Localisation: France/Occitanie/Gard
Site : Beaucaire nom(s) antique(s): Ugernum
Province romaine: Narbonensis
Support: colonne
Matériau: calcaire
Description du support: colonne en calcaire coquillier assez grossier. Hauteur totale : 153 cm. D'une base circulaire moulurée (61 cm de diamètre max. ; 37 cm de haut) se dégage une colonne cylindrique (44 cm de diamètre ; 93 cm de haut) qui s'achève en un chapiteau d'inspiration dorique (23 cm de haut) à abaque rectangulaire (59 × 69 cm), de hauteur non-constante (9 cm de haut max.). Au centre du plat supérieur, mortaise de 8 cm de haut × 8 cm de large × 8 cm de profondeur max. (mais le fond de la cavité est concave, non-plat) : logement probable du socle d'une statuette ; il ne subsiste pas de traces de scellement. La facture du document appelle deux remarques. D'une part, technique rare, toutes les portions circulaires (base ; fût ; tore supportant l'abaque) ont été faites au tour. D'autre part, la réalisation est maladroite, l'artisan n'est pas arrivé à obtenir, pour les éléments circulaires, des profils symétriques, ni à centrer convenablement l'abaque sur le tore.
État de conservation: Le monument est complet mais l'inscription est incomplète.
Lieu de découverte: Beaucaire
Contexte local: Le territoire de la commune de Beaucaire, antique Ugernum, présente plusieurs sites protohistoriques d’importance : les habitats perchés de Triple-Levée (Bronze final) et de la Redoute (fin âge du Bronze - période gallo-romaine), un habitat de bas de pente (-IIe) à l’emplacement de la ville médiévale et moderne, ainsi que trois nécropole à sa bordure ouest : les Colombes, les Marronniers et le Sizen (début -IIe jusqu’au Haut Empire).
Conditions de découverte: Monument découvert en 1962 par O. Lombard, alors qu'il servait d'ornement sur la terrasse d'un bâtiment administratif des « Brasseries de la Meuse », entreprise implantée depuis 1880 à 4 km au sud-ouest de Beaucaire entre le canal d'Aigues-Mortes et la voie ferrée de Sète. Créées en 1858, les Brasseries avaient d'abord été installées à la lisière de la ville sur la rive sud du canal, non loin donc de l'écluse de prise d'eau. Aucune précision n'a pu être obtenue sur l'époque et les circonstances qui ont mis les Brasseries en possession de la colonne. Dans l'hypothèse où ce serait avant 1880, on peut penser à une trouvaille, plus tardive, dans le même secteur d'où étaient provenus, au début du siècle, (*GAR-02-02) et (*GAR-02-02).
Historique de conservation: En juillet 1964, la Société d'Histoire et d'Archéologie de Beaucaire se voit confier par les Brasseries la conservation du monument, qu'elle installe dans son musée archéologique.
Lieu de conservation: Beaucaire
Institution de conservation: Musée Auguste Jacquet
N° inventaire: 979.1.407
Autopsie: Sans tarder, plusieurs brefs signalements sont donnés de l'inscription, dont une lecture de P.-M. Duval : Duval 1964 pp. 114-116, Gallet de Santerre 1964 pp. 498-499, BSAB 1966 .
Description de l'inscription: Le champ inscrit est fourni par les faces verticales de l'abaque. Elles varient en hauteur de 7,5 cm à 9 cm (avec tendance à faire ventre vers le bas en leur milieu). L'inscription est gravée, elle se poursuit, en graphie continue, sur les quatre faces, occupant 227 cm sur les 256 cm de large du périmètre total ; sa fin est marquée par un blanc.
Description de l'écriture: Lettres capitales de 30 mm à 65 mm de haut. Les ε et les σ sont lunaires ; α à barrette brisée de façon plus ou moins accentuée ; μ à jambages latéraux obliques ; ν (un exemplaire sûr) à jambage latéraux à peu près verticaux, mais celui de droite logé plus haut que l'autre. Écriture irrégulière : signes mal alignés (mais, en général, occupant le haut du champ) et inégalement espacés ; la gravure du texte n'est pas plus habile que la taille de la pierre.
Remarques de Michel Lejeune :
En un endroit de la quatrième face (face d chez Lejeune), le graveur a lui-même été gêné par une importante irrégularité de la surface (grosse empreinte fossile circulaire). D'autre part un accident ultérieur a écorné l'angle de la première et deuxième face (faces a/b chez Lejeune), endommageant la dernière lettre de la première face, et faisant disparaître deux ou trois lettres au début de la deuxième face.
Des quatre faces inscrites, l'ordre de lecture est déterminé par le blanc subsistant à droite dune des faces, qui est donc à reconnaître pour la dernière. Le découpage du texte entre faces successives a été fait sans souci des limites de mots ou de syllabes.
Face 1 : La gravure ménage un blanc initial (de la largueur d'une lettre). Lecture partout claire. En fin de ligne, εμ exclu (à cause de la disjonction des deux éléments), ελα exclu (on apercevrait l'amorce de la barrette), ελλ seul possible.
Face 2 : C'est la plus endommagée. Au début, zone meurtrie où aucun trait de gravure n'est plus discernable avec certitude : deux lettres peuvent manquer (probablement, entre ελλ... et ...εια, voyelle + consonne). Après ειατε, une profonde meurtrissure où les restes de gravure perceptibles ne sont guère compatible qu'avec un γ ; ensuite, un tracé qui peut être soit un λ (mais un peu bas situé dans le champ), soit la partie inférieure d'un κ (mais dont la haste gauche serait un peu oblique) ; la lecture γκ exclurait une coupe de mots après ατε. Ensuite οουεισ ou οουεσι (la barrette de ε serait alors oblitérée par une meurtrissure).
Face 3 : Pas d'ambiguïté de lecture ; noter que la hampe du second τ est torse.
Face 4 : D'abord un ι puis un α, assez distants (mais le lapicide est trop malhabile pour qu'on tienne cet espacement pour intentionnel, et marque de fin de mot). Immédiatement après α, secteur confus (empreinte fossile), sur quoi nous reviendrons. Ensuite comme s'il craignait de manquer de place pour terminer son texte, le graveur passe à des caractères de plus petit format, et resserrés (ce resserrement allant jusqu'à l'usage d'une ligature qu'on peut lire soit α͡ν soit α͡ι) ; c'est l'interprétation grammaticale de l'énoncé qui nous fera choisir α͡ν, élément d'une désinence αντ. Avec ε seulement, les lettres retrouvent dimension et espacement habituels, comme si le graveur s'était avisé d'une solution rédactionnelle qui le tire d'embarras ; tant et si bien qu'il reste finalement un blanc à droite de τεουτο, blanc de la largeur de cinq lettres environ. Entre ια et ια͡ντ, en début de ligne, grande empreinte circulaire de coquillage, en trois cercles concentriques, le tout de la hauteur d'une lettre ; paraissent en sortir, vers le haut et la droite, quelques éléments de traits gravés, notamment vers la droite deux traits obliques faisant songer à la portion droite d'un κ. Le lapicide a-t-il gravé cette portion de κ à la place où elle serait si le fossile ne l'avait gêné pour tracer la portion gauche ? A-t-il, d'autre part, pris en compte comme σ la demi-circonférence gauche du fossile lui-même ? On ne saurait faire fond sur un a[σκ]α͡νντ reposant sur de telles hypothèses. Il est malencontreux qu'on doive renoncer à lire ce mot, mais il est sage de s'y résigner.
Des quatre faces inscrites, l'ordre de lecture est déterminé par le blanc subsistant à droite dune des faces, qui est donc à reconnaître pour la dernière. Le découpage du texte entre faces successives a été fait sans souci des limites de mots ou de syllabes.
Face 1 : La gravure ménage un blanc initial (de la largueur d'une lettre). Lecture partout claire. En fin de ligne, εμ exclu (à cause de la disjonction des deux éléments), ελα exclu (on apercevrait l'amorce de la barrette), ελλ seul possible.
Face 2 : C'est la plus endommagée. Au début, zone meurtrie où aucun trait de gravure n'est plus discernable avec certitude : deux lettres peuvent manquer (probablement, entre ελλ... et ...εια, voyelle + consonne). Après ειατε, une profonde meurtrissure où les restes de gravure perceptibles ne sont guère compatible qu'avec un γ ; ensuite, un tracé qui peut être soit un λ (mais un peu bas situé dans le champ), soit la partie inférieure d'un κ (mais dont la haste gauche serait un peu oblique) ; la lecture γκ exclurait une coupe de mots après ατε. Ensuite οουεισ ou οουεσι (la barrette de ε serait alors oblitérée par une meurtrissure).
Face 3 : Pas d'ambiguïté de lecture ; noter que la hampe du second τ est torse.
Face 4 : D'abord un ι puis un α, assez distants (mais le lapicide est trop malhabile pour qu'on tienne cet espacement pour intentionnel, et marque de fin de mot). Immédiatement après α, secteur confus (empreinte fossile), sur quoi nous reviendrons. Ensuite comme s'il craignait de manquer de place pour terminer son texte, le graveur passe à des caractères de plus petit format, et resserrés (ce resserrement allant jusqu'à l'usage d'une ligature qu'on peut lire soit α͡ν soit α͡ι) ; c'est l'interprétation grammaticale de l'énoncé qui nous fera choisir α͡ν, élément d'une désinence αντ. Avec ε seulement, les lettres retrouvent dimension et espacement habituels, comme si le graveur s'était avisé d'une solution rédactionnelle qui le tire d'embarras ; tant et si bien qu'il reste finalement un blanc à droite de τεουτο, blanc de la largeur de cinq lettres environ. Entre ια et ια͡ντ, en début de ligne, grande empreinte circulaire de coquillage, en trois cercles concentriques, le tout de la hauteur d'une lettre ; paraissent en sortir, vers le haut et la droite, quelques éléments de traits gravés, notamment vers la droite deux traits obliques faisant songer à la portion droite d'un κ. Le lapicide a-t-il gravé cette portion de κ à la place où elle serait si le fossile ne l'avait gêné pour tracer la portion gauche ? A-t-il, d'autre part, pris en compte comme σ la demi-circonférence gauche du fossile lui-même ? On ne saurait faire fond sur un a[σκ]α͡νντ reposant sur de telles hypothèses. Il est malencontreux qu'on doive renoncer à lire ce mot, mais il est sage de s'y résigner.
Type de texte: Indéterminé
Datation du texte: -IIe/-Ier siècle
Justificatif de datation: contexte.
Niveau de certitude: ◉○○
Édition corpus: RIG I p. 223, 228-236 ; RIG I p. 229-233 fig. 193-197 .
Commentaire bibliographique: Dottin 1918 ; Lejeune 1956 ; Holder 1962 ; Duval 1964 p. 114-116 ; Gallet de Santerre 1964 ; BSAB 1966 ; Lejeune 1973a ; Lejeune et Marichal 1977 ; p. 150-156 ; Lejeune 1979d ; CAG 30-02 200-201 ; Dupraz 2018.
Texte
ΙЄΜΟΥΡΙΟΙΤЄΛΛ̣//[ ··2-3·· ]ЄΙ// ΟΥΙΤΟΟΥΤΟΥΝΙΑ//ΙΑ[ ··1-2·· ]ΤΤЄΟΥΤΟ |
ιεμουριοι γ̣λ̣οουε̣σι- ουι τοουτουνια- ια[ ··1-2·· ]ι⁽αν⁾τ τεουτο |
ΙЄΜΟΥΡΙΟΙΤЄΛΛ̣//[ ··2-3·· ]ЄΙΑΤЄΓ̣+ΟΟΥϹ̣ϹΙ// ΟΥΙΤΟΟΥΤΟΥΝΙΑ//ΙΑ[ ··1-2·· ]Ι⁽ΑΝ⁾ΤΤЄΟΥΤΟ |
ιεμουριοι τελλ̣-[ ··2-3·· ]ειατε γ̣+οουσ̣σι- ουι τοουτουνι α-ια[ ··1-2·· ]ι⁽αν⁾τ τεουτο |
ΙЄΜΟΥΡΙΟΙΤЄΛΛ̣//[ ··2-3·· ]ЄΙΑΤЄΓ̣+ΟΟΥϹ̣ϹΙ// ΟΥΙΤΟΟΥΤΟΥΝΙΑ//ΙΑ[ ··1-2·· ]Ι⁽ΑΝ⁾ΤΤЄΟΥΤΟ |
ιεμουριοι τελλ̣-[ον]ει ατεγ̣+οουσ̣σι- ουι τοουτουνια -ια[ ··1-2·· ]ι⁽αν⁾τ τεουτο |
ιεμουριοι γ̣λ̣οουε̣σι- ουι τοουτουνια- ια[ ··1-2·· ]ι⁽αν⁾τ τεουτο |
substantif nominatif pl. masc. thème en -o théonyme datif sg. idionyme instrumental-sociatif fém. sg. thème en -ā verbe 3e pers. pl. indicatif présent idionyme nominatif masc. sg. thème consonantique |
ιεμουριοι τελλ̣-[ ··2-3·· ]ειατε γ̣+οουσ̣σι- ουι τοουτουνι α-ια[ ··1-2·· ]ι⁽αν⁾τ τεουτο |
substantif nominatif pl. masc. thème en -o idionyme datif masc. sg. patronyme datif masc. sg. thème en -o substantif (fonction) datif sg. verbe 3e pers. pl. indicatif présent forme indéterminée |
ιεμουριοι τελλ̣-[ον]ει ατεγ̣+οουσ̣σι- ουι τοουτουνια -ια[ ··1-2·· ]ι⁽αν⁾τ τεουτο |
substantif nominatif pl. masc. thème en -o théonyme datif masc. sg. thème consonantique adjectif (épiclèse) datif masc. sg. thème en -o idionyme nominatif fém. sg. thème en -ā verbe 3e pers. pl. indicatif présent idionyme nominatif masc. sg. thème consonantique |
Traduction:
de ΕDZ : ΕDZ-a
Les jumeaux, pour T. [et] pour G., Teutō avec / ou au nom de Toutonia offrent (?).
de David Stifter : DSR-a
The twins for *Tellū Atencou̯esios ? (...)
Apparat critique:
Remarques de Michel Lejeune : MLE-a MLE-b MLE-c
Interprétation problématique ; voir discussion dans .
Sujet (nominatif masculin pluriel) ιεμουριοι, de signification inconnue ; suffixe -urio- connu par ailleurs non seulement dans des anthroponymes (Holder 1962 III (41)), mais dans l'appellatif (accusatif pluriel) soldurios (César 3 22 ).
Séquence commençant par τελλ... et se terminant par ...ουεσιουι ; il n'y apparaît aucune terminaison de nominatif pluriel (qui signalerait un déterminant de ιεμουριοι) ou d'accusatif (qui indiquerait l'objet dans cet énoncé verbal) ; il n'y a donc lieu d'y voir ce que permettent deux plausibles finales de datif singulier : ...ιουι pour un patronyme en -ios, ...ατε pour un idionyme en -atis.
Ensuite, datif soit masculin τοουτουνι soit féminin τοουτουνια. Si masculin, s'agirait-il d'un nom de fonction apposé à l'ensemble idionyme + patronyme ? Si féminin, nom de défunte juxtaposé, en asyndète, au nom du défunt (monument de couple) ? À vrai dire, la dérivation en -ōn- oriente plutôt vers l'onomastique que vers le lexique politique (cf. à Arles un Q. Melius Toutonis f., CIL XII (852)).
Verbe à la 3e pluriel de l'indicatif présent qui serait αια[ ]ιαντ si on lisait τοουτουνι mais α[ ]ιαντ si on lit τοουτουνιαι ; de lecture et de signification non précisable, il exprime (sans qu'un accusatif soit, semble-t-il, nécessaire) l'offrande funéraire faite par les ιεμουριοι.
Séquence finale τεουτο énigmatique.
L'analyse ci-dessus repose sur l'identification de désinences déjà connues : datif singulier -αι de Ier déclinaison (cf. εσκεγγαι VAU-06-01, etc.), datif singulier -ουι de IIe déclinaison (cf. βαλαυδουι VAU-05-04, etc.), datif singulier -ε de thème en -i (cf. κρειτε GAR-11-01, etc.), nominatif pluriel -οι de 2e déclinaison (cf. ταουτανοι AUB-01-01, etc.), 3e pluriel -αντ de présent de la 1ère conjugaison (cf. senant sur le pilier de Paris, Lejeune 1979d pp. 102 sv.).
Mais elle mène à aucune intelligence précise du document puisque la signification du sujet ιεμουριοι et du verbe α[ ]ιαντ nous échappe. Et deux des trois noms propres qu'elle isole sont dépourvus de correspondants connus (τοουτουνια seul faisant exception).
Elle a laissé, enfin, hors jeu, la séquence τεουτο, à laquelle nous en venons maintenant.
Une première tentation serait d'y voir un démonstratif neutre : α[ ]ιαντ τεουτο « érigent ceci » (en l'espèce : « cette colonne »), comme à Séraucourt (Dottin 1918 (47)sosio legasit « a offert ceci » (en l'espèce : « ce vase »). L'ordre des mots n'est pas un obstacle (cf. accusatif final de dédicace à Vaison, VAU-13-01). Mais, à notre connaissance, c'est sur *so-, non sur *to-, que le celtique forme ses démonstratifs ; on le savait pour le celtique insulaire et pour le gaulois lui-même (σοσιν à Vaison, VAU-13-01 ; sosio à Séraucourt, Dottin 1918 (47) ; accusatif masculin pluriel sos à Chamalières, Lejeune et Marichal 1977 ) ; on le sait désormais aussi pour le celtibère grâce au texte de Botorrita (Lejeune 1973a ) ; la ressemblance (imparfaite) de τεουτο avec le grec τοῦτο n'est probablement qu'un mirage.
Autre solution : l'abréviation d'une expression formulaire signifiant « à l'invitation (ou : avec la participation) de la cité ». Le caractère formulaire (donc banal) de la locution rendait possible une notation abrégée. Le caractère institutionnel (donc traditionnel) de la locution justifierait le maintien de la diphtongue eu dans le premier mot (τεου...) alors qu'à l'époque du texte, dans l'usage courant, elle était passée à ou (τοου... dans le mot précédant le verbe). Hypothèse donc d'un τεου(τας) το(...) « ciuitatis iussi » dont nous ne sommes pas en mesure de restituer le second terme ; à titre de comparaison, songer au monument funéraire de Briona érigé au nom de la cité par un certain nombre de participants, l'épitaphe se terminant par ...karnitus toutas [...] « erexerunt ciuitatis [iussi] » (Lejeune 1956 ) : le dernier mot, perdu, à Briona, était-il l'équivalent du το(...) de Beaucaire ? Ni notre mot en το(...), non-restituable, avait une longueur supérieure à sept lettres, un problème d'espace se posait au lapicide, entamant la quatrième face : ce souci l'aurait conduit, dans un premier temps, à resserrer les premières lettres et à user d'une ligature, et, dans un second temps, à recourir à une double abréviation.
Sujet (nominatif masculin pluriel) ιεμουριοι, de signification inconnue ; suffixe -urio- connu par ailleurs non seulement dans des anthroponymes (Holder 1962 III (41)), mais dans l'appellatif (accusatif pluriel) soldurios (César 3 22 ).
Séquence commençant par τελλ... et se terminant par ...ουεσιουι ; il n'y apparaît aucune terminaison de nominatif pluriel (qui signalerait un déterminant de ιεμουριοι) ou d'accusatif (qui indiquerait l'objet dans cet énoncé verbal) ; il n'y a donc lieu d'y voir ce que permettent deux plausibles finales de datif singulier : ...ιουι pour un patronyme en -ios, ...ατε pour un idionyme en -atis.
Ensuite, datif soit masculin τοουτουνι soit féminin τοουτουνια. Si masculin, s'agirait-il d'un nom de fonction apposé à l'ensemble idionyme + patronyme ? Si féminin, nom de défunte juxtaposé, en asyndète, au nom du défunt (monument de couple) ? À vrai dire, la dérivation en -ōn- oriente plutôt vers l'onomastique que vers le lexique politique (cf. à Arles un Q. Melius Toutonis f., CIL XII (852)).
Verbe à la 3e pluriel de l'indicatif présent qui serait αια[ ]ιαντ si on lisait τοουτουνι mais α[ ]ιαντ si on lit τοουτουνιαι ; de lecture et de signification non précisable, il exprime (sans qu'un accusatif soit, semble-t-il, nécessaire) l'offrande funéraire faite par les ιεμουριοι.
Séquence finale τεουτο énigmatique.
L'analyse ci-dessus repose sur l'identification de désinences déjà connues : datif singulier -αι de Ier déclinaison (cf. εσκεγγαι VAU-06-01, etc.), datif singulier -ουι de IIe déclinaison (cf. βαλαυδουι VAU-05-04, etc.), datif singulier -ε de thème en -i (cf. κρειτε GAR-11-01, etc.), nominatif pluriel -οι de 2e déclinaison (cf. ταουτανοι AUB-01-01, etc.), 3e pluriel -αντ de présent de la 1ère conjugaison (cf. senant sur le pilier de Paris, Lejeune 1979d pp. 102 sv.).
Mais elle mène à aucune intelligence précise du document puisque la signification du sujet ιεμουριοι et du verbe α[ ]ιαντ nous échappe. Et deux des trois noms propres qu'elle isole sont dépourvus de correspondants connus (τοουτουνια seul faisant exception).
Elle a laissé, enfin, hors jeu, la séquence τεουτο, à laquelle nous en venons maintenant.
Une première tentation serait d'y voir un démonstratif neutre : α[ ]ιαντ τεουτο « érigent ceci » (en l'espèce : « cette colonne »), comme à Séraucourt (Dottin 1918 (47)sosio legasit « a offert ceci » (en l'espèce : « ce vase »). L'ordre des mots n'est pas un obstacle (cf. accusatif final de dédicace à Vaison, VAU-13-01). Mais, à notre connaissance, c'est sur *so-, non sur *to-, que le celtique forme ses démonstratifs ; on le savait pour le celtique insulaire et pour le gaulois lui-même (σοσιν à Vaison, VAU-13-01 ; sosio à Séraucourt, Dottin 1918 (47) ; accusatif masculin pluriel sos à Chamalières, Lejeune et Marichal 1977 ) ; on le sait désormais aussi pour le celtibère grâce au texte de Botorrita (Lejeune 1973a ) ; la ressemblance (imparfaite) de τεουτο avec le grec τοῦτο n'est probablement qu'un mirage.
Autre solution : l'abréviation d'une expression formulaire signifiant « à l'invitation (ou : avec la participation) de la cité ». Le caractère formulaire (donc banal) de la locution rendait possible une notation abrégée. Le caractère institutionnel (donc traditionnel) de la locution justifierait le maintien de la diphtongue eu dans le premier mot (τεου...) alors qu'à l'époque du texte, dans l'usage courant, elle était passée à ou (τοου... dans le mot précédant le verbe). Hypothèse donc d'un τεου(τας) το(...) « ciuitatis iussi » dont nous ne sommes pas en mesure de restituer le second terme ; à titre de comparaison, songer au monument funéraire de Briona érigé au nom de la cité par un certain nombre de participants, l'épitaphe se terminant par ...karnitus toutas [...] « erexerunt ciuitatis [iussi] » (Lejeune 1956 ) : le dernier mot, perdu, à Briona, était-il l'équivalent du το(...) de Beaucaire ? Ni notre mot en το(...), non-restituable, avait une longueur supérieure à sept lettres, un problème d'espace se posait au lapicide, entamant la quatrième face : ce souci l'aurait conduit, dans un premier temps, à resserrer les premières lettres et à user d'une ligature, et, dans un second temps, à recourir à une double abréviation.
Commentaires:
Remarques de Carlos Jordán : MLE-a ΕDZ-a
Le celtibère possède les formes suivantes du démonstratif :
1) Thème *so, sa :
2) Thème *to :
3) Thème *sto- ? :
E. Dupraz (Dupraz 2018 ) plantea que es una dedicatoria, no una inscripción funeraria. Un argumento de peso a su favor es que el texto está dispuesto en las cuatro caras del ábaco. No es lo esperado para un texto funerario en el que se espera que el nombre del muerto se lea fácilmente y no recorriendo el monumento. Propone el siguiente análisis morfo-sintáctico de la inscripción :
1) Thème *so, sa :
- so [MLH IV K.6.1, 3 = BDH GU.01.01, 3 ] : Nominatif ou Génitif sg. m.
- sa [MLH IV K.6.1, 7 = BDH GU.01.01, 7 ] : Nominatif sg. f.
- soz [MLH IV K.1.3, 2 = Z.09.03, 2 ] : Nominatif sg. n. <*sod.
- soisum [MLH IV K.0.8, 2 = SP.02.04, 2 ; MLH IV K.1.1, A-2 = Z.09.01, A-2 ] : possible Génitif pl. m. ou n.
- SAM (Bronze de Novallas) : Accusatif sg. f.
- saum [MLH IV K.1.1, A-8 = Z.09.01, A-8 ] : Génitif pl. f., <*sa-ōm.
- somei [MLH IV K.1.1, A-8 = Z.09.01, A-8 ] : Locatif sg., <*so-(s)mei.
- somui [MLH IV K.1.1, A-7 = Z.09.01, A-7 ] : Datif sg. m. ou n., <*so-(s)m-ōi.
2) Thème *to :
- tas [Z.09.24, A-5 et 7 ], possible Génitif sg. f. ou Nominatif pl. f. ou Accusatif pl. f.
3) Thème *sto- ? :
- stam [MLH IV K.6.1, 6 = BDH GU.01.01, 6 ] : A. sg. f.
- stena [MLH IV K.1.1, A-3, 6 = Z.09.01, A-3, 6 ] : ?
E. Dupraz (Dupraz 2018 ) plantea que es una dedicatoria, no una inscripción funeraria. Un argumento de peso a su favor es que el texto está dispuesto en las cuatro caras del ábaco. No es lo esperado para un texto funerario en el que se espera que el nombre del muerto se lea fácilmente y no recorriendo el monumento. Propone el siguiente análisis morfo-sintáctico de la inscripción :
- ΙΕΜΟΥΡΙΟΙ: emparentado con el ginecónimo hispano-occidental IEMVRIA, sería el nominativo plural de un derivado en *-yo- de un colectivo indoeuropeo *yem(H)-ōr “par de gemelos”. Está formación está emparentada con el irlandés antiguo emon ‘gemelo’ y ‘par (o trío) formado por los gemelos’ de la misma raíz, pero con diferente formación, *yemno- o *yemono- < *im(H)-n- tema débil alternativo del mismo colectivo, con generalización del grado radical [é] del tema fuerte.
- Γ̣ΛΟΟΥΕ̣ΣΙΟΥΙ: Si la lectura correcta es esta, podría ser un derivado en *-yo- de un lexema relacionado con el nombre *glowo- ‘carbón de madera’, cf. galés medio glo. A partir de la raíz *ĝhlewH- ‘quemar’, se formaría un sustantivo de tema en -s- *glew-e/os- ‘fuego, llama uel sim.’ y de aquí se formaría un derivado *glow-es-y-ōy, D. sg. de un tema en -o, de un posible teónimo. Este teónimo tendría otro coordinado delante que está incompleto y de la que se puede leer con seguridad su parte final -ΑΤΕ.
- ΤΟΟΥΤΟΥΝΙ, ΤΟΟΥΤΟΝΙΑ, ΤΟΟΥΤΟΥΝΙΑ//Ι: Dupraz favorece la segunda lectura. Plantea que sea un antropónimo femenino en un caso oblicuo de carácter sociativo, que haría referencia a una mujer relacionada con el sujeto del verbo, autor de la dedicación, ΤΕΟΥΤΟ < *tewt-ōn. Otra posibilidad sería que designara a una mujer en cuyo nombre y en cuyo interés se haría la dedicación. La forma sería un caso oblicuo de un derivado femenino en *-ā, *tewt-ōn-ā sobre ese *tewt-ōn ya indicado.
- ΤΕΟΥΤΟ: Dupraz plantea que sea el nominativo singular de un antropónimo de tema en nasal *tewt-ōn- (con mantenimiento vocálico radical originario), que, en definitiva, sería la “pareja” de su hermana ΤΟΟΥΤΟΝΙΑ. Esta dedicatoria estaría encuadrada entre las dos palabras ΙΕΜΟΥΡΙΟΙ y ΤΕΟΥΤΟ. La primera, ‘gemelos’, estaría concordando en número con ΤΕΟΥΤΟ y ΤΟΟΥΤΟΝΙΑ, en género con ΤΕΟΥΤΟ. Entre ΙΕΜΟΥΡΙΟΙ y ΤΕΟΥΤΟ, se desarrollaría la inscripción: “Los gemelos, para [...] [y] para [...], Teutón con / o en nombre de Toutonia”. La forma verbal sería la incompleta ΙΑ[...]ΙΑΝΤ.
Remarques de David Stifter : DSR-a
Alternative word division: ΙЄΜΟΥΡΙΟΙ ΤЄΛΛ[ON?]ЄΙ ΑΤЄΓΚ̣ΟΟΥЄ̣ϹΙΟΥΙ ‘the twins for *Tellū Atencou̯esios’? With atencou̯esios consisting of multiple preverbs *ate- + en- + com- + u̯esu- ‘good’ + -i̯o-? As for the interpretation of ΓΛΟΟΥЄ̣ϹΙΟΥΙ as *glou̯es-i̯o-, see Zair 2012 pp. 98 with a derivation from a different root shape that precludes this proposed explanation. Can the verb ΙΑ[.]Ι⁽ΑΝ⁾Τ be read as ΙΑΓ̣Ι⁽ΑΝ⁾Τ? This would permit a connection with the root i̯eg- ‘to say, speak?’ that is well known from the tile from Châteaubleau. For the possibility of an alternation of i̯e/i̯a in Gaulish see Schrijver 1995 pp. 105–106. I do not believe that the final -Ο of ΤΕΟΥΤΟ can be an archaism; rather the evidence suggests that -ū > -ọ̄ is a recent, on-going development in Gaulish (maybe under Latin or Greek influence). Forms such as i̯emūrii̯o- (if that is the correct analysis) and tou̯tūnii̯ā require the nominatives *i̯emūr < *i̯em-ōr and *tou̯tū < *teu̯t-ō(n) with *ū in the final syllable as a starting point for the generalisation of *ū into word-internal position. More on the word for ‘twins’ in Stifter 2013 pp. 104–107. For ΤΕΟΥΤΟ cf. possible *ΕΟΥΤΟ <ΕΟΥLΟ> in GAR-10-02.
Commentaire sociolinguistique:
Remarques de Michel Lejeune : MLE-a
Il s'agirait d'un monument funéraire dédié par une collectivité (comme, plus tard, à Beaucaire même, le monument funéraire CIL XII (2824) de Moccia sera dédié collectivement par les centonārī V gernēnsēs). Défunts : un couple homme et femme, plus probablement que défunt uniquement masculin.
Remarques de María José Estarán :
- Genre épigraphique : question ouverte : religieux ou funéraire.
- Contexte épigraphique : Beaucaire.
Photos
Bibliographie du RIG: Dottin 1918 ; Lejeune 1956 ; Holder 1962 ; Gallet de Santerre 1964 ; Duval 1964 ; BSAB 1966 ; Lejeune 1973a ; Lejeune et Marichal 1977 ; Lejeune 1978c ; Lejeune 1979d.
Bibliographie du RIIG: CAG 30-02 ; Estarán Tolosa 2015 ; Dupraz 2018.
Linked Data:
- -IIe/-Ier siècle : http://n2t.net/ark:/99152/p09hq4n9m89
- -IIe/-Ier siècle : http://n2t.net/ark:/99152/p09hq4nqrjc
- Colonne : https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrtbhNbSIzWXG
- Calcaire : https://www.eagle-network.eu/voc/material/lod/57
- Incomplète : https://www.eagle-network.eu/voc/statepreserv/lod/5
- Gravée : https://www.eagle-network.eu/voc/writing/lod/3
- Musée Auguste Jacquet : https://www.trismegistos.org/collection/2312
- Narbonensis : https://www.trismegistos.org/place/19860
- BeaucaireUgernum : https://www.trismegistos.org/place/20974
- France : https://www.trismegistos.org/place/693
How to cite: Ruiz Darasse C., Jordán Cólera C., Stifter D., Blanchet H., Estarán M.-J., Chevalier N., Prévôt N., « RIIG GAR-02-03 », dans Ruiz Darasse C. (éd.), Recueil informatisé des inscriptions gauloises, https://riig.huma-num.fr/, DOI : 10.21412/petrae_riig_GAR-02-03 (consulté le 26 avril 2024).
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URI : https://riig.huma-num.fr/documents/GAR-02-03
Dernière modification : 2024-04-09; Michel Lejeune (First editor); Coline Ruiz Darasse (Project coordinator and contributor); Carlos Jordán Cólera (Contributor); David Stifter (Contributor); Hugo Blanchet (Contributor); María José Estarán Tolosa (Contributor); Nolwenn Chevalier (Metadata, TEI encoding); Florent Comte (3D); Nathalie Prévôt (Database Design)