc. sg. thème en -u verbe 3e pers. sg. prétérit |
Traduction:
de Michel Lejeune : MLE-1-a MLE-1-b
Les Riverains-de-Seine, et Ariios, ont offert (cette effigie de) Lucius fils de Nertecomaros.
de Pierre-Yves Lambert : PLT-1-a
Le chef du district près de la Seine, Lucios Nertecomari, l'a offert.
de Pierre-Yves Lambert : PLT-1-b
Cet ariios de l'Aresequanon, Lucios magistrat « nertecoma(ricos) » l'a offert.
de Pierre-Yves Lambert : PLT-1-c
À Aresequana, Lucios Nertecoma(ri) a offert l'ariios.
de Michel Lejeune : MLE-2-a
Dagolitus a fait.
Apparat critique:
Remarques de Michel Lejeune : MLE-1-a
Inscription de type ieuru (Lejeune 1980a ) de structure S + V + O.
Le verbe est au pluriel en -s ; on notera l'exceptionnelle évolution eu > ou dans la syllabe radicale (partout ailleurs ieuru, ieuri, avec eu intact, ce qui indique qu'il ne doit pas s'agir d'une diphtongue *eu héritée).
En asyndète (comme en *CHE-01-01), deux sujets ; le premier, lui-même au pluriel, le second : anthroponyme.
Ethnique Are-sequani : nominatif pluriel en -ī de seconde déclinaison, issu (vers l'ère chrétienne) d'un plus ancien -oi ; en espèce, après le préverbe are- < *p°rĭ- « le long de » (IEW pp. 812, Schmidt 1957 pp. 132) ; le second terme est dérivé l'hydronyme « Seine » / Sequana, peut avoir été non pas *-sequanos mais *-sequanios (avec, alors, évolution -ioi < -iī < -ī) ; probablement suffixe -yo- (*Aresequanios), ici non apparent : la diphtongue finale -oi passant à -ī en gaulois aux environs de l'ère chrétienne, les anciens nomin. pl. en -oi (TANOTALIKNOI, E-1) et en -yoi (ιεμουριοι, GAR-02-03) deviennent, les uns et les autres, des nomin. pl. en -ī. Il est probable que les « voisins de Sequana » ici concernés sont non point, de façon large et imprécise, les riverains du fleuve au long de son cours, mais proprement les voisins de son point d'excellence, celui où il surgit.
Cet ethnique pluriel eût suffi à justifier le pluriel du verbe, et le mot suivant, intercalé entre sujet et verbe, pourrait, a priori, avoir désigné quelque modalité de l'offrande. Mais une telle spécification est étrangère à tout le reste du dossier ieuru, et, d'autre part, il n'apparaît, en cette direction, aucune explication plausible pour le mot. On a donc avantage à voir dans Ariίos un anthroponyme, lequel d'ailleurs appartient à une souche déjà connue (Holder 1962 I (214, 215, 216), Holder 1962 III (685, 686)).
Il est, en ce cas, probable que cet Ariíos est quelque magistrat local agissant, au nom de la communauté des Aresequani, en faveur d'un évergète qu'on a décidé d'honorer d'une stèle, et dont le nom figure à la l.5. C'est le seul document ieuru où l'objet soit un nom de personne : tour brachylogique « offrir quelqu'un » pour « offrir l'effigie de quelqu'un ».
Dans le forme verbale (3e pluriel ...u-s en regard de 3e singulier ...u), évolution eu < ou en syllabe initiale, dont c'est, pour ce mot, l'unique exemple (contre onze fois ...eu...).
Deux difficultés à la l.5. On attend Luciíon Nertecomari ou Luciíon Nertecomareon (ou autre dérivation adjective). Mais, d'une part (moins peut-être lapsus que subterfuge pour gagner de la place), le n fait double emploi de lettre finale de l'idionyme et de lettre initiale du patronyme. D'autre part, le patronyme est coupé court, sans qu'il apparaisse s'il s'agit d'un génitif ou d'un adjectif. Conventionnellement (avec génitif comme à Alise-Sainte-Reine en CDO-01-19), nous transcrirons : Lucio(n) Nertecoma(ri).
L'idionyme est directement emprunté au latin, avec le ū de latin Lūcius alors que le gaulois n'ignore pas une souche Leuc-/Louc- (Holder 1962 II (192sv., 291) ; cf. ALL-01-01) ; avec assimilation *nerto < nerte- (sur ces accidents, cf. Schmidt 1957 pp. 93 sv.).
Le nom du père est de stock indigène, il repose sur le tricomposé *Nerto-co-māros ; nerte- doit s'expliquer (cf. Schmidt 1957 pp. 91 : « e-Fuge für o-Fuge ») comme un doublet de nerto- Schmidt 1957 pp. 249. Isolément existe un Co-māros (CIL VI (8879), cf. CIL V (5997)), ici englobé dans un plus large complexe. Pour -māro-, Schmidt 1957 pp. 238 (avec un gentilice Comarius à Milan, CIL V (5997), issu d'un idionyme *Co-māros) ; mais Evans (Evans 1967 pp. 462) reste indécis sur la seconde partie du composé.
Le verbe est au pluriel en -s ; on notera l'exceptionnelle évolution eu > ou dans la syllabe radicale (partout ailleurs ieuru, ieuri, avec eu intact, ce qui indique qu'il ne doit pas s'agir d'une diphtongue *eu héritée).
En asyndète (comme en *CHE-01-01), deux sujets ; le premier, lui-même au pluriel, le second : anthroponyme.
Ethnique Are-sequani : nominatif pluriel en -ī de seconde déclinaison, issu (vers l'ère chrétienne) d'un plus ancien -oi ; en espèce, après le préverbe are- < *p°rĭ- « le long de » (IEW pp. 812, Schmidt 1957 pp. 132) ; le second terme est dérivé l'hydronyme « Seine » / Sequana, peut avoir été non pas *-sequanos mais *-sequanios (avec, alors, évolution -ioi < -iī < -ī) ; probablement suffixe -yo- (*Aresequanios), ici non apparent : la diphtongue finale -oi passant à -ī en gaulois aux environs de l'ère chrétienne, les anciens nomin. pl. en -oi (TANOTALIKNOI, E-1) et en -yoi (ιεμουριοι, GAR-02-03) deviennent, les uns et les autres, des nomin. pl. en -ī. Il est probable que les « voisins de Sequana » ici concernés sont non point, de façon large et imprécise, les riverains du fleuve au long de son cours, mais proprement les voisins de son point d'excellence, celui où il surgit.
Cet ethnique pluriel eût suffi à justifier le pluriel du verbe, et le mot suivant, intercalé entre sujet et verbe, pourrait, a priori, avoir désigné quelque modalité de l'offrande. Mais une telle spécification est étrangère à tout le reste du dossier ieuru, et, d'autre part, il n'apparaît, en cette direction, aucune explication plausible pour le mot. On a donc avantage à voir dans Ariίos un anthroponyme, lequel d'ailleurs appartient à une souche déjà connue (Holder 1962 I (214, 215, 216), Holder 1962 III (685, 686)).
Il est, en ce cas, probable que cet Ariíos est quelque magistrat local agissant, au nom de la communauté des Aresequani, en faveur d'un évergète qu'on a décidé d'honorer d'une stèle, et dont le nom figure à la l.5. C'est le seul document ieuru où l'objet soit un nom de personne : tour brachylogique « offrir quelqu'un » pour « offrir l'effigie de quelqu'un ».
Dans le forme verbale (3e pluriel ...u-s en regard de 3e singulier ...u), évolution eu < ou en syllabe initiale, dont c'est, pour ce mot, l'unique exemple (contre onze fois ...eu...).
Deux difficultés à la l.5. On attend Luciíon Nertecomari ou Luciíon Nertecomareon (ou autre dérivation adjective). Mais, d'une part (moins peut-être lapsus que subterfuge pour gagner de la place), le n fait double emploi de lettre finale de l'idionyme et de lettre initiale du patronyme. D'autre part, le patronyme est coupé court, sans qu'il apparaisse s'il s'agit d'un génitif ou d'un adjectif. Conventionnellement (avec génitif comme à Alise-Sainte-Reine en CDO-01-19), nous transcrirons : Lucio(n) Nertecoma(ri).
L'idionyme est directement emprunté au latin, avec le ū de latin Lūcius alors que le gaulois n'ignore pas une souche Leuc-/Louc- (Holder 1962 II (192sv., 291) ; cf. ALL-01-01) ; avec assimilation *nerto < nerte- (sur ces accidents, cf. Schmidt 1957 pp. 93 sv.).
Le nom du père est de stock indigène, il repose sur le tricomposé *Nerto-co-māros ; nerte- doit s'expliquer (cf. Schmidt 1957 pp. 91 : « e-Fuge für o-Fuge ») comme un doublet de nerto- Schmidt 1957 pp. 249. Isolément existe un Co-māros (CIL VI (8879), cf. CIL V (5997)), ici englobé dans un plus large complexe. Pour -māro-, Schmidt 1957 pp. 238 (avec un gentilice Comarius à Milan, CIL V (5997), issu d'un idionyme *Co-māros) ; mais Evans (Evans 1967 pp. 462) reste indécis sur la seconde partie du composé.
Remarques de Michel Lejeune : MLE-2-a
Comme il est habituel, l'artisan qui signe ne donne que son idionyme. Sur ce nom, composé dago (Schmidt 1957 pp. 186) et de -litu- (Schmidt 1957 pp. 232), voir Evans 1967 pp. 79.
Le verbe « fēcit » est en graphie latine : A(V)VOT, en graphie grecque : αυουωτ (deux fois attesté à Alise-Sainte-Reine : CDO-01-01,CDO-01-02). Restituer donc ici αυο<υω˃τ, en portant au passif de Dagolitus un lapsus par interversion dans un mot qui devait pourtant lui être familier.
Le verbe « fēcit » est en graphie latine : A(V)VOT, en graphie grecque : αυουωτ (deux fois attesté à Alise-Sainte-Reine : CDO-01-01,CDO-01-02). Restituer donc ici αυο<υω˃τ, en portant au passif de Dagolitus un lapsus par interversion dans un mot qui devait pourtant lui être familier.
Commentaires:
Remarques de Dagmar Wodtko : MLE-1-a MLE-1-b PLT-1-a PLT-1-b PLT-1-c
Zu IOVRVS bemerkt Lambert 2018 pp. 100: « iourus n'a certainement pas la valeur plurielle: le -s final est plutôt une particule de phrase ». Dagegen schlägt Eska 2007/2008 eine Herleitung aus der Endung der uridg. 3. pl. Perfekt vor.
de Bernardo Stempel 1992 rechnet mit einem Dativ Singular Luciō Nertecoma[ri?] und argumentiert: „Zum einen sind andere Fälle von o-Schreibung beim Dativ Singular in gallo-lateinischen Inschriften bekannt, zweitens handelt es sich in unserem Fall gerade um einen lateinischen Personennamen, der ohnehin einen ō-Dativ aufweisen würde. Als Bedeutung ergäbe sich dann ‘A. (und) A. widmeten (vorliegendes Abbild in Hochrelief) dem L., Sohn des N.', oder besser 'für den L., Sohn des N.', wenn man aufgrund der Formel mit ieuru die Widmung an ein nicht göttliches Wesen ausschließt.“
Lambert 1997b pp. 405 rechnet damit, dass Kasusendungen bei der zweiten Erwähnung abgekürzt erscheinen können und bietet drei mögliche Interpretationen des Textes: (1) „Le chef [ariios, Subjekt] du district près de la Seine (Aresequanom toponyme?) [im Gen.sg.], Lucios [abgekürzte Apposition] Nertecoma(ri), l’a offert.“ (2) „cet ariios [Objekt, neutr. s-St.] de l’Aresequanon, Luciios magistrat 'nertecoma(ricos)‘ [ein Titel] l’a offert.“ [3] „A Aresequana (théonyme), Lucios Nertecoma(ri) a offert l’ariios.“
Corthals 1999 segmentiert Are Sequania rijos iourus Lucijo Nerte Coma; Are sei Präposition, Sequania ein Gen.sg., der aus -ias entstanden ist und folgendes (eher unklares) rijos bestimmt. In Nerte liege eine Etwicklung des Gen.sg. *Nertī vor, ein Kurzname, der als Patronym zu Lucius fungiert. Coma sei ein zweiter asyndetisch folgender Name, der sich gall. κομα (VAU-03-03 = G114) vergleiche. Corthals übersetzt tentativ “Bei (wegen?) ... der Sequana haben Lucios, Sohn des Nertus [leg. -os], und Coma gewidmet.”
de Bernardo Stempel 2013 bemerkt “Areséquani áriios ióuru-s Lúcio Nertecoma[] is best translated "To the goddess at the (river) Sequana; the arios (probably the 1st citizen or priest) offered it for the benefit of Lucius son of Nertecomaros."
de Bernardo Stempel 1992 rechnet mit einem Dativ Singular Luciō Nertecoma[ri?] und argumentiert: „Zum einen sind andere Fälle von o-Schreibung beim Dativ Singular in gallo-lateinischen Inschriften bekannt, zweitens handelt es sich in unserem Fall gerade um einen lateinischen Personennamen, der ohnehin einen ō-Dativ aufweisen würde. Als Bedeutung ergäbe sich dann ‘A. (und) A. widmeten (vorliegendes Abbild in Hochrelief) dem L., Sohn des N.', oder besser 'für den L., Sohn des N.', wenn man aufgrund der Formel mit ieuru die Widmung an ein nicht göttliches Wesen ausschließt.“
Lambert 1997b pp. 405 rechnet damit, dass Kasusendungen bei der zweiten Erwähnung abgekürzt erscheinen können und bietet drei mögliche Interpretationen des Textes: (1) „Le chef [ariios, Subjekt] du district près de la Seine (Aresequanom toponyme?) [im Gen.sg.], Lucios [abgekürzte Apposition] Nertecoma(ri), l’a offert.“ (2) „cet ariios [Objekt, neutr. s-St.] de l’Aresequanon, Luciios magistrat 'nertecoma(ricos)‘ [ein Titel] l’a offert.“ [3] „A Aresequana (théonyme), Lucios Nertecoma(ri) a offert l’ariios.“
Corthals 1999 segmentiert Are Sequania rijos iourus Lucijo Nerte Coma; Are sei Präposition, Sequania ein Gen.sg., der aus -ias entstanden ist und folgendes (eher unklares) rijos bestimmt. In Nerte liege eine Etwicklung des Gen.sg. *Nertī vor, ein Kurzname, der als Patronym zu Lucius fungiert. Coma sei ein zweiter asyndetisch folgender Name, der sich gall. κομα (VAU-03-03 = G114) vergleiche. Corthals übersetzt tentativ “Bei (wegen?) ... der Sequana haben Lucios, Sohn des Nertus [leg. -os], und Coma gewidmet.”
de Bernardo Stempel 2013 bemerkt “Areséquani áriios ióuru-s Lúcio Nertecoma[] is best translated "To the goddess at the (river) Sequana; the arios (probably the 1st citizen or priest) offered it for the benefit of Lucius son of Nertecomaros."
Commentaire sociolinguistique:
Remarques de Michel Lejeune : MLE-1-a MLE-1-b
« Les Riverains-de-Seine (aresequani)... ont dédié (iourus ; entendre : en effigie) Lucius (luciion) fils de Nertecomaros (en abrégé, soit adjectif patronymique ...mareon uel sim., soit génitif marī). » De statut et de sens incertain demeure le mot ariios. Honneurs officiels, donc, rendus par la communauté locale à un personnage sans doute bienfaiteur du sanctuaire.
Remarques de l'équipe du RIIG : MLE-1-a MLE-1-b
L'objet est présenté comme stèle funéraire au musée archéologique de Dijon, au même titre que toute une collection de stèles gallo-romaines de ce type.
Remarques de María José Estarán :
- Genre épigraphique : lapidaire et public ?
- Ce pourrait être une inscription funéraire par le type de support (naiskos)
- Le contexte est pourtant religieux :
- il y a d'autres épitaphes dans lesquelles on indique le nom du défunt et de la personne qui s'est chargée de réaliser le monument ; mais aucun ne porte la mention « ieuru » à l'exception de CHE-01-01 (qui est peut-être le remploi d'une stèle funéraire). Sur l'emploi de ieuru dans différents contextes voir Estarán 2021 .
- la signature de l'artisan apparaît également à Genouilly (CHE-01-01), où elle est en gaulois et alphabet grec (avec hellénisme).
- l'identité du commanditaire n'est pas claire : il pourrait également s'agir d'une collectivité.
- Langue et écriture : alphabet latin pour le texte et alphabet grec pour la signature.
- Contexte épigraphique : abondantes dédicaces en latin à la déesse Séquana.
Remarques de Alex Mullen :
Monolingual bigraphic text. Text is Gaulish but there is a change of script from Latin to Greek.
- There is a change of script from Latin into Greek in this entirely Gaulish text. The Greek script is used only for the artisan's 'signature'. The use of Greek script/language for this domain is relatively common, and persists throughout the Roman period (see Mullen 2013 pp. 264-299) (see also CHE-01-01). The artisan named on this monument has recently been shown to have belonged to sculptor’s workshop which has been named ‘Seine 2’ and which can be dated to the third quarter of the first century CE (Lamy 2015 pp. 231).
- AVOT example.
- It also contains IEVRV, see Lambert 1979 , Lejeune 1980a , Estarán 2021 .
Monolingual bigraphic text. Text is Gaulish but there is a change of script from Latin to Greek.
Photos
Bibliographie du RIG: CIL ; Lerat 1954 ; Martin 1954 ; Lebel 1955 ; Lejeune et Martin 1956 ; Holder 1962 ; Lejeune 1971a ; Lejeune 1980a ; Deyts 1983 ;
Baudot 1845 ; Corot 1940 ; Lejeune et Martin 1956 ; IEW ; Holder 1962 ; Lejeune 1969a ; Lejeune 1971a ; Lejeune 1980a ;
Bibliographie du RIIG: Lambert 1979 ; Lejeune 1980a ; Eska 2007/2008 ; Lamy 2015 ; Estarán 2021.
Linked Data:
- Dernier quart du Ier siècle : http://n2t.net/ark:/99152/p09hq4ncc3f
- Stèle : https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrtvpHLEemb4v
- Calcaire : https://www.eagle-network.eu/voc/material/lod/57
- Complète : https://www.eagle-network.eu/voc/statepreserv/lod/2
- Gravée : https://www.eagle-network.eu/voc/writing/lod/3
- Musée Archéologique : https://www.trismegistos.org/collection/2369
- Lugdunensis : https://www.trismegistos.org/place/19858
- Mandubii : https://www.trismegistos.org/place/23913
- Saint-Germain-Source-Seine : https://www.trismegistos.org/place/24178
- France : https://www.trismegistos.org/place/693
How to cite: Ruiz Darasse C., Blanchet H., Wodtko D., Estarán M.-J., Mullen A., Chevalier N., Prévôt N., « RIIG CDO-02-01 », dans Ruiz Darasse C. (éd.), Recueil informatisé des inscriptions gauloises, https://riig.huma-num.fr/, DOI : 10.21412/petrae_riig_CDO-02-01 (consulté le 26 avril 2024).
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URI : https://riig.huma-num.fr/documents/CDO-02-01
Dernière modification : 2024-04-09; Michel Lejeune (First editor); Coline Ruiz Darasse (Project coordinator and contributor); Hugo Blanchet (Contributor); Dagmar Wodtko (Contributor); María José Estarán Tolosa (Contributor); Alex Mullen (Contributor); Nolwenn Chevalier (Metadata, TEI encoding); Nathalie Prévôt (Database Design)