Localisation: France/Bourgogne-Franche-Comté/Côte-d'Or
Site : Alise-Sainte-Reine - Mont-Auxois lieu-dit Cimetière Saint-Père nom(s) antique(s): Alisiίa ᾽Αλησία Alesia
Province romaine: Lugdunensis
Peuple gaulois: Mandubii
Support: Cartouche
Matériau: calcaire
Description du support: Cartouche de calcaire, 13 cm d'épaisseur × 74 cm de large × 49 cm de haut. Présentation en forme de tabula ansata : un cadre mouluré, avec oreillettes latérales en queue d'aronde, circonscrit le champ inscrit. La pierre est écornée en bas et à gauche. La surface inscrite est érodée vers le milieu de la sixième ligne, et plus bas.
État de conservation: Monument endommagé mais complet.
Lieu de découverte: « Cimetière Saint-Père »
Contexte local: Le mont Auxois, sur la commune d’Alise-Sainte-Reine, à environ 50 km au nord-ouest de Dijon, est occupé par un petit oppidum (sur un plateau de 97 ha), chef-lieu des Mandubiens, fondé à partir de 70 avant notre ère. L’oppidum est assiégé et conquis par César en 52 avant notre ère. La production d’objets en bronze à destination de l’armée romaine suggère une occupation militaire romaine jusqu’aux années 70 après notre ère, moment où se développe un véritable centre urbain sous suzeraineté éduenne. D’importants aménagements monumentaux ont lieu à l’époque antonine. Monument d’Ucuetis : à l’est de la « maison à la Mater », V. Pernet a mis au jour un monument d’abord désigné par sa crypte, puis sous le nom du dieu Ucuetis. Le monument, probablement édifié à l’époque flavienne, dans la deuxième moitié du Ier siècle, succède à différentes phases d’occupation. Il s’agit d’une construction à destination à la fois artisanale (maison des forgerons) et religieuse (lieu de culte d’Ucuetis). On y a découvert un vase de bronze portant en latin une dédicace à Ucuetis et sa parèdre Bergusia. L’inscription (CDO-01-19) est à mettre en relation avec ce monument.
Conditions de découverte: La pierre a été découverte sur le Mont-Auxois d'Alise-Sainte-Reine au « Cimetière Saint-Père » en 1839, parcelle 636, propriété V. Pernet, point 47, à moins de 75 m au sud du monument d’Ucuetis.
Historique de conservation: Pierre conservée d'abord au Musée de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or à Dijon (n° inv. 40 puis 82), puis conservée au Musée municipal d'Alise-Sainte-Reine à partir de 1862. Des moulages en existent au Musée archéologique de Dijon et au Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye (n° inv. 20.363) ; plus récemment aussi à l'archéodrome de (Beaune-)Tailly (Côte-d'Or).
À la date de novembre 2021, l’objet est exposé au Centre d'Interprétation du du MuséoParc Alésia. Dépôt du Musée Municipal d'Alise-Sainte-Reine au Musée Alésia.
Lieu de conservation: Alise-Sainte-Reine
Institution de conservation: MuséoParc Alésia
Collection: Musée Alésia
N° inventaire: inv. 82
Autopsie: Photographié par Hugo Blanchet en novembre 2021 au MuséoParc Alésia, dans le cadre du projet RIIG.
Signalement: En 1839, la Commission départementale des Antiquités de la Côte-d'Or organise, en mai et en octobre, deux campagnes de fouilles sur le Mont-Auxois, sous la direction de son président Ch. Maillard de Chambure, conservateur des Archives de Bourgogne. La campagne de mai donne lieu à un rapport présenté le 22 août 1839 : voir (Maillard de Chambure 1839b pp. XL, 101-127), avec « plan A » et « plan B » hors-texte. « Deux découvertes furent faites ... dans les champs connus sous le nom de Cimetière Saint-Père. La première surtout intéresse au plus haut point l'histoire de la ville des Mandubiens, dont elle fixe irrévocablement l'identité ... Il s'agit d'une inscription où le nom d'Alise-Sainte-Reine (Alisiia) se trouve consigné, et dont je joins ici un dessin exact, avouant que je ne suis pas assuré de la comprendre bien sûrement tout entière » (RIG II.1 pp. 106) ; on savourera la litote finale).
Le dessin (côté) est donné en bas du « plan B » ; il est exact. — Le « plan A » (au 1/7500) indique par la référence 47 le point précis de la découverte. Ce point se trouve à moins de 75 m, vers le sud, de l'emplacement où sera dégagé à partir de 1908, le « monument d'Ucuetis ». Sur le plan (mis au net par J. Gauthey, du bureau d'architecture antique de Dijon), ont été reprises les indications du plan Maillard, mais a été ajouté l'emplacement du monument d'Ucuetis. La distance entre cet édifice et le point de trouvaille de la plaque de dédicace est-elle la conséquence de quelque remploi, antique ou médiéval ?
Ce rapport Maillard, imprimé en 1841, doit être considéré comme la publication princeps ; cela, bien qu'une note du même Maillard ait auparavant signalé la trouvaille (Maillard 1839aÉcho du Monde Savant 1839 (466), avec une transcription monstrueusement inexacte).
Description de l'inscription: L'inscription est gravée. Champ inscrit de 49 cm de haut × 34 cm de large, lequel est occupé par six lignes de texte.
Description de l'écriture: Lettres capitales de 35 mm (autres lignes) à 45 mm (l.1) de hauteur, cela du moins en général. Mais le resserrement en fin de ligne a conduit le graveur à utiliser quelques lettres de format inférieur : 15 mm pour les trois dernières lettres de la l.1, et pour les o de Dannotali et de dugiiontiio (les o de sosin, celicnon, gobedbi étant, au contraire, de taille normale).
Remarques de Michel Lejeune :
Document de présentation soignée et même recherchée. Écriture élégante (apices) bien que non régulière.
Souci de symétrie dans la mise en page : blancs égaux (ou sensiblement égaux) à gauche et à droite pour les lignes courtes 3, 5, 6 ; le blanc, au niveau 5-6, est d'ailleurs meublé, de chaque côté, d'une grande hedera purement décorative. Mais par ailleurs, une certaine maladresse dans le dispositif des lettres. Il est clair qu'il n'y a pas eu de dessin préalable à la gravure. À la ligne 2, espacement plus que normal entre les deux premières lettres. Aux lignes 1, 2 et 4, le lapicide, inversement, s'est vu sur le point de manquer de place pour le mot final de la ligne, qu'il ne voulait pas couper, et a usé de ligatures (ainsi, 2, sosi͡n), ou de lettres de format réduit (ainsi pour les o de dugiiontiio, 4), ou des deux procédés à la fois (en 1, danno͡tali ; avec, même, superpositions de a à li).
Les fins de lignes correspondent à des fins de mots. Dans le corps des lignes, séparation des mots : soit (quatre fois) par une interponction normale (petit triangle, pointe à droite, à mi-hauteur des lettres), soit (une fois, avant etic) par une interponction forte (petite hedera, de la hauteur d'une lettre), marquant l'articulation principale de l'énoncé. [L. 5, après ucuetin, l'apparence de point n'est pas une interponction, mais un accident de la pierre.]
Observations graphiques et orthographiques.
Le style des lettres est monumental, et dépourvu de cursivité ou de vulgarisme. En particulier, six fois e de type E, quatre fois l de type L. Il n'est donc pas question de pouvoir (ainsi que certains l'ont fait) reconnaître des e « vulgaires » dans les trois séquences de deux hastes verticales (lignes 4 et 6) ; la seconde haste y est toujours délibérément plus haute que la première ; ces séquences sont toutes antévocaliques ; seule lecture possible : iἰ (i normal + I longa), impliquant que i est vocalique : cinq syllabes pour dugiἰontiἰo, quatre pour Alisiἰa. On notera que Martialis (encore que vraisemblablement quadrisyllabique) ne présente pas cette graphie : c'est que c'est le seul mot latin de notre texte (emprunt au stock des cognomina romains) et que, senti comme étranger, il conserve son orthographe d'origine.
À la fin de la l.4, au vu de la pierre, Whatmough d'abord, puis D. Ellis Evans (Evans 1974 pp. 19 sv.) ont douté de la lecture -ontiἰo, se demandant si n'était pas possible aussi une lecture -ontito (Evans plus résolument que Whatmough, parce qu'il assortit la lecture corrigée d'une interprétation. Suggestion à écarter pour les raisons épigraphiques suivantes :
La graphie c (non q) dans Ucuete, Ucuetin résulte (comme les commentateurs l'ont, en général, vu) de la nature vocalique du second u (donc, mot à quatre syllabes) ; dans la même région et sensiblement à la même époque, usage de q dans l'ethnique Aresequani de CDO-02-01 (Sequāna est trisyllabique). Aussi doutera-t-on de l'hypothèse étymologique compliquée de K. H. Schmidt (Schmidt 1986 pp. 1-4) qui fait appel à la racine *wekw-/*ukw- « parler » (IEW pp. 1135), considère Ucuetis comme l'Invocation divinisée, et admet la conservation de la labio-vélaire en gaulois « in archaistisch-religiösen Kontext ».
À la ligne 6 certains se sont demandé ce qui a pu disparaître, avec l'épiderme de la pierre, entre in et alisiia. Rhŷs 1906 restitue in[du] Alisiia ; Whatmough 1970 , in [brie] Alisiia (« in urbe A ») vel sim. ; tout cela est en l'air, bien entendu, et matériellement impossible (on verrait le D au moins partiellement ; il n'y a pas place pour BRIE, précédé et suivi d'un blanc, sur la pierre). Dans. un second temps, Rhŷs 1911 , suggère simplement une interponction suffisamment volumineuse : in [hedera] Alisiia, et plaide qu'en CIL XIII (1190) on a bien dans ex [hedera] iussu (écrit uIssu !) une telle interponction entre préposition et régime ; mais c'est peu vraisemblable ici (on attend, au mieux, une interponction normale, non une interponction forte ; tenir compte des usages de notre lapicide à cet égard). Après avoir tracé in, le lapicide a senti qu'il lui fallait décaler sensiblement Alisiía vers la droite, s'il voulait préserver cette symétrie latérale à quoi il est attaché ; rien ne prouve que le blanc résultant entre les deux mots l'ait choqué et qu'il l'ait ensuite voulu, de quelque façon, meubler.
Souci de symétrie dans la mise en page : blancs égaux (ou sensiblement égaux) à gauche et à droite pour les lignes courtes 3, 5, 6 ; le blanc, au niveau 5-6, est d'ailleurs meublé, de chaque côté, d'une grande hedera purement décorative. Mais par ailleurs, une certaine maladresse dans le dispositif des lettres. Il est clair qu'il n'y a pas eu de dessin préalable à la gravure. À la ligne 2, espacement plus que normal entre les deux premières lettres. Aux lignes 1, 2 et 4, le lapicide, inversement, s'est vu sur le point de manquer de place pour le mot final de la ligne, qu'il ne voulait pas couper, et a usé de ligatures (ainsi, 2, sosi͡n), ou de lettres de format réduit (ainsi pour les o de dugiiontiio, 4), ou des deux procédés à la fois (en 1, danno͡tali ; avec, même, superpositions de a à li).
Les fins de lignes correspondent à des fins de mots. Dans le corps des lignes, séparation des mots : soit (quatre fois) par une interponction normale (petit triangle, pointe à droite, à mi-hauteur des lettres), soit (une fois, avant etic) par une interponction forte (petite hedera, de la hauteur d'une lettre), marquant l'articulation principale de l'énoncé. [L. 5, après ucuetin, l'apparence de point n'est pas une interponction, mais un accident de la pierre.]
Observations graphiques et orthographiques.
Le style des lettres est monumental, et dépourvu de cursivité ou de vulgarisme. En particulier, six fois e de type E, quatre fois l de type L. Il n'est donc pas question de pouvoir (ainsi que certains l'ont fait) reconnaître des e « vulgaires » dans les trois séquences de deux hastes verticales (lignes 4 et 6) ; la seconde haste y est toujours délibérément plus haute que la première ; ces séquences sont toutes antévocaliques ; seule lecture possible : iἰ (i normal + I longa), impliquant que i est vocalique : cinq syllabes pour dugiἰontiἰo, quatre pour Alisiἰa. On notera que Martialis (encore que vraisemblablement quadrisyllabique) ne présente pas cette graphie : c'est que c'est le seul mot latin de notre texte (emprunt au stock des cognomina romains) et que, senti comme étranger, il conserve son orthographe d'origine.
À la fin de la l.4, au vu de la pierre, Whatmough d'abord, puis D. Ellis Evans (Evans 1974 pp. 19 sv.) ont douté de la lecture -ontiἰo, se demandant si n'était pas possible aussi une lecture -ontito (Evans plus résolument que Whatmough, parce qu'il assortit la lecture corrigée d'une interprétation. Suggestion à écarter pour les raisons épigraphiques suivantes :
- haste un peu plus haute que les autres lettres, ce qui n'est le cas d'aucun des six t du texte ;
- au sommet de cette haste, pas de barrette horizontale, mais seulement les deux cornes d'un apex.
La graphie c (non q) dans Ucuete, Ucuetin résulte (comme les commentateurs l'ont, en général, vu) de la nature vocalique du second u (donc, mot à quatre syllabes) ; dans la même région et sensiblement à la même époque, usage de q dans l'ethnique Aresequani de CDO-02-01 (Sequāna est trisyllabique). Aussi doutera-t-on de l'hypothèse étymologique compliquée de K. H. Schmidt (Schmidt 1986 pp. 1-4) qui fait appel à la racine *wekw-/*ukw- « parler » (IEW pp. 1135), considère Ucuetis comme l'Invocation divinisée, et admet la conservation de la labio-vélaire en gaulois « in archaistisch-religiösen Kontext ».
À la ligne 6 certains se sont demandé ce qui a pu disparaître, avec l'épiderme de la pierre, entre in et alisiia. Rhŷs 1906 restitue in[du] Alisiia ; Whatmough 1970 , in [brie] Alisiia (« in urbe A ») vel sim. ; tout cela est en l'air, bien entendu, et matériellement impossible (on verrait le D au moins partiellement ; il n'y a pas place pour BRIE, précédé et suivi d'un blanc, sur la pierre). Dans. un second temps, Rhŷs 1911 , suggère simplement une interponction suffisamment volumineuse : in [hedera] Alisiia, et plaide qu'en CIL XIII (1190) on a bien dans ex [hedera] iussu (écrit uIssu !) une telle interponction entre préposition et régime ; mais c'est peu vraisemblable ici (on attend, au mieux, une interponction normale, non une interponction forte ; tenir compte des usages de notre lapicide à cet égard). Après avoir tracé in, le lapicide a senti qu'il lui fallait décaler sensiblement Alisiía vers la droite, s'il voulait préserver cette symétrie latérale à quoi il est attaché ; rien ne prouve que le blanc résultant entre les deux mots l'ait choqué et qu'il l'ait ensuite voulu, de quelque façon, meubler.
Type de texte: Inscription religieuse / cultuelle
Datation du texte: deuxième moitié du Ier siècle
Justificatif de datation: contexte. deuxième moitié du Ier s.
Niveau de certitude: ◉◉◉
Remarques de Michel Lejeune :
Tout entière peut-être postérieure aux événements de -52, l'épigraphie d'Alise manifeste trois phases : une phase gallo-grecque (pierres CDO-01-01 (G-256), CDO-01-02 (G-257) ; graffites, dont certains préaugustéens) se poursuivant jusqu'à l'époque néronienne inclusivement ; une phase transitoire gallo-latine (pierre CDO-01-19 (L-13) ; graffites) à l'époque flavienne ; une phase, enfin, proprement latine commençant avec l'époque antonine.
Édition corpus: RIG II.1 p. 147-155 ; RIG II.1 p. 148-149 fig. 76-77 .
Commentaire bibliographique: Maillard 1839a ; Maillard de Chambure 1839b ; Auber 1855 ; Dict. (7) ; Stokes 1886 ; CIL XIII (2880) ; Lejay 1889 p. 17sv. (3) ; Rhŷs 1906 p. 276sv. ; Poisson 1908 ; Thurneysen 1908 ; Rhŷs 1911 p. 290sv. ; Vendryes 1911 ; Poisson 1912 ; Dottin 1918 ; Walde et Pokorny 1926-1932 ; Pisani 1933 ; Lewis et Pedersen 1937 ; Gray 1942 ; Haas 1943 ; Thurneysen 1946 ; Schmidt 1957 ; Evans 1967 ; Whatmough 1970 ; IEW ; Lejeune 1971a ; Lejeune 1972a ; ; Evans 1974 ; Lejeune 1979b ; Lejeune 1980a ; ; Schmidt 1986 ; p. 349-531 ; ; Eska et Mercado 2005 p. 178-180 ; Eska 2007/2008 ; Stifter 2011a ; Stifter 2016.
Texte
- Lecture Lejeune MLE-a ◉◉◉
- Dupraz EDZ-a ◉◉◉
- Stokes WSS-a ◉○○
- Thurneysen RTN-a ◉◉◉
- Rhŷs JRS-a ◉○○
- Rhŷs JRS-b ◉○○
- Haas OHS-a ◉○○
- Evans DES-a ◉○○
- Poisson GPN-a ◉◉◉
01 MARTIALIS▴DANN⁽OT⁾ALI 02 IEVRV▴VCVETE▴SOS⁽IN⁾ 03 CELICNON❦ETIC 4 GOBEDBI▴DVGIꟾONTIꟾO 05 ṾC̣VETIN 06 IN[ uac. ▴]ẠLISIꟾA |
01 martialis dannotali 02 ieuru ucuete sosin 03 celicnon ❦etic 4 gobedbi dugiíonti ío 05 ục̣uetin 06 in [ ]ạlisiía |
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idionyme nominatif masc. sg. patronyme génitif masc. sg. verbe 3e pers. sg. prétérit théonyme datif démonstratif substantif accusatif coordination substantif (profession) instrumental-sociatif pl. masc. thème consonantique verbe 3e pers. pl. relative théonyme accusatif masc. sg. préposition toponyme locatif fém. sg. |
01 martialis dannotali 02 ieuru ucuete sosin 03 celicnon ❦etic 4 gobedbi dugiíonti ío 05 ục̣uetin 06 in [ ]ạlisiía |
idionyme nominatif masc. sg. patronyme génitif masc. sg. verbe 3e pers. sg. prétérit théonyme datif démonstratif substantif accusatif coordination substantif (profession) instrumental pl. masc. thème consonantique verbe 3e pers. pl. relative théonyme accusatif masc. sg. préposition toponyme locatif fém. sg. |
01 martialis dannotali 02 ieuru ucuete sosin 03 celicnon ❦etic 4 gobedbi dugiíontiío 05 ục̣uetin 06 in [ ]ạlisiía |
idionyme nominatif masc. sg. patronyme génitif masc. sg. verbe 3e pers. sg. théonyme datif démonstratif substantif accusatif coordination verbe verbe participe préposition toponyme locatif |
01 martialis dannotali 02 ieuru ucuete sosin 03 celicnon ❦etic 4 gobedbi dugiíontiío 05 ục̣uetin 06 in [ ]ạlisiía |
idionyme nominatif masc. sg. patronyme génitif masc. sg. verbe 3e pers. sg. théonyme datif démonstratif substantif accusatif coordination datif pl. verbe 3e pers. pl. théonyme accusatif masc. sg. préposition toponyme locatif |
01 martialis dannotali 02 ieuru ucuete sosin 03 celicnon ❦etic 4 gobedbi dugiíontiío 05 ục̣uetin 06 in[du] [ ]ạlisiía |
idionyme nominatif masc. sg. patronyme génitif masc. sg. verbe 3e pers. sg. théonyme datif démonstratif substantif accusatif coordination verbe 3e pers. sg. subjonctif adverbe théonyme accusatif masc. sg. préposition toponyme locatif |
01 martialis dannotali 02 ieuru ucuete sosin 03 celicnon ❦etic 4 gobedbi dugiíontiío 05 ục̣uetin 06 in [❦]ạlisiía |
idionyme nominatif masc. sg. patronyme génitif masc. sg. verbe 3e pers. sg. théonyme datif démonstratif substantif accusatif coordination verbe 3e pers. pl. subjonctif substantif nominatif masc. sg. théonyme accusatif masc. sg. préposition toponyme locatif |
01 martialis dannotali 02 ieuru ucuete sosin 03 celicnon ❦etic 4 gobedbi dugiíontiío 05 ục̣uetin 06 in [ ]ạlisiía |
idionyme nominatif masc. sg. patronyme génitif masc. sg. verbe 3e pers. sg. théonyme datif démonstratif substantif accusatif coordination verbe participe verbe participe théonyme accusatif masc. sg. préposition toponyme locatif |
01 martialis dannotali 02 ieuru ucuete sosin 03 celicnon ❦etic 4 gobedbidugiíonti to 05 ục̣uetin 06 in [ ]ạlisiía |
idionyme nominatif masc. sg. patronyme génitif masc. sg. verbe 3e pers. sg. théonyme datif démonstratif substantif accusatif coordination verbe 3e pers. pl. préposition accusatif préposition toponyme locatif |
01 martialis dannotali 02 ieuru ucuete sosin 03 celicnon ❦etic 4 gobedbi dugiíontiío 05 ục̣uetin 06 in [ ]ạlisiía |
idionyme nominatif masc. sg. patronyme génitif masc. sg. verbe 3e pers. sg. théonyme datif démonstratif substantif accusatif coordination substantif (profession) datif pl. masc. verbe 3e pers. pl. théonyme accusatif masc. sg. préposition toponyme locatif |
Traduction:
de Whitley Stokes : WSS-a
Martialis, son of Dannotalos, made (ieuru) this (sosin) tower (celicnon) for Ucuetis, and (etic) the work (dugeonteo) pleased (gobedbi) Ucuetis in Alisea.
de Rudolf Thurneysen : RTN-a
Martialis fils de Dannotalos a offert ce celicnon pour Ucuete et pour les gobedbi qui dugiiontiio Ucuetis en Alise.
de G. Poisson : GPN-a
Martialis fils de Dannotalos a offert ce celicnon pour Ucuete et pour les forgerons qui dugiiontiio Ucuetis en Alise.
de Michel Lejeune : MLE-a
Martialis Dannotalos a fait dédicace..., et (il l'a fait) en association avec les forgerons qui façonnent Ucuétis en Alise.
de Emmanuel Dupraz : EDZ-a
Martialis, fils de Dannotalos, a offert à Ucuetis ce bâtiment-corporatif et [cela] au nom des forgerons qui honorent Ucuetis à Alésia.
Apparat critique:
Remarques de Michel Lejeune : WSS-a RTN-a JRS-a JRS-b OHS-a DES-a GPN-a MLE-a MLE-b
C'est, des inscriptions lapidaires gauloises, une des plus importantes, en tout cas la plus connue. Pour la très abondante bibliographie, jusqu'en 1950, il suffira de renvoyer à Lejay, Hirschfeld, Dottin et Whatmough. Des multiples discussions sur le texte (dont la plupart sont périmées), on en retiendra ici (antérieures ou postérieures à 1950) que quelques unes, dont on donnera à mesure les références.
Dans un tout premier temps, de ce document en alphabet latin, n'ont été intelligibles immédiatement que les deux premiers mots (« M. (fils) de D. ») et les deux derniers (« en Alise »). Le reste, que le latin n'explique pas, ne pouvait relever que du parler local : c'était donc une de ces obscures inscriptions gauloises en lettres latines comme, à la date de 1839, on en connaissait déjà une bonne demi-douzaine : à Nevers (*NIE-01-01), à Auxey (CDO-04-01), etc.
L'appartenance du nom du père au stock gaulois (voir Schmidt 1957 pp. 187, Schmidt 1957 pp. 274, Evans 1967 pp. 79), du nom du fils au stock latin est un indicateur de romanisation.
Les trois noms propres reconnaissables ont, par chance, les mêmes caractéristiques flexionnelles en gaulois et en latin (nomin. sg. -is des thèmes en -i- ; gén. sg. -ī des thèmes en -o- ; cas oblique en -ā des thèmes en -ā-) et la préposition in est commune aux deux langues. On notera pourtant que pour les emplois locatif, ablatif, instrumental, nous savons mal, aujourd'hui encore, de combien de cas distincts disposait le gaulois, et dans quelle mesure avait commencé à s'instaurer un syncrétisme. D'où l'embarras, à propos de la forme alisiía, dhttp://zotero.org/groups/1822453/items/LFSQGLYGes grammaires comparées du celtique (p. ex. Thurneysen 1946 296) ; mais la celticité de tout le reste du texte, et l'orthographe alisiía (non alesia) du mot en question, dissuadent de penser ici à un latinisme (malgré Thurneysen, ibid. : « in -iia the possibility of a latinism is not excluded »).
Dans un tout premier temps, de ce document en alphabet latin, n'ont été intelligibles immédiatement que les deux premiers mots (« M. (fils) de D. ») et les deux derniers (« en Alise »). Le reste, que le latin n'explique pas, ne pouvait relever que du parler local : c'était donc une de ces obscures inscriptions gauloises en lettres latines comme, à la date de 1839, on en connaissait déjà une bonne demi-douzaine : à Nevers (*NIE-01-01), à Auxey (CDO-04-01), etc.
L'appartenance du nom du père au stock gaulois (voir Schmidt 1957 pp. 187, Schmidt 1957 pp. 274, Evans 1967 pp. 79), du nom du fils au stock latin est un indicateur de romanisation.
Les trois noms propres reconnaissables ont, par chance, les mêmes caractéristiques flexionnelles en gaulois et en latin (nomin. sg. -is des thèmes en -i- ; gén. sg. -ī des thèmes en -o- ; cas oblique en -ā des thèmes en -ā-) et la préposition in est commune aux deux langues. On notera pourtant que pour les emplois locatif, ablatif, instrumental, nous savons mal, aujourd'hui encore, de combien de cas distincts disposait le gaulois, et dans quelle mesure avait commencé à s'instaurer un syncrétisme. D'où l'embarras, à propos de la forme alisiía, dhttp://zotero.org/groups/1822453/items/LFSQGLYGes grammaires comparées du celtique (p. ex. Thurneysen 1946 296) ; mais la celticité de tout le reste du texte, et l'orthographe alisiía (non alesia) du mot en question, dissuadent de penser ici à un latinisme (malgré Thurneysen, ibid. : « in -iia the possibility of a latinism is not excluded »).
Remarques de Michel Lejeune : WSS-a
Cependant, deux mots importants du texte pouvaient être éclairés, l'un directement, l'autre indirectement, par des données extérieures.
D'une part, ieuru était déjà, en 1839, connu à Nevers (*NIE-01-01 : nomin. sujet + ieuru) et à Auxey (CDO-04-01 : nomin. sujet + ieuru + datif + acc. en -on) et apparaissait comme un verbe de dédicace. L'année suivante (1840) venait au jour le texte de Vaison (VAU-13-01 : nomin. sujet + ειωρον + datif + acc. en -ον précédé de σοσιν). Peu après (1844), le texte d'Autun (SEL-02-01 : nomin. sujet + ieuru + datif + acc. en -on).
D'autre part, il devait y avoir plus qu'une ressemblance fortuite entre celicnon et le mot gotique (neutre thématique) kelikn, la correspondance (si la racine est bien *kel- « être saillant », IEW pp. 544) impliquant un emprunt récent du germanique au celtique ; or kelikn chez Wulfila traduit soit () πύργον (bâtiment d'exploitation dans un vignoble), soit () πύργον (bâtiment dont le contexte ne précise pas la nature), soit () ἀνάγαιον (salle située en étage). D'où résulte que celicnon doit désigner un édifice, sans qu'on puisse préciser beaucoup davantage.
Tout cela conduit à une intelligence de la première partie au moins du texte, celle qui est parallèle aux autres dédicaces ieuru. Dans ce cadre, ucuete est le destinataire de la dédicace, probablement nom divin : dat. en -e < -*ei d'un thème en -i- dont nous avons, dans la seconde partie du texte, l'acc. ucuetin. Nom de divinité nouveau, dont rien n'indique a priori le genre (Rhŷs 1906 marquera sa préférence pour le féminin). C'est seulement en 1908 que la découverte à Alise-Sainte-Reine d'une dédicace deo Vcueti et Bergusiae (CIL XIII (11247)) prouvera qu'il s'agit d'un dieu et nous fera connaître sa parèdre.
Ces diverses démarches aboutissent à une interprétation comme celle de Stokes 1886 pp. 131 : « Martialis, son of Dannotalos, made (ieuru) this (sosin) tower (celicnon) for Ucuetis, and (etic)... ». Traduction correcte à deux détails près. D'une part, celicnon n'est pas une « tour » (faux sens sur πύργον ; dans le texte néo-testamentaire). D'autre part, ieuru n'est pas « fēcit » mais « dōnāuit » ; sur ce verbe, de signification précise très longtemps controversée, voir Lejeune 1980a .
Mais si, dès Stokes, la signification du début du texte est à peu près acquise, il n'en est pas de même pour la suite : « ... and (etic) the work (dugeonteo) pleased (gobedbi) Ucuetis in Alisea ». En dépit de tentatives diverses, personne ne verra clair dans la structure de cette fin de texte avant 1908.
D'une part, ieuru était déjà, en 1839, connu à Nevers (*NIE-01-01 : nomin. sujet + ieuru) et à Auxey (CDO-04-01 : nomin. sujet + ieuru + datif + acc. en -on) et apparaissait comme un verbe de dédicace. L'année suivante (1840) venait au jour le texte de Vaison (VAU-13-01 : nomin. sujet + ειωρον + datif + acc. en -ον précédé de σοσιν). Peu après (1844), le texte d'Autun (SEL-02-01 : nomin. sujet + ieuru + datif + acc. en -on).
D'autre part, il devait y avoir plus qu'une ressemblance fortuite entre celicnon et le mot gotique (neutre thématique) kelikn, la correspondance (si la racine est bien *kel- « être saillant », IEW pp. 544) impliquant un emprunt récent du germanique au celtique ; or kelikn chez Wulfila traduit soit () πύργον (bâtiment d'exploitation dans un vignoble), soit () πύργον (bâtiment dont le contexte ne précise pas la nature), soit () ἀνάγαιον (salle située en étage). D'où résulte que celicnon doit désigner un édifice, sans qu'on puisse préciser beaucoup davantage.
Tout cela conduit à une intelligence de la première partie au moins du texte, celle qui est parallèle aux autres dédicaces ieuru. Dans ce cadre, ucuete est le destinataire de la dédicace, probablement nom divin : dat. en -e < -*ei d'un thème en -i- dont nous avons, dans la seconde partie du texte, l'acc. ucuetin. Nom de divinité nouveau, dont rien n'indique a priori le genre (Rhŷs 1906 marquera sa préférence pour le féminin). C'est seulement en 1908 que la découverte à Alise-Sainte-Reine d'une dédicace deo Vcueti et Bergusiae (CIL XIII (11247)) prouvera qu'il s'agit d'un dieu et nous fera connaître sa parèdre.
Ces diverses démarches aboutissent à une interprétation comme celle de Stokes 1886 pp. 131 : « Martialis, son of Dannotalos, made (ieuru) this (sosin) tower (celicnon) for Ucuetis, and (etic)... ». Traduction correcte à deux détails près. D'une part, celicnon n'est pas une « tour » (faux sens sur πύργον ; dans le texte néo-testamentaire). D'autre part, ieuru n'est pas « fēcit » mais « dōnāuit » ; sur ce verbe, de signification précise très longtemps controversée, voir Lejeune 1980a .
Mais si, dès Stokes, la signification du début du texte est à peu près acquise, il n'en est pas de même pour la suite : « ... and (etic) the work (dugeonteo) pleased (gobedbi) Ucuetis in Alisea ». En dépit de tentatives diverses, personne ne verra clair dans la structure de cette fin de texte avant 1908.
Remarques de Michel Lejeune : RTN-a
C'est à R. Thurneysen qu'en revient le mérite, en quelques phrases de la recension de Rhŷs 1906 (Thurneysen 1908 pp. 557 sv.) : dugiíontiío est un verbe 3e pl. en -ont(i) suivi d'une particule relative *-yo, structure qui a des prolongements en celtique insulaire (Lewis et Pedersen 1937 394, 397, Thurneysen 1946 509, 513, 587), cf. v. irl. berte « qui ferunt », de celt. *bherontio, etc. L'objet du verbe est ucuete. Le relatif sujet du verbe pluriel a pour antécédent le substantif gobedbi, datif pluriel coordonné par etic au dat. sg. ucuete. Donc : « ... pour U. et pour les ... ? ... (gobedbi) qui ... ? ... (dugiíontiío) Ucuetis en Alise ». Thurneysen se garde de toute hypothèse précise sur la signification des deux mots. Mais comme un verbe qui a pour objet un théonyme a chance de signifier « vénérer » et que le sujet d'un tel verbe a chance de désigner des desservants de culte, il écrit (exempli gratia, sans plus) : « ... für U. und die Priester (?) die den U. bedienen (?) ... ». Se refusant à faire des devinettes étymologiques sur des mots dont il ignore le sens, il met le lecteur en garde, notamment, contre la tentation de reconnaître dans gobedbi le radical celtique gob- du nom du « forgeron », car ce n'est pas une telle signification qu'appelle le contexte.
Par un curieux hasard, au même moment et indépendamment, G. Poisson identifiait gobedbi comme un datif pluriel et dugiíontiío comme une forme verbale transitive, dans une note du Poisson 1908 pp. 259 sq.. Il est vrai qu'il prenait la forme en -ontiío pour un participe, et méconnaissait la construction relative. Signalant les deux publications, Vendryes 1911 pp. 119 sq. concluait que seul Thurneysen avait vu juste jusqu'au bout, et que sa solution devait être tenue pour définitive.
Par un curieux hasard, au même moment et indépendamment, G. Poisson identifiait gobedbi comme un datif pluriel et dugiíontiío comme une forme verbale transitive, dans une note du Poisson 1908 pp. 259 sq.. Il est vrai qu'il prenait la forme en -ontiío pour un participe, et méconnaissait la construction relative. Signalant les deux publications, Vendryes 1911 pp. 119 sq. concluait que seul Thurneysen avait vu juste jusqu'au bout, et que sa solution devait être tenue pour définitive.
Remarques de Michel Lejeune : JRS-a JRS-b OHS-a DES-a
Il y a eu, pourtant, nombre d'interventions depuis 1908 dans la discussion du texte. Certaines, par ignorance bibliographique. Le plus surprenant est Rhŷs qui, de « ...and for good (dugiíontiío) may it please (gobedbi) U. in A. » (Rhŷs 1906 pp. 281), passe à « ... and may the marriage (dugiíontiío) rejoice (gobedbi) U. in A. » (Rhŷs 1911 pp. 292), sans connaître apparemment la recension de son propre travail (Rhŷs 1906 ) par Thurneysen, parue dès 1908. En 1933 V. Pisani (Pisani 1933 pp. 189) en est encore à la traduction de Stokes (Stokes 1886 ).
Certaines, par aventurisme étymologique. Ainsi O. Haas en 1943 (Haas 1943 pp. 289) entend « ... sowie (etic) den opferden (dugiíontiío) den U. verehrenden (gobedbi) in A. » (les deux mots, pour lui, étant des participes, et ucuetin étant, en dépit de l'ordre des mots, l'objet de gobedbi). Il rattache gobedbi à *ghau- (IEW pp. 413) en admettant gratuitement une notation -b- de -u- intervocalique ; il rattache, dugiíontiío à *dhū- (IEW pp. 261 ; dugiío- répondrait à lesb. θυίω), en admettant gratuitement une notation -gií- de -i- intervocalique. Ces fantaisies ne valent pas qu'on les discute.
Ce qui est légitime et utile, c'est de chercher à préciser ou améliorer dans le détail le schéma de Thurneysen. Encore faut-il que de telles retouches ne remettent pas en cause l'équilibre de l'ensemble. Par exemple D. Ellis Evans (Evans 1974 pp. 19 sq.) croyant (à tort) qu'on peut hésiter entre -ontiio et -ontito, suggère dugiionti (verbe 3e pl. de sens incertain) to ucuetin (préposition + acc. « ad Ucuetem »), sans s'aviser que du coup le verbe demeure sans sujet et la phrase sans structure.
Certaines, par aventurisme étymologique. Ainsi O. Haas en 1943 (Haas 1943 pp. 289) entend « ... sowie (etic) den opferden (dugiíontiío) den U. verehrenden (gobedbi) in A. » (les deux mots, pour lui, étant des participes, et ucuetin étant, en dépit de l'ordre des mots, l'objet de gobedbi). Il rattache gobedbi à *ghau- (IEW pp. 413) en admettant gratuitement une notation -b- de -u- intervocalique ; il rattache, dugiíontiío à *dhū- (IEW pp. 261 ; dugiío- répondrait à lesb. θυίω), en admettant gratuitement une notation -gií- de -i- intervocalique. Ces fantaisies ne valent pas qu'on les discute.
Ce qui est légitime et utile, c'est de chercher à préciser ou améliorer dans le détail le schéma de Thurneysen. Encore faut-il que de telles retouches ne remettent pas en cause l'équilibre de l'ensemble. Par exemple D. Ellis Evans (Evans 1974 pp. 19 sq.) croyant (à tort) qu'on peut hésiter entre -ontiio et -ontito, suggère dugiionti (verbe 3e pl. de sens incertain) to ucuetin (préposition + acc. « ad Ucuetem »), sans s'aviser que du coup le verbe demeure sans sujet et la phrase sans structure.
Remarques de Michel Lejeune : GPN-a
On proposera ci-après quelques réflexions sur gobedbi (a, b) et sur dugiíontiío ucuetin (c).
Dès sa note de 1908, G. Poisson traduisait gobedbi : « pour les forgerons », démarche dont au même moment Thurneysen détournait ses lecteurs. Poisson revient sur ce point en 1912 (Pisani 1933 pp. 101 sq.). Ce n'était pas, dit-il, devinette de sa part. On sait que les Mandubiens d'Alise-Sainte-Reine étaient en Gaule réputés (avant même les Bituriges) pour leur habileté métallurgique, au témoignage de Pline (Pline XXIV 64 ), témoignage qui est sensiblement contemporain de notre inscription.
Ce n'était pas alors, il est vrai, une argumentation décisive. Pline, d'une part, parle seulement là d'une fusion de l'argent (argentum excoquere) destiné à orner harnais et chars. Rien, d'autre part, ne marquait un lien entre métallurgie et Ucuétis (sinon par l'incertain détour d'un légendaire inventeur de la technique des métaux en Irlande, nommé Uchadan ou Ugden, à supposer que ce nom fût apparenté à celui d'Ucuétis).
Et cependant Poisson avait vu juste, et l'archéologie allait lui donner raison. La fouille du « monument à crypte », commencée en 1908 (année décidément faste pour le texte de Martialis), allait d'une part révéler des masses d'offrandes métalliques (centaines et centaines de petits objets manufacturés de bronze et de fer) ; elle allait, d'autre part, au milieu même de ces offrandes, dégager un vase de bronze dédié à Ucuétis et Bergusia, identifiant ainsi Ucuétis comme le patron des métallurgistes d'Alise.
Il faut donc désormais dépasser les réticences de Thurneysen. Des éléments de contexte existent aujourd'hui qui incitent à voir dans les gobedbi des forgerons.
Commun à toutes les langues celtiques le radical gob- (dépourvu d'étymologie) a donné lieu à diverses dérivations : l'une à suffixe nasal (gob-an-), l'autre, que nous avons ici, à suffixe dental (gob-et-).
Dès sa note de 1908, G. Poisson traduisait gobedbi : « pour les forgerons », démarche dont au même moment Thurneysen détournait ses lecteurs. Poisson revient sur ce point en 1912 (Pisani 1933 pp. 101 sq.). Ce n'était pas, dit-il, devinette de sa part. On sait que les Mandubiens d'Alise-Sainte-Reine étaient en Gaule réputés (avant même les Bituriges) pour leur habileté métallurgique, au témoignage de Pline (Pline XXIV 64 ), témoignage qui est sensiblement contemporain de notre inscription.
Ce n'était pas alors, il est vrai, une argumentation décisive. Pline, d'une part, parle seulement là d'une fusion de l'argent (argentum excoquere) destiné à orner harnais et chars. Rien, d'autre part, ne marquait un lien entre métallurgie et Ucuétis (sinon par l'incertain détour d'un légendaire inventeur de la technique des métaux en Irlande, nommé Uchadan ou Ugden, à supposer que ce nom fût apparenté à celui d'Ucuétis).
Et cependant Poisson avait vu juste, et l'archéologie allait lui donner raison. La fouille du « monument à crypte », commencée en 1908 (année décidément faste pour le texte de Martialis), allait d'une part révéler des masses d'offrandes métalliques (centaines et centaines de petits objets manufacturés de bronze et de fer) ; elle allait, d'autre part, au milieu même de ces offrandes, dégager un vase de bronze dédié à Ucuétis et Bergusia, identifiant ainsi Ucuétis comme le patron des métallurgistes d'Alise.
Il faut donc désormais dépasser les réticences de Thurneysen. Des éléments de contexte existent aujourd'hui qui incitent à voir dans les gobedbi des forgerons.
Commun à toutes les langues celtiques le radical gob- (dépourvu d'étymologie) a donné lieu à diverses dérivations : l'une à suffixe nasal (gob-an-), l'autre, que nous avons ici, à suffixe dental (gob-et-).
Remarques de Michel Lejeune : MLE-a MLE-b
a) Si la signification de gobedbi est désormais établie, le statut syntaxique du mot reste, pensons-nous, ouvert à la discussion.
Sans doute le « datif » pluriel de l'irlandais est-il en -ib dans tous les paradigmes, impliquant celt. *-bi() < i.e. *-bhi() ; mais ce « datif » cumulant les fonctions de datif, de locatif, d'ablatif et d'instrumental a pu hériter de marques relevant primitivement de l'un ou l'autre de ces cas. Or la comparaison d'autres langues i.e. invite à assigner *-bhi() à l'instrumental pluriel (skr. -bhilḥ, etc.). En revanche, le datif pluriel est en *-bo() < -*bho() dans tout le celtique ancien : -POS (à lire -bos) en lépontique, -Pos (à lire -bos) en celtibère, -bo en gaulois ; ainsi en Narbonnaise ματρεϐο « Matribus », etc., mais aussi bien atrebo « Patribus », etc. en Armorique (MOR-01-01). D'où une difficulté que nous avons déjà signalée (Lejeune 1971a 1 pp. 436, Lejeune 1972a pp. 268). Avec deux types de solution :
La récente apparition de eiabi (oblique pluriel de l'anaphorique féminin) sur la tablette du Larzac, 1b9 ( ), encore que le contexte, obscur, ne démontre pas jusqu'ici que l'emploi est instrumental, apporte, de toute façon, un élément nouveau au débat.
b) C'est, on l'a vu, le contexte qui a conduit Thurneysen à situer le sens de dugiíontiío dans le champ sémantique des attitudes religieuses (« quī colunt », vel sim.) ; on voit mal, en effet quel autre ordre de signification supposer pour ce verbe si l'objet en est un théonyme.
Par sa forme, le thème dugiio- évoque un présent à suffixe primaire *-yo- construit sur le degré zéro d'une racine (comme lat. fŭgiō, de *bheugh-, etc.). Même compte tenu de l'ambiguïté de celt. d et g (soit sonores, soit sonores aspirées i.e.), une seule racine i.e. est ici, de par sa forme, invocable : *dheugh (IEW pp. 271) ; mais dans tout l'éventail sémantique des termes qu'on y rattache (ainsi, en grec, de τεύχω « façonner » à τυγχάνω « rencontrer »), aucune langue ne fournit de mots cautionnant l'hypothèse de Thurneysen (« deum colere »). Au reste, Walde-Pokorny en 1930 (Walde et Pokorny 1926-1932 pp. 847) et Pokorny en 1959 (IEW pp. 271) se sont gardés de faire figurer dugiíontiío sous *dheugh-. Difficulté dont on peut envisager deux solutions.
Sans doute le « datif » pluriel de l'irlandais est-il en -ib dans tous les paradigmes, impliquant celt. *-bi() < i.e. *-bhi() ; mais ce « datif » cumulant les fonctions de datif, de locatif, d'ablatif et d'instrumental a pu hériter de marques relevant primitivement de l'un ou l'autre de ces cas. Or la comparaison d'autres langues i.e. invite à assigner *-bhi() à l'instrumental pluriel (skr. -bhilḥ, etc.). En revanche, le datif pluriel est en *-bo() < -*bho() dans tout le celtique ancien : -POS (à lire -bos) en lépontique, -Pos (à lire -bos) en celtibère, -bo en gaulois ; ainsi en Narbonnaise ματρεϐο « Matribus », etc., mais aussi bien atrebo « Patribus », etc. en Armorique (MOR-01-01). D'où une difficulté que nous avons déjà signalée (Lejeune 1971a 1 pp. 436, Lejeune 1972a pp. 268). Avec deux types de solution :
- Ou bien on admettra en gaulois un syncrétisme déjà acquis du datif et de l'instrumental, mais sans que la langue ait encore définitivement fait choix soit de -bo soit de -bi pour le cas résultant ; la conséquence en serait (sans que la répartition réponde à des facteurs géographiques ou chronologiques définissables) une concurrence de -bo et de -bi dans la même fonction (en l'espèce, désignation des destinataires d'une dédicace).
- Ou bien on estimera que le gaulois avait encore un datif et un instrumental distincts. En cette hypothèse, gobedbi relève de l'instrumental (avec valeur sans doute, ici, sociative). Il faudrait, alors renoncer à deux datifs coordonnés par etic (« ... pour U. et pour les forgerons qui... ») ; etic coordonnerait, en quelque sorte, deux propositions ieuru à sujet commun et à verbe exprimé une seule fois : « M. a fait dédicace ..., et (il l'a fait) en association avec les forgerons qui... ».
La récente apparition de eiabi (oblique pluriel de l'anaphorique féminin) sur la tablette du Larzac, 1b9 ( ), encore que le contexte, obscur, ne démontre pas jusqu'ici que l'emploi est instrumental, apporte, de toute façon, un élément nouveau au débat.
b) C'est, on l'a vu, le contexte qui a conduit Thurneysen à situer le sens de dugiíontiío dans le champ sémantique des attitudes religieuses (« quī colunt », vel sim.) ; on voit mal, en effet quel autre ordre de signification supposer pour ce verbe si l'objet en est un théonyme.
Par sa forme, le thème dugiio- évoque un présent à suffixe primaire *-yo- construit sur le degré zéro d'une racine (comme lat. fŭgiō, de *bheugh-, etc.). Même compte tenu de l'ambiguïté de celt. d et g (soit sonores, soit sonores aspirées i.e.), une seule racine i.e. est ici, de par sa forme, invocable : *dheugh (IEW pp. 271) ; mais dans tout l'éventail sémantique des termes qu'on y rattache (ainsi, en grec, de τεύχω « façonner » à τυγχάνω « rencontrer »), aucune langue ne fournit de mots cautionnant l'hypothèse de Thurneysen (« deum colere »). Au reste, Walde-Pokorny en 1930 (Walde et Pokorny 1926-1932 pp. 847) et Pokorny en 1959 (IEW pp. 271) se sont gardés de faire figurer dugiíontiío sous *dheugh-. Difficulté dont on peut envisager deux solutions.
- La traduction de Thurneysen reste valable ; mais il s'agit d'un mot sans étymologie, les autres langues n'en ayant pas conservé la racine : *deugh- ou *dheug-, ou *dheugh- (en ce dernier cas seulement, homophone de, mais non identique à, IEW pp. 271).
- La construction de Thurneysen étant respectée, sa traduction doit être modifiée, ce qui peut se faire par le jeu d'une métonymie. De même que Ἥφαιστος en grec, dès Homère, et Volcanus en latin, dès Plaute, peuvent occasionnellement désigner non le dieu du feu mais le feu lui-même, de même Ucuétis, nom du dieu du métal (ainsi dans la première partie de notre texte), pourrait occasionnellement désigner le métal lui-même (ainsi dans la seconde partie) : « ... les forgerons qui façonnent Ucuétis en Alise ». Sans doute serait-on alors conduit à assigner à la rédaction du document un caractère poétique. Mais, en contrepartie, on réinsérerait dugiíontiío sous *dheugh-, IEW pp. 271, avec une signification pareille à celle de τεύχω.
Commentaires:
Remarques de David Stifter :
Stifter 2011a pp. 165-166, fn. 1 suggests that *danno-, a Gaulish word for ‘magistrate, official’, come from *dhh1sno- ‘belonging to the religious sphere’.
Remarques de Emmanuel Dupraz :
Emmanuel Dupraz (Dupraz 2021 ) rappelle les deux hypothèses posées pour l’interprétation du cas de gobedbi, dont la désinence -bi (< *bhi(s)) correspond étymologiquement à une désinence d’instrumental pluriel : soit il s’agirait d’un instrumental de type sociatif « avec les forgerons », en ce cas les « forgerons » seraient considérés comme co-auteurs de la construction (celicnon, pour l’analyse duquel Dupraz renvoie à Dupraz 2023 , voir RIG II.2 L-51) ; soit il s’agirait d’une variante libre d’un datif au sens de « pour les forgerons », ces derniers étant alors considérés comme bénéficiaires “médiats” de la construction, effectuée par Martialis fils de Dannotalos, du bâtiment offert au dieu Ucuetis (bénéficiaire “immédiat”). Cette dernière analyse est notamment défendue par Eska (Eska 2003 ).
Dupraz souscrit à cette dernière hypothèse, tout en conservant la possibilité de voir dans gobedbi une véritable forme d’instrumental. Dupraz relève en premier lieu qu’il est sans exemple en Gaule que la responsabilité et le financement d’un acte d’évergétisme (ici la construction du celicnon, que l’inscription commémore) soient partagés entre un notable et un collegium professionnel : pour cette raison, il est peu vraisemblable que gobedbi soit un instrumental-sociatif. Cependant, si alors gobedbi correspond aux bénéficiaires médiats des travaux, la forme n’est pas nécessairement un datif et peut tout de même correspondre à un instrumental. Suivant Dupraz, qui rappelle la supposition de Lejeune, il y aurait bien une distinction fonctionnelle entre datif et instrumental en gaulois, mais l’instrumental aurait, en synchronie, des fonctions qui lui permettent d’indiquer le bénéficiaire médiat d’un don (ainsi l’instrumental suiorebe en ALL-01-01 = L-6) : gobedbi, à l’instrumental, correspondrait à cette fonction, le bénéficiaire principal, ucuete, étant lui au datif. Ces moyens morphosyntaxiques différents indiqueraient la différence de statut entre les deux bénéficiaires, l’un « immédiat et divin », l’autre « médiat et humain » : cette opposition serait soulignée par l’emploi du coordonnant etic, qui effectuerait une forme de « topicalisation » : etic ajouterait une information au contenu de l’énoncé, la mention du bénéficiaire médiat, qui n’est pas coordonnée à celle du bénéficiaire immédiat.
Dans les inscriptions latines de Gaule, cette possibilité de désigner un bénéficiaire médiat serait représentée par l’utilisation de la préposition pro + ABL, ainsi par exemple en CIL2846 XIII () (Patère de bronze de Visignot, Côte-d’Or) : deo. Alisano. Paullinus hedera / pro. Contedio. fil(io). suo hedera / u(otum). s(oluit). l(ibens). m(erito). La dédicace mentionne deux bénéficiaires aux rôles sémantiques différents, ce que souligne des modalités morphosyntaxiques différentes : datif du nom du bénéficiaire immédiat divin : deo Alisano, et groupe prépositionnel en pro avec le nom du bénéficiaire médiat : pro Contedio. Ici, le dédicant Paullinus a sollicité les faveurs du dieu et s’acquitte de cette faveur reçue (en dédiant une patère), mais c’est son fils Contedius qui en a bénéficié.
On aurait quelque chose de similaire dans l’inscription d’Alise, qui commémorerait un don du même type : un objet, ici un bâtiment (celicnon), a été offert à un dieu par un dédicant (Martialis), mais c’est une communauté humaine (gobedbi) qui bénéficie de l’usage du bâtiment. De plus, dans les différents exemples relevés par Dupraz, et comme l’observe Mees, le bénéficiaire médiat serait toujours de rang social inférieur à celui du dédicant (le notable Martialis / un groupe d'artisans, Paullinus / son fils Contedius, etc.)
Commentaire sociolinguistique:
Remarques de Michel Lejeune :
Prose ou poésie ? On peut être amené à se demander si un texte est ou non en vers à partir de présomptions non métriques : ordre inhabituel des termes, mots ou figures de style étrangers à la prose courante, etc. On peut y être parfois aussi amené par des considérations elles-mêmes métriques ; mais c'est s'engager dans un cercle vicieux si l'on ignore pour la langue en cause (comme c'est le cas pour le gaulois) les modalités, et les principes mêmes, de sa versification. D'où la vanité de deux tentatives de scansion de notre texte, l'une (Rhŷs) s'inspirant d'une métrique accentuelle médiévale, l'autre (Gray) d'une métrique quantitative d'ascendance indo-européenne.
Rhŷs (Rhŷs 1906 pp. 281) scande le texte en « hexamètres accentuels » : deux séquences de 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 2 syllabes, chaque tranche de trois syllabes (ou deux en fin de vers) comportant un accent tonique de mot, et un seul. Il y parvient au prix de manipulations arbitraires quant au comput des syllabes, et en fonction de l'hypothèse que tout mot gaulois s'accentuait sur une des deux dernières syllabes ; d'où résulte (nous notons ici par des majuscules les voyelles ou diphtongues supposées accentuées) une lecture : marti̯Alis | donnatA|li̯ iEUru̯ u|cuEte | sOsin ce|lIcnon
Etic go|bedbI du|gi̯ontIi(o) u|cuEtin | Indu̯ ali|sIi̯a
L. H. Gray (Gray 1942 pp. 442) opère dans le cadre d'une métrique purement quantitative ; il reconnaît ici, comme dans une série d'autres textes (ou fragments de textes) épigraphiques du gaulois (dédicaces), de l'osque (malédiction de Vibia), des parlers italiques centraux, de l'ombrien (prières), une composition en dimètres trochaïques ; ce serait une forme poétique traditionnelle de l'italo-celtique, peut-être celle qui se conservait chez les druides (magnum ibi numerum uersuum ediscere dicuntur : César VI 14 3 ). Et il scande (quatre fois — ∪ / — ∪ / — ∪ / — ∪, et une clausule — ∪ — ∪̱) : marti/alis / danno/tali i̯euru / ucu/ete / sosin celi/cnon e/tic go/bedbi dugi/i̯onti̯i̯o / ucu/etin in a/lisi̯i̯a
Cela à vrai dire, non seulement en procédant très librement quant à l'interprétation, syllabique ou non, de -ii-, mais encore avec un mépris assez cavalier des quantités vocaliques les mieux établies (finale thématique -on devant voyelle, ou préposition in devant voyelle, traitées comme longues ; etc.). « I find myself unable to see the same meters as did he », dit candidement Gray (Gray 1942 pp. 433) de l'essai de Rhŷs. On en dira autant du sien.
En conclusion, s'il n'est pas exclu a priori que l'inscription soit en vers, on estimera que toute démonstration est présentement, et risque de demeurer, hors de portée.
Prose ou poésie ? On peut être amené à se demander si un texte est ou non en vers à partir de présomptions non métriques : ordre inhabituel des termes, mots ou figures de style étrangers à la prose courante, etc. On peut y être parfois aussi amené par des considérations elles-mêmes métriques ; mais c'est s'engager dans un cercle vicieux si l'on ignore pour la langue en cause (comme c'est le cas pour le gaulois) les modalités, et les principes mêmes, de sa versification. D'où la vanité de deux tentatives de scansion de notre texte, l'une (Rhŷs) s'inspirant d'une métrique accentuelle médiévale, l'autre (Gray) d'une métrique quantitative d'ascendance indo-européenne.
Rhŷs (Rhŷs 1906 pp. 281) scande le texte en « hexamètres accentuels » : deux séquences de 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 2 syllabes, chaque tranche de trois syllabes (ou deux en fin de vers) comportant un accent tonique de mot, et un seul. Il y parvient au prix de manipulations arbitraires quant au comput des syllabes, et en fonction de l'hypothèse que tout mot gaulois s'accentuait sur une des deux dernières syllabes ; d'où résulte (nous notons ici par des majuscules les voyelles ou diphtongues supposées accentuées) une lecture : marti̯Alis | donnatA|li̯ iEUru̯ u|cuEte | sOsin ce|lIcnon
Etic go|bedbI du|gi̯ontIi(o) u|cuEtin | Indu̯ ali|sIi̯a
L. H. Gray (Gray 1942 pp. 442) opère dans le cadre d'une métrique purement quantitative ; il reconnaît ici, comme dans une série d'autres textes (ou fragments de textes) épigraphiques du gaulois (dédicaces), de l'osque (malédiction de Vibia), des parlers italiques centraux, de l'ombrien (prières), une composition en dimètres trochaïques ; ce serait une forme poétique traditionnelle de l'italo-celtique, peut-être celle qui se conservait chez les druides (magnum ibi numerum uersuum ediscere dicuntur : César VI 14 3 ). Et il scande (quatre fois — ∪ / — ∪ / — ∪ / — ∪, et une clausule — ∪ — ∪̱) : marti/alis / danno/tali i̯euru / ucu/ete / sosin celi/cnon e/tic go/bedbi dugi/i̯onti̯i̯o / ucu/etin in a/lisi̯i̯a
Cela à vrai dire, non seulement en procédant très librement quant à l'interprétation, syllabique ou non, de -ii-, mais encore avec un mépris assez cavalier des quantités vocaliques les mieux établies (finale thématique -on devant voyelle, ou préposition in devant voyelle, traitées comme longues ; etc.). « I find myself unable to see the same meters as did he », dit candidement Gray (Gray 1942 pp. 433) de l'essai de Rhŷs. On en dira autant du sien.
En conclusion, s'il n'est pas exclu a priori que l'inscription soit en vers, on estimera que toute démonstration est présentement, et risque de demeurer, hors de portée.
Remarques de Michel Lejeune :
Le celicnon Sur l'édifice à crypte découvert à partir de 1908 (fouilles de V. Pernet), voir . Ce n'est pas un temple, mais une construction combinant de façon originale une destination artisanale corporative (maison des forgerons) et une destination religieuse (la maison des forgerons comporte un lieu de culte pour le dieu des métaux). De ce dieu des métaux (Ucuétis) et de sa parèdre (Bergusia) nous savons les noms par la dédicace latine d'un vase de bronze votif trouvé dans le bâtiment même (CIL XIII (11247)). Dans l'histoire de l'édifice, R. Martin et P. Varène distinguent trois états : « état I », du milieu du -Ier siècle au milieu du Ier siècle ; « état II », couvrant la seconde moitié du Ier siècle et la plus grande partie IIe siècle ; « état III » ensuite ; toutes ces indications de date sont données comme approximatives.
Le cartouche de Martialis (bien que retrouvé un peu à l'écart : à quelque 75 mètres vers le Sud) a toutes chances de provenir de ce monument. Sans doute Bergusia n'y est-elle pas nommée ; mais il est fréquent que les couples divins ne soient invoqués qu'en la personne de la divinité majeure du couple, ici nécessairement Ucuétis (l'enclume n'est pas du ressort des femmes, et Bergusia n'est forgeronne que par alliance). R. Martin et P. Varène supposent ( 49 pp. 157) que le bloc appartenait à un autel ; ceci ne paraît pas compatible avec la signification inférable, pour celicnon, des données gotiques. Bien plutôt dédicace de l'édifice lui-même. Sans doute le bâtiment n'a-t-il pas, à proprement parler, d'étage (cf. got. kelikn traduisant ἀνάγαιον), mais, pourvu d'une crypte, d'un κατάγαιον, il est par là à deux niveaux, et c'est, de toute façon, un édifice important. On assignera donc le cartouche à l'inauguration d'un de ses états successifs. On ne peut alors raisonnablement songer (et c'est aussi bien l'avis de R. Martin que le nôtre) qu'à la mise en place de l'« état II », c'est-à-dire à la seconde moitié du Ier siècle de notre ère.
Le celicnon Sur l'édifice à crypte découvert à partir de 1908 (fouilles de V. Pernet), voir . Ce n'est pas un temple, mais une construction combinant de façon originale une destination artisanale corporative (maison des forgerons) et une destination religieuse (la maison des forgerons comporte un lieu de culte pour le dieu des métaux). De ce dieu des métaux (Ucuétis) et de sa parèdre (Bergusia) nous savons les noms par la dédicace latine d'un vase de bronze votif trouvé dans le bâtiment même (CIL XIII (11247)). Dans l'histoire de l'édifice, R. Martin et P. Varène distinguent trois états : « état I », du milieu du -Ier siècle au milieu du Ier siècle ; « état II », couvrant la seconde moitié du Ier siècle et la plus grande partie IIe siècle ; « état III » ensuite ; toutes ces indications de date sont données comme approximatives.
Le cartouche de Martialis (bien que retrouvé un peu à l'écart : à quelque 75 mètres vers le Sud) a toutes chances de provenir de ce monument. Sans doute Bergusia n'y est-elle pas nommée ; mais il est fréquent que les couples divins ne soient invoqués qu'en la personne de la divinité majeure du couple, ici nécessairement Ucuétis (l'enclume n'est pas du ressort des femmes, et Bergusia n'est forgeronne que par alliance). R. Martin et P. Varène supposent ( 49 pp. 157) que le bloc appartenait à un autel ; ceci ne paraît pas compatible avec la signification inférable, pour celicnon, des données gotiques. Bien plutôt dédicace de l'édifice lui-même. Sans doute le bâtiment n'a-t-il pas, à proprement parler, d'étage (cf. got. kelikn traduisant ἀνάγαιον), mais, pourvu d'une crypte, d'un κατάγαιον, il est par là à deux niveaux, et c'est, de toute façon, un édifice important. On assignera donc le cartouche à l'inauguration d'un de ses états successifs. On ne peut alors raisonnablement songer (et c'est aussi bien l'avis de R. Martin que le nôtre) qu'à la mise en place de l'« état II », c'est-à-dire à la seconde moitié du Ier siècle de notre ère.
Remarques de María José Estarán :
- Genre épigraphique : dédicace religieuse
- Contexte épigraphique :
- Trois inscriptions monumentales en langue gauloise provienne d'Alise et celle-ci est la seule en alphabet latin. Le reste des inscriptions en gaulois du site sont des graffites (gallo-grecs et gallo-latins).
- Le site a également livré des inscriptions latines sur céramiques (estampilles) et des dédicaces religieuses sur pierre d'époque impériale.
- Onomastique et latinisation : le dédicant a les duo nomina : l'idionyme est d'inspiration romaine mais pas le patronyme.
- Culture écrite/épigraphique : nette influence de l'épigraphie romaine sur le support et la paléographie.
- Particularités : en accord avec l'hypothèse d'Emmanuel Dupraz, c'est une collectivité qui aurait contribué à la réalisation de cette dédicace.
Remarques de Alex Mullen :
Olivier de Cazanove (in de Cazanove et Estarán 2023 ) urges caution on two aspects of the interpretation of this text.
On celicnon, see also Lejeune 1996 .
- 1) the celicnon, probably ‘building’, is usually identified with the building with a porticoed court and a facade overlooking the forum, in which was found a Latin dedication to Ucuetis and Bergusia on a bronze vase dated to the second century CE. But Cazanove notes that this should be questioned. Not only was CDO-01-19 found about 75 m further south, but its find spot is closer to another small sanctuary, with a statue of Sucellus and dedication to Victory (CAG 21-01 pp. 423–426). The bronze dedication to Ucetis and Bergusia was found in a basement with a large amount of various metal objects, which were likely part of a large foundry deposit. In this case the vase dedicated to Ucuetis may well be in a secondary position and ‘Ucuetis’s building’ may not have been correctly identified.
- 2) the standard dating of CDO-01-19 to the first century CE should at least be noted as tentative, as the dating of the ‘building of Ucuetis’ should not be lent much weight (given point 1). Cazanove argues that religious dedications from the site in Latin only become prevalent in the second century CE and there could well have been some overlap in the production of Gaulish and Latin epigraphic monuments. Lejeune’s dating schema which suggests consecutive phases of different language outputs tends to play down bilingualism and transitional periods. See Dupraz 2021348 pp. for a possible intrepretation of GOBEDBI: 'La forme gobedbi doit être une indication de bénéficiaire médiat, qui renvoie au groupe humain « au nom de qui », « dans l’intérêt de qui » le notable Martialis, fils de Dannotalos, a dédié le local corporatif à Ucuetis. En synchronie la désinence héritée d’instrumental, au moins au pluriel, renvoie à un bénéficiaire médiat, qui obtient une faveur divine ou un mérite particulier à l’issue d’un don.' He cites various inscriptions in support of his argument: Latin CIL3107 XIII () (Nantes), CIL1376 XIII () and CIL1377 XIII () (Néris-les-Bains), CIL4324 a and b XIII () (Metz), CIL5716 V () (ager Mediolanensis) and Gaulish RIG II.1 (E-2) = LexLep VC·1 (Vercelli, Italy).
On celicnon, see also Lejeune 1996 .
Remarques de Emmanuel Dupraz :
La présence d’un bénéficiaire médiat de la construction du celicnon, représenté par l’instrumental gobedbi, est d’interprétation aisée : un espace à usage collectif est offert à une divinité, et le bénéficiaire médiat, humain, est destiné à en être l’usager. On trouve vraisemblablement une structure similaire dans l’inscription ALL-01-01 = L-6, qui peut également être une épitaphe, avec un bénéficiaire immédiat qui serait le défunt, et un bénéficiaire médiat « tenu pour quitte » vis-à-vis du défunt. Voir ALL-01-01.
Bibliographie du RIG: Maillard 1839a ; Maillard de Chambure 1839b ; Auber 1855 ; Stokes 1886 ; Poisson 1908 ; Rhŷs 1911 ; Vendryes 1911 ; Poisson 1912 ; Dottin 1918 ; Walde et Pokorny 1926-1932 ; Pisani 1933 ; Gray 1942 ; Haas 1943 ; Thurneysen 1946 ; Whatmough 1970 ; Martin et Varène 1973 ; Evans 1974 ; Lejeune 1980a ; Lejeune et al. 1985b ; Schmidt 1986 ;
Bibliographie du RIIG: Lambert 1979 ; Lejeune 1980a ; Lejeune 1996 ; Eska 2003 ; Mees 2008 ; CAG 21-01 ; Estarán 2021 ; Dupraz 2021 ; Cazanove et Estarán 2023 ; Dupraz 2023.
Linked Data:
- Deuxième moitié du Ier siècle : http://n2t.net/ark:/99152/p09hq4np73d
- Calcaire : https://www.eagle-network.eu/voc/material/lod/57
- Cartouche : https://www.eagle-network.eu/voc/objtyp/lod/263.html
- Endommagé : https://www.eagle-network.eu/voc/statepreserv/lod/4
- Inscription religieuse / cultuelle : https://www.eagle-network.eu/voc/typeins/lod/81
- Gravée : https://www.eagle-network.eu/voc/writing/lod/3
- Musée Alésia : https://www.trismegistos.org/collection/3007
- Lugdunensis : https://www.trismegistos.org/place/19858
- Alise-Sainte-ReineAlisiίa᾽ΑλησίαAlesia : https://www.trismegistos.org/place/23544
- Mandubii : https://www.trismegistos.org/place/23913
- France : https://www.trismegistos.org/place/693
How to cite: Ruiz Darasse C., Blanchet H., Stifter D., Estarán M.-J., Mullen A., Chevalier N., Prévôt N., « RIIG CDO-01-19 », dans Ruiz Darasse C. (éd.), Recueil informatisé des inscriptions gauloises, https://riig.huma-num.fr/, DOI : 10.21412/petrae_riig_CDO-01-19 (consulté le 9 décembre 2024).
XML EpiDoc
URI : https://riig.huma-num.fr/documents/CDO-01-19
Dernière modification : 2023-04-14; Michel Lejeune (First editor); Coline Ruiz Darasse (Project coordinator and contributor); Hugo Blanchet (Contributor); David Stifter (Contributor); María José Estarán Tolosa (Contributor); Alex Mullen (Contributor); Nolwenn Chevalier (Metadata, TEI encoding); Nathalie Prévôt (Database Design)