Localisation: France/Provence-Alpes-Côte d'Azur/Vaucluse
Site : Velleron
Province romaine: Narbonensis
Support: Stèle
Matériau: pierre
Description du support: Stèle funéraire en pierre à fût quadrangulaire légèrement pyramidal et fronton triangulaire saillant de tradition indigène, appartenant à une série de monuments funéraires bien représentée à Cavaillon, à Saint-Rémy-de-Provence et aux Baux. Haute de 1,55 m, large à la base de 54 à 57 cm et au sommet du fût de 28,5 à 31,5 cm, épaisse à la base de 26 à 27,5 cm et au sommet du fût de 21,5 à 25 cm, la stèle est faiblement cambrée sur sa face arrière ; le dos, un peu plus large que la face, lui donne un aspect légèrement voilé.
Remarques de Anne Roth Congès :
-
Taille : la stèle conserve des traces d’un sciage préalable : un bourrelet à la base du fût à droite et une incision rectiligne sur le haut du fût, à gauche. Ensuite, fût et fronton ont été rapidement façonnés au marteau taillant, y compris le long des arêtes où le travail est cependant plus soigné, à petits coups serrés perpendiculaires au bord. -
Lit de pose : en forme de trapèze rectangle, il montre une anathyrose exécutée au taillant, dont le bandeau large de 4 à 5 cm encadre un défoncé profond de 1,2 cm maximum. -
Face : l’inscription, assez correctement centrée dans le sens de la hauteur, occupe six lignes laissant une marge de 5 à 12 cm à gauche et de 5 à 10 cm à droite, sauf aux lignes 2 et 3 qui se poursuivent jusqu’à l’arête. Vers le haut et le bas du fût, deux éclats distants d’environ 80 cm montrent le même profil dissymétrique, avec à gauche un bord rectiligne abrupt et à droite une limite courbe, reliés par une pente douce donnant à gauche une profondeur d’1 cm ; l’éclat du haut mesure 12 cm de haut et 6 de large, celui du bas 11 et 9. Le premier montre des traces d’outil, sans doute un ciseau, qui suggèrent un aménagement volontaire : il semble s’agir de cavités taillées pour caler une pince lors de la mise en place d’une assise supérieure en grand appareil. On aurait ainsi la preuve du remploi de la stèle dans un édifice, sans doute en fondation. -
Dos : on distingue encore à la base le vestige d’une incision axiale sans doute préparatoire car elle a disparu plus haut au ravalement. À côté de cassures et éclats récents, vers le bas du fût et dans son axe, une cavité vaguement quadrangulaire d’environ 10 cm de côté et profonde d’1 cm en son centre, sans rupture de pente, paraît accidentelle, tandis qu’une autre sur le bord droit, également quadrangulaire mais de profil dissymétrique (profondeur en bas : 2 cm), semble avoir été aménagée au ciseau, peut-être à l’occasion du remploi suggéré plus haut. -
Fronton : en faible surplomb par rapport au fût (1,5 à 2,5 cm), le fronton est de plan légèrement trapézoïdal, mais à l’inverse du lit de pose, il est plus étroit à droite. La face et le dos sont lisses, les rampants se terminent par un méplat plus ou moins vertical, haut d’1 à 3,5 cm, relié au fût par un angle aigu à gauche et obtus à droite. Sur le rampant gauche, deux traces d’outil, vraisemblablement de taillant lancé perpendiculairement à la face, n’ont pas été ravalés. -
Métrologie : l’imprécision de la taille rend hasardeuse la définition de l’unité qui a régi la conception de cette stèle ; le pied romain (29,6 cm) ne paraît pas convenir, mais la « coudée massaliote » (52,5 cm), utilisée à Marseille à l’époque hellénistique, donnerait une hauteur de 3 cd (157,5 cm) pour une largeur de la face à la base d’1 cd (52 cm) et une épaisseur d’1/2 cd (26,25 cm), la hauteur du fronton mesurant également 1/2 cd et sa base 2/3 cd ( soit 1’ : 35 cm).
Taille : la stèle conserve des traces d’un sciage préalable : un bourrelet à la base du fût à droite et une incision rectiligne sur le haut du fût, à gauche. Ensuite, fût et fronton ont été rapidement façonnés au marteau taillant, y compris le long des arêtes où le travail est cependant plus soigné, à petits coups serrés perpendiculaires au bord. -
Lit de pose : en forme de trapèze rectangle, il montre une anathyrose exécutée au taillant, dont le bandeau large de 4 à 5 cm encadre un défoncé profond de 1,2 cm maximum. -
Face : l’inscription, assez correctement centrée dans le sens de la hauteur, occupe six lignes laissant une marge de 5 à 12 cm à gauche et de 5 à 10 cm à droite, sauf aux lignes 2 et 3 qui se poursuivent jusqu’à l’arête. Vers le haut et le bas du fût, deux éclats distants d’environ 80 cm montrent le même profil dissymétrique, avec à gauche un bord rectiligne abrupt et à droite une limite courbe, reliés par une pente douce donnant à gauche une profondeur d’1 cm ; l’éclat du haut mesure 12 cm de haut et 6 de large, celui du bas 11 et 9. Le premier montre des traces d’outil, sans doute un ciseau, qui suggèrent un aménagement volontaire : il semble s’agir de cavités taillées pour caler une pince lors de la mise en place d’une assise supérieure en grand appareil. On aurait ainsi la preuve du remploi de la stèle dans un édifice, sans doute en fondation. -
Dos : on distingue encore à la base le vestige d’une incision axiale sans doute préparatoire car elle a disparu plus haut au ravalement. À côté de cassures et éclats récents, vers le bas du fût et dans son axe, une cavité vaguement quadrangulaire d’environ 10 cm de côté et profonde d’1 cm en son centre, sans rupture de pente, paraît accidentelle, tandis qu’une autre sur le bord droit, également quadrangulaire mais de profil dissymétrique (profondeur en bas : 2 cm), semble avoir été aménagée au ciseau, peut-être à l’occasion du remploi suggéré plus haut. -
Fronton : en faible surplomb par rapport au fût (1,5 à 2,5 cm), le fronton est de plan légèrement trapézoïdal, mais à l’inverse du lit de pose, il est plus étroit à droite. La face et le dos sont lisses, les rampants se terminent par un méplat plus ou moins vertical, haut d’1 à 3,5 cm, relié au fût par un angle aigu à gauche et obtus à droite. Sur le rampant gauche, deux traces d’outil, vraisemblablement de taillant lancé perpendiculairement à la face, n’ont pas été ravalés. -
Métrologie : l’imprécision de la taille rend hasardeuse la définition de l’unité qui a régi la conception de cette stèle ; le pied romain (29,6 cm) ne paraît pas convenir, mais la « coudée massaliote » (52,5 cm), utilisée à Marseille à l’époque hellénistique, donnerait une hauteur de 3 cd (157,5 cm) pour une largeur de la face à la base d’1 cd (52 cm) et une épaisseur d’1/2 cd (26,25 cm), la hauteur du fronton mesurant également 1/2 cd et sa base 2/3 cd ( soit 1’ : 35 cm).
État de conservation: Stèle complète ; à peu près intacte, quelques éclats anciens, une cassure (en bas à gauche) et des éclats récents (arête et côté droits). La pierre assez dure éclate en conchoïdes.
Lieu de découverte: Velleron
Contexte local: Concernant les éléments lapidaires trouvés à Velleron, on a affaire à un ensemble hétérogène de stèles, éléments architecturaux monumentaux ou votifs et blocs plus ou moins bruts de carrière : au moins un élément architectural quasi achevé (architrave 005) n’a pas été mis en œuvre ; certains blocs peuvent avoir été abandonnés en cours de taille à cause d’un défaut de la pierre ou d’une malfaçon, d’autres semblent avoir été remployés dans la fondation de constructions en grand appareil (stèle 001), d’autres sont peut-être inachevés (stèles) ou proviennent du démantèlement d’au moins trois monuments distincts. Bien qu’ils n’aient pas été trouvés dans leur contexte architectural originel, ces éléments témoignent pour une époque ancienne — fin de l’Indépendance et début de la romanisation, sans doute la deuxième moitié du -IIe s. et le -Ier s. — d’une importante activité locale d’extraction et de taille de la pierre, de pratiques funéraires et votives originales (avec en particulier une épitaphe gauloise affichant une volonté manifeste de romanisation), ainsi que de constructions monumentales remarquables par leurs dimensions (colonnes hautes de 4 à 6 m) et souvent par la qualité du travail de la pierre.
Conditions de découverte: Texte inédit découvert à Velleron, dans le territoire de la cité de droit latin de Cavaillon.
Autopsie: Vue puis révisée par Michel Bats le 12 mai 2006 et le 3 décembre 2007.
Description de l'inscription: L’inscription, assez correctement centrée dans le sens de la hauteur, occupe six lignes laissant une marge de 5 à 12 cm à gauche et de 5 à 10 cm à droite, sauf aux lignes 2 et 3 qui se poursuivent jusqu’à l’arête. Parfaitement lisible quoique d’un ductus négligé, l’inscription a été gravée avec une gouge large de 3 mm, jusqu’à une profondeur de 2 mm. Très variable, la hauteur des lettres va de 3 à 8 cm (2 cm pour le o de repentir entre les l. 2 et 3), avec une moyenne de 4 à 5 cm ; les lignes sont à peu près horizontales, sauf la troisème qui monte à droite, mais sur une même ligne le bas et le haut des lettres sont répartis de façon chaotique. L’absence de césures assurées entre les mots engendre des incertitudes dans la lecture.
Description de l'écriture: Lettres capitales. Hauteur des lettre : 4 à 5 cm (2 cm pour le o de la 3e ligne). Alpha à barette brisée, epsilon et sigma lunaires.
Type de texte: Inscription funéraire
Datation du texte: deuxième moitié du -Ier siècle
Justificatif de datation: contexte. De la deuxième moitié du -Ier siècle.
Niveau de certitude: ◉◉◉
Édition corpus: Bats 2011 p. 222-225 ; Bats 2011 p. 223 fig. 33 .
Commentaire bibliographique: RIG I ; RIG II.1 ; Le Glay 1989 ; Christol 1992 ; Leiwo 2002 ; Lambert 2018 ; Bats 2004 ; Oswald 1983 ; Bats 2004 ; Genin 2008 ; Mullen 2013 p. 182-189 .
Texte
01 ΚΑЄΙΟϹ 02 ΙΝΔΟΥΤΙΛ 03 ⸢Ο⸣ϹΑΜΟΛΑ 4 ΤΙϹΑΝЄ 05 ΚΤΙΑ 06 ΟΥΑΛΗΤЄ |
01 καειος 02 ινδουτιλ- 03 o σαμολα- 4 τις ανε- 05 κτια 06 ουαλητε |
01 ΚΑЄΙΟϹ 02 ΙΝΔΟΥΤΙΛ 03 ⸢Ο⸣ϹΑΜΟΛΑ 4 ΤΙϹΑΝЄ 05 ΚΤΙΑ 06 ΟΥΑΛΗΤЄ |
01 καειος 02 ινδουτιλ- 03 o(ς) σαμολα- 4 τις ανε- 05 κτια 06 ουαλητε |
01 ΚΑЄΙΟϹ 02 ΙΝΔΟΥΤΙΛ 03 ⸢Ο⸣ϹΑΜΟΛΑ 4 ΤΙϹΑΝЄ 05 ΚΤΙΑ 06 ΟΥΑΛΗΤЄ |
01 καειος 02 ινδουτιλ- 03 o σαμολα- 4 τις ανε- 05 κτια 06 ουαλητε |
01 καειος 02 ινδουτιλ- 03 o σαμολα- 4 τις ανε- 05 κτια 06 ουαλητε |
idionyme nominatif masc. sg. thème en -o gentilice nominatif masc. sg. thème en -o idionyme nominatif fém. sg. thème en -i patronyme nominatif fém. sg. thème en -ā verbe 2e pers. pl. impératif présent |
01 καειος 02 ινδουτιλ- 03 o(ς) σαμολα- 4 τις ανε- 05 κτια 06 ουαλητε |
idionyme nominatif masc. sg. thème en -o gentilice nominatif masc. sg. thème en -o idionyme nominatif fém. sg. thème en -i patronyme nominatif fém. sg. thème en -ā verbe 2e pers. pl. impératif présent |
01 καειος 02 ινδουτιλ- 03 o σαμολα- 4 τις ανε- 05 κτια 06 ουαλητε |
idionyme nominatif masc. sg. thème en -o gentilice nominatif masc. sg. thème en -o cognomen nominatif masc. sg. thème en -i idionyme nominatif fém. sg. thème en -ā verbe 2e pers. pl. impératif présent |
Traduction:
de Michel Bats : MBS-a MBS-b
Caios Indoutilos et, son épouse Samolatis, fille d’Anektos, portez-vous bien !
de Michel Bats : MBS-c
Caios Indoutilos Samolatis et, son épouse, Anektia, portez-vous bien !
Apparat critique:
Remarques de Michel Bats : MBS-a
Lignes 1 à 6 : noms de personnes au nominatif. Caeios est la transcription du prénom latin Cāĭus avec la diphtongue ει, ici, comme simple doublet de ι, marquant, peut-être, comme en grec, d’après M. Lejeune (RIG I pp. 443), une différence de timbre. Le sigma du début de la troisième ligne sert à la fois de sigma final à Indoutilos et de première lettre à Samolatis ; mais la forme Indutilo, abrégée du -s final, est aussi possible (Lambert 2018 pp. 50). Samolatis est la forme normale du nominatif. Et on ne connaît pas la désinence du génitif singulier gaulois des noms à thème en -i. Mais on peut aussi envisager, en fonction de la ligne 7 (translittération du latin), qu’il pourrait s’agir de la transcription d’un génitif latin décliné sur le modèle de la 3e déclinaison (= comme civis), à valeur de filiation comme dans les épitaphes de Lattes. Anektia est un idionyme, inédit, féminin dont on connaît la forme masculine Anectius, citée chez les Nerviens par Tite-Live (Tite-Live 141 ) ; morphologiquement, Anektia pourrait désigner aussi le patronyme féminin en -ia d’un Anektos, inconnu (mais possible à partir d’un nom composé Anektolatis, attesté par ailleurs) et qualifier l’épouse Samolatis, dont l’identité féminine avec suffixe -lati serait confirmée par la Boudilatis
Lemisunia de Coudoux (BDR-03-03).
Ligne 7 : translittération en alphabet gallo-grec de la formule latine vălēte, avec le digramme ΟΥ pour transcrire le V latin et êta pour le e long ; ce dernier trait pourrait indiquer que ce n’est pas par « pur accident », comme l’écrit M. Lejeune (RIG I pp. 443), qu’un êta transcrit le e long du nom latin Cornelia dans l’inscription BDR-12-03 de Glanum.
Quel sens donner à cette mixité langue / système graphique ? Serait-ce simplement, comme le pense M. Leiwo, à propos d’inscriptions latines en caractères grecs de la communauté juive de Rome, le fait que le tailleur de pierre ne connaissait pas d’autres caractères ? Mais la prise en considération de la valeur phonétique des voyelles (choix de l’êta pour l’e long de vălēte) peut difficilement s’expliquer sans une connaissance approfondie de l’une et l’autre langue : « The person who wanted to set up the inscription did not know the difference between Greek and Roman characters, and chose someone who could write a little and was cheap. » (Leiwo 2002 pp. 178), mais dans l’exemple donné par l’auteur, CIL VI (22176), le graveur a bien distingué la valeur des voyelles e en transcrivant : ...βενεμερεντι φηκιτ. Il vaut mieux penser que la translittération est, dans ce cas, due au commanditaire de l’inscription et non au graveur.
Donc, deux possibilités pour cette épitaphe double : Caios Indoutilos et, son épouse Samolatis, fille d’Anektos, ou bien Caios Indoutilos Samolatis et, son épouse, Anektia. Dans le premier cas, on a affaire à un couple de pérégrins au sein d’une communauté de droit latin, qui est celle de Velleron, sur le territoire de Cavaillon, oppidum latinum de la liste plinienne. Dans le deuxième cas, l’épitaphe est celle d’un couple constitué d’un citoyen romain, Caios Indutilos Samolatis, et d’une pérégrine, Anektia. La solution paraît être celle d’un couple constitué d’un citoyen romain et d’une pérégrine. Le défunt, porteur des tria nomina, aurait « romanisé » son nom en adoptant le prénom latin Caius, mais en conservant son nom Indoutilos comme gentilice et en utilisant comme cognomen un autre nom indigène Samolatis qui était vraisemblablement le nom de son père. En revanche son épouse est désignée par son seul nom qui trahit son statut pérégrin, comme le ferait, d’ailleurs, son identification comme Samolatis, fille d’Anektos. On a plusieurs parallèles de cette situation dans l’épigraphie latine de Narbonnaise (Le Glay 1989 ; Christol 1992 ) : par exemple, à Nîmes (CIL XII (3205)) : DM / T. Boduacii / Kari / Gaiae Messoris f. / C. Boduacius / Karus / sibi et parentib / v f.. En Narbonnaise, la citoyenneté romaine pouvait être acquise en assumant les magistratures dans les cités jouissant du droit latin. Or, à Velleron, nous sommes sur le territoire de Cavaillon, oppidum Latinum. C. Indoutilos Samolatis serait alors sans doute l’un de ces premiers indigènes ayant accédé à la citoyenneté romaine, mais ayant conservé dans son appellation son identité gauloise et continuant à écrire en alphabet gallo-grec même le latin.
Ligne 7 : translittération en alphabet gallo-grec de la formule latine vălēte, avec le digramme ΟΥ pour transcrire le V latin et êta pour le e long ; ce dernier trait pourrait indiquer que ce n’est pas par « pur accident », comme l’écrit M. Lejeune (RIG I pp. 443), qu’un êta transcrit le e long du nom latin Cornelia dans l’inscription BDR-12-03 de Glanum.
Quel sens donner à cette mixité langue / système graphique ? Serait-ce simplement, comme le pense M. Leiwo, à propos d’inscriptions latines en caractères grecs de la communauté juive de Rome, le fait que le tailleur de pierre ne connaissait pas d’autres caractères ? Mais la prise en considération de la valeur phonétique des voyelles (choix de l’êta pour l’e long de vălēte) peut difficilement s’expliquer sans une connaissance approfondie de l’une et l’autre langue : « The person who wanted to set up the inscription did not know the difference between Greek and Roman characters, and chose someone who could write a little and was cheap. » (Leiwo 2002 pp. 178), mais dans l’exemple donné par l’auteur, CIL VI (22176), le graveur a bien distingué la valeur des voyelles e en transcrivant : ...βενεμερεντι φηκιτ. Il vaut mieux penser que la translittération est, dans ce cas, due au commanditaire de l’inscription et non au graveur.
Donc, deux possibilités pour cette épitaphe double : Caios Indoutilos et, son épouse Samolatis, fille d’Anektos, ou bien Caios Indoutilos Samolatis et, son épouse, Anektia. Dans le premier cas, on a affaire à un couple de pérégrins au sein d’une communauté de droit latin, qui est celle de Velleron, sur le territoire de Cavaillon, oppidum latinum de la liste plinienne. Dans le deuxième cas, l’épitaphe est celle d’un couple constitué d’un citoyen romain, Caios Indutilos Samolatis, et d’une pérégrine, Anektia. La solution paraît être celle d’un couple constitué d’un citoyen romain et d’une pérégrine. Le défunt, porteur des tria nomina, aurait « romanisé » son nom en adoptant le prénom latin Caius, mais en conservant son nom Indoutilos comme gentilice et en utilisant comme cognomen un autre nom indigène Samolatis qui était vraisemblablement le nom de son père. En revanche son épouse est désignée par son seul nom qui trahit son statut pérégrin, comme le ferait, d’ailleurs, son identification comme Samolatis, fille d’Anektos. On a plusieurs parallèles de cette situation dans l’épigraphie latine de Narbonnaise (Le Glay 1989 ; Christol 1992 ) : par exemple, à Nîmes (CIL XII (3205)) : DM / T. Boduacii / Kari / Gaiae Messoris f. / C. Boduacius / Karus / sibi et parentib / v f.. En Narbonnaise, la citoyenneté romaine pouvait être acquise en assumant les magistratures dans les cités jouissant du droit latin. Or, à Velleron, nous sommes sur le territoire de Cavaillon, oppidum Latinum. C. Indoutilos Samolatis serait alors sans doute l’un de ces premiers indigènes ayant accédé à la citoyenneté romaine, mais ayant conservé dans son appellation son identité gauloise et continuant à écrire en alphabet gallo-grec même le latin.
Commentaires:
Remarques de Michel Bats :
- Indoutilos : anthroponyme gaulois connu par un graffite sur campanienne A de l’oppidum de Constantine à Lançon-de-Provence (Bats 2004 , BDR-18-02), attesté aussi sur des monnaies de bronze à légende latine Germanus Indutilli L., hypocoristique d'Indutus (Evans 1967 pp. 96-98), à partir d’un thème Indutio-, composé in+dutio, de sens peu clair, visible dans les noms Indutiomaros, Indutius, Indutissa.
- Samolatis : anthroponyme gaulois, composé de samo- et lati-. Samo-, nom (« l’été ») ou adjectif (« calme ») gaulois, préfixe de plusieurs noms de personnes (Samogenus, Samognatius, Samorix, Samotalus). Lati-, élément gaulois, toujours en suffixe, de noms (Escengolatis, Anectolatis, Andolatius, Catulatius, Istolatios, Segolatios), à rapprocher du v. irlandais *laith, « héros, guerrier ». Samolatis serait ainsi « le guerrier de l’été » ou « le guerrier calme ». Nom nouveau.
- Anektia : anthroponyme gaulois, inconnu, féminin du nom Anectius cité chez les Nerviens par Tite-Live (Per. 141). Bats 2004 pp. 17 = rééd. Oswald 1983 pp. 17, 349) cite un potier de La Graufesenque signant Anextia F. – où le x est l’équivalent du χ grec et, ici à Velleron, -κτ- = -χτ- –, mais la lecture est fautive (Anextia pour Anextla) et le nom complet est Anextlatus (Cf. Genin 2008 ). Cf. aussi anektaiak sur un graffite de Cavaillon (VAU-05-08, que Lejeune relie au radical celtique aneg- « protéger ».
- Oualête = Valete : cette transcription d’un verbe latin en alphabet gallo-grec (exemple d’alternance codique linguistique – code switching) est un unicum parmi les stèles gallo-grecques, même si l’on avait déjà à Cavaillon (VAU-05-25) un idionyme latin transcrit en écriture grecque (Skourra pour Scurra) de la même façon que Kaeios est la transcription du latin Caius.
Commentaire sociolinguistique:
Remarques de Michel Bats : MBS-a
Ici, valete latin est l’équivalent du χαίρετε grec. À l’époque hellénistique, la coutume, en Grèce, veut que lorsqu’on passe devant la tombe d’un mort, on le salue en l’appelant par son nom. La mention de χαῖρε après le nom du mort est une manière pour les survivants de répéter le dernier adieu qu’ils ont lancé au mort avant ses obsèques. Vale/Valete est donc une invitation au passant à saluer le ou les défunts. En lisant l’épitaphe, le passant prononce une véritable formule magique (le salut : χαῖρε/vale) qui a le pouvoir de ressusciter le mort. D’où ici peut-être un pluriel puisque les défunts sont au nombre de deux. Cependant, sur certaines épitaphes, c’est le défunt qui peut saluer les passants : « je vous salue, passants, et envoyez-moi aussi un salut ». La formule est réversible. Ainsi, les morts et les vivants entretiennent une conversation, promesse de salut pour les disparus. Le nom du mort inscrit sur la stèle est le minimum qui permet de garder le souvenir du passage d’un homme sur cette terre.
Remarques de María José Estarán :
- Genre épigraphique : épitaphe avec le nom du défunt.
- Monument conjugal.
- Onomastique et latinisation : l'époux a un nom romain (Caius) translittéré en alphabet grec : ΚΑΕΙΟϹ. Seule la filiation de l'un des deux époux est indiquée.
- Impact de la culture épigraphique funéraire romaine: translittération de la formule romaine de l'adieu ΟΥΑΛΗΤЄ.
Remarques de Alex Mullen :
Duo nomina formation with first name Latin Gaius, second name Gaulish, for the male; Gaulish idionymn plus patronymic adjective in -ia for the female. Intra-sentental code-switch into Latin for valete.
Texts displaying bilingual phenomena; Code-switching intra-sentential into Latin.
Texts displaying bilingual phenomena; Code-switching intra-sentential into Latin.
Linked Data:
- Deuxième moitié du -Ier siècle : http://n2t.net/ark:/99152/p09hq4nnxgm
- Pierre : https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrtSVdwKcS3MI
- Stèle : https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrtvpHLEemb4v
- Inscription funéraire : https://www.eagle-network.eu/voc/typeins/lod/92
- Gravée : https://www.eagle-network.eu/voc/writing/lod/3
- Narbonensis : https://www.trismegistos.org/place/19860
- Velleron : https://www.trismegistos.org/place/52013
- France : https://www.trismegistos.org/place/693
How to cite: Ruiz Darasse C., Blanchet H., Jordán Cólera C., Estarán M.-J., Mullen A., Chevalier N., Prévôt N., « RIIG VAU-16-01 », dans Ruiz Darasse C. (éd.), Recueil informatisé des inscriptions gauloises, https://riig.huma-num.fr/, DOI : 10.21412/petrae_riig_VAU-16-01 (consulté le 2 novembre 2024).
XML EpiDoc
URI : https://riig.huma-num.fr/documents/VAU-16-01
Dernière modification : 2023-07-10; Michel Bats (First editor); Coline Ruiz Darasse (Project coordinator); Hugo Blanchet (Contributor); Carlos Jordán Cólera (Contributor); Michel Bats (Contributor); María José Estarán Tolosa (Contributor); Alex Mullen (Contributor); Nolwenn Chevalier (Metadata, TEI encoding); Nathalie Prévôt (Database Design)