Localisation: France/Bourgogne-Franche-Comté/Nièvre
Site : Nevers - Site antique nom(s) antique(s): Noviodunum Haeduorum
Province romaine: Lugdunensis
Peuple gaulois: Haedui
Support: Cartouche
Description du support: Cartouche mouluré, d'épaisseur inconnue, 35 cm de haut × 50 cm de large.
État de conservation: Inscription perdue mais connue.
Lieu de découverte: Nevers
Micro contexte: Trouvée dans les fondations d'une cave, rue de la Coutellerie (CAG 58 pp. 207)
Conditions de découverte: Trouvée en 1492, la pierre a disparu à une date non précisable après être demeurée visible plus de trois siècles à l'encoignure d'une vieille maison de Nevers, et avoir été l'objet de relevés (dessins ou copies) d'inégale fidélité. Faute d'avoir connaissance directe de l'inscription, il a paru utile de donner ici l'essentiel de nos informations remontant à l'époque où la pierre était encore observable.
Historique de conservation: Des témoignages du début du XIXe siècle, on retiendra l'indication donnée en 1804 par P. Gillet dans Gillet 1804 pp. 62, que la pierre est alors conservée dans la maison de M. Vialay, apothicaire (indication citée en 1806 par Guyot Sainte-Hélène ; Guyot Saint-Hélène 1888 pp. 322). J.-Fr. Née de la Rochelle écrit, lui aussi (Née de La Rochelle 1827 pp. 222), que « la pierre se conserve encore dans la maison de M. Vialay, apothicaire » ; mais cette information est de datation incertaine, la rédaction des Mémoires(Née de La Rochelle 1827 ) (entreprise par Jean Née de la Rochelle, grand-père de J.-Fr. Née de la Rochelle) s'étant étalée sur trois quarts de siècle.
Signalement: (I) Anonyme de Nevers (vers 1500). Manuscrit à l'usage de la Chambre des Comptes de Nevers, renfermant un calendrier, des comptes, des ordonnances monétaires, et diverses notes sur le Nivernais. Mis en vente en 1829 par le préfet de la Nièvre, avec un lot d'archives départementales, « pour faire de la place ». Acquis par la famille Girerd, et conservé dans les collections du château de Chevenon (à 10 km au sud-sud-est de Nevers), château et collections passés au début du XXe siècle à la famille Bardin. Au feuillet 64, notice précisant que le 2 septembre 1492, à l'entrée de la cité ancienne près de la rue de la Coutellerie, en faisant les fondements d'une cave a été trouvée une pierre moulurée gravée de cette inscription : AN DE CAMVLOS TOVTIS SIC NOSIE VRV. La photographie de notre Dict. 68 pp. 137 est reprise de RIG II.1 9 .
(II) Vers 1500 aussi, témoignage de Fra Giocondo : recueil manuscrit d'inscriptions dont existent plusieurs copies ; une seule des copies (Venise, Bibl. Saint-Marc, ms. lat. cl. XIV n°171-4665), donne (f° 214') un dessin de l'inscription de Nevers (Dict. 69 pp. 137) précédé de l'intitulé « in nouioduno, nunc niuernia appellata, quae ciuitas est galliae ».
(III) L'editio princeps est due à Michel Cotignon, chanoine de Nevers, en 1616 : son Catalogue Historial des Évêques de Nevers (Cotignon 1616 6-8 ), mentionne « Une table de pierre presque carrée trouvée en ville » portant l'inscription AN DE CAMILLOS TOTI SIC NOXIE VRI. Voyant là le nom du dictateur romain Camille, Cotignon (qui milite pour une haute antiquité de l'évêché et donc de la civitas de Nevers) assigne à Camille la fondation de la ville, et date l'événement de l'an 3577 du monde (soit donc -423).
(IV) Alcide de Bonne-Case, se contente (Bonne-Case 1664 pp. 281) de copier Cotignon, mais prend la date de fondation (3577) pour celle d'une destruction de la ville par le feu. [Naïvement Hirschfeld, CIL , ne comprendra pas qu'il s'agit d'ans du monde, et voudra corriger en ans de notre ère : « legendum videtur 1577 » !]
(V) Abbé Gabriel Brotier (et alii), dans Brotier 1726 7 (CXIX) : « Inscriptio lapidis Niverniae in quodam urbis vico. Habui a D. de Guilly, et haec ab ipso audivi anno 1726 die XVIII Aug. ». Copie originale, donc, et qui distribue correctement le texte en cinq lignes : ANDE | GAMV | LOSTO͡VTI | SSICNOS | IEVRV.
(VI) L'abbé Jean Lebeuf, chanoine d'Auxerre, écrivant le 8 septembre 1734 au Président Jean Bouhier (lettre publiée en 1885 dans le Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne(Bouhier 1885 pp. 179-181) consulte son correspondant sur « Une inscription... insérée au coin d'une maison voisine des anciens murs de Nevers, et qui vient des monuments de cette cité ; la pierre est d'un pied et demi de hauteur et un pied de longueur ; la voici telle qu'elle est ». Est joint à la lettre un dessin (notre Dict. 70 pp. 139) dont nous savons par ailleurs (voir IX et XI) qu'il est dû à Chalmeaux. Mais Lebeuf a dû avoir une autre information, puisqu'il fera état (VIII) de ...TOVTI en fin de l.3 alors que le dessin donne ...TOVI.
(VII) Jean Bouhier, Bouhier 1885 (B.N., ms. fr. 20.317), au reçu de la lettre de Lebeuf (VI), insère une notice dans son recueil (Bouhier 1885 pp. 355 (MXCVIII)). Il y déforme le texte reçu de Lebeuf (ajoutant un V au début de la l.4) et construit une interprétation aberrante (dédicant : un T. Ovitius, signifer). Ce document (voir Dict. 71 pp. 139) a été imprimé en 1885 (Bouhier 1885 pp. 181-183) à la suite de la lettre de Lebeuf (voir VI).
(VIII) Jean Lebeuf, Lebeuf 1738 pp. 271-274. « À Nevers, dans un endroit des anciens murs qui regarde de l'Orient au Midi sur une pierre haute d'un pied et demi, large d'un pied, ornée de moulures en haut et en bas et aussi un peu par les côtez, de manière qu'on voit qu'elle n'est point mutilée ». Imprime sur cinq lignes un texte correct ANDE | CAMV | LOSTO͡VTI | SSICNOS | IEVRV, où il soupçonne une dédicace au dieu Camulos.
(IX) Jean Lebeuf (Lebeuf 1740 ), dans une lettre au R. P. Duval (de Saint-Germain-des-Prés), conteste l'antiquité prétendue de Nevers, et à cette occasion (Lebeuf 1740 pp. 871-872) critique la lecture et l'interprétation de Cotignon (III) en faisant état de ses propres sources : « je fus informé il y a quelques années par un chanoine de Nevers que cette inscription existoit encore ; je le priai de me la figurer telle qu'elle étoit... ; il me fit ce plaisir, et je l'ai donnée dans le II. Tome de mon Lebeuf 1738 » [Voir VI et XI.]
(X) Anonyme (chanoine de Nevers), Lebeuf 1748 pp. 96-104. Mentionne la pierre, « placée sur un corbeau, environ à dix pieds d'élévation à l'endroit où étoit autrefois la principale porte de la Cité ; ... beaucoup plus longue que large, de laquelle [l'inscription] ne remplit qu'environ la moitié ; une bordure en relief sert d'ornement à cette pierre et lui donne la figure d'un tableau ; ... il n'est pas vrai que les lettres de cette inscription soient presque toutes effacées, elles sont très entières, et [Cotignon] ne les annonce défigurées que pour faire adopter l'explication qu'il y donne ». L'auteur cite abondamment, et critique sur deux points, Cotignon (qu'il appelle avec persévérance Colignon). Il donne un fac-similé (Dict. 72 pp. 140) fautif (U, l.2). (
(XI) Jean Lebeuf, Lebeuf 1748 pp. 83-85. Réplique à l'auteur de X : il a tort d'ignorer le Recueil(Lebeuf 1738 ) de Lebeuf, mais raison de critiquer Cotignon : « [en 1738] il y avoit déjà plusieurs années que feu M. Chalmeaux, Chanoine de la Cathédrale de Nevers, m' ... avoit apporté à Auxerre ... sa copie, que j'ai encore » (voir VI et IX).
(XII) F.M. Bourignon, Bourignon 1786 pp. 28, utilise et cite une copie du manuscrit Brotier (V) et donne la pierre comme trouvée en 1727 (!).
Nous ne pensons pas utile de reproduire les fac-similés plus tardifs procurés par Morellet, Barat, Bussière dans Morellet et al. 1838-1840 pp. VI et par l'abbé Auber, Auber 1855 pp. 333-334 et Auber 1855 I-3 . Rien ne garantit que l'original existât encore alors, et nous ignorons sur quelles bases ils ont été établis.
Le texte de Nevers se trouve être la plus anciennement surgie de nos inscriptions gauloises. Mais il fut pendant des siècles considéré comme un texte latin plus ou moins obscur. Il fallut, pour ébranler cette opinion, qu'apparussent nos autres documents ieuru, d'abord en 1783 celui du Vieux-Poitiers (VIE-01-01), puis les autres à partir de 1839 (CDO-01-19 à Alise-Sainte-Reine ; etc.). Dès le milieu du XIXe siècle, les premiers recueils d'inscriptions gauloises font une place au texte de Nevers (Roget de Belloguet 1872 , Pictet 1859 , Monin 1861 ; etc.).
Description de l'inscription: L'inscription devait être gravée sur cinq lignes d'inégale longueur, semble-t-il, mais dont les débuts paraissent avoir été en alignement vertical, se distribuaient les trois mots du texte, sans souci, d'une ligne à l'autre, des limites de mots ni même de syllabes. Peut-être (témoignage II) y avait-il une interponction entre nom et patronyme. Dans le patronyme, ligature O͡V pour gagner de la place.
Description de l'écriture: Lettres capitales devait (à l'exception du petit o de la l.4) mesurer de 3 cm à 4 cm de hauteur. La lecture est sans problèmes.
Type de texte: Inscription religieuse / cultuelle
Datation du texte: Ier siècle
Justificatif de datation: contexte.
Niveau de certitude: ◉◉◉
Remarques de Michel Lejeune :
Autant qu'on puisse conjecturer le style de l'écriture à travers nos médiocres documents, il évoquerait celui du cartouche d'Alise-Sainte-Reine (CDO-01-19), et suggérerait une datation au Ier siècle.
Édition corpus: RIG II.1 p. 135-141 ; RIG II.1 p. 137-140 fig. 68-73 .
Commentaire bibliographique: Manuscrit anonyme de Nevers 1500 ; Fra Giocondo 1500 ; Cotignon 1616 ; Bonne-Case 1664 ; Brotier 1726 ; Lebeuf 1738 ; Lebeuf 1740 ; Anonyme 1748 ; Lebeuf 1748 ; Bourignon 1786 ; Gillet 1804 ; Née de La Rochelle 1827 ; Morellet et al. 1838-1840 ; Auber 1855 ; Pictet 1859 ; Monin 1861 ; Roget de Belloguet 1872 ; Dict. ; CIL XIII (2821) ; Bouhier 1885 ; Lebeuf 1885 ; Guyot Saint-Hélène 1888 ; Rhŷs 1906 p. 329 ; Dottin 1918 ; Holder 1962 ; Evans 1967 ; Whatmough 1970 ; Lejeune 1980a (1) ;
Texte
01 ANDE 02 CAMV 03 LOS▴T⁽OV⁾TI 4 SSICNOS 05 IEVRV |
01 ande- 02 camu- 03 los ·touti- 4 ssicnos 05 ieuru |
01 ande- 02 camu- 03 los ·touti- 4 ssicnos 05 ieuru |
idionyme nominatif masc. sg. thème en -o patronyme nominatif masc. sg. thème en -o verbe prétérit 3e pers. sg. |
Traduction:
de l'équipe du RIIG :
Andecamulos fils de Toutissos a dédié.
Ande-camulos : nom composé du préfixe intensif ande- et de camulos « serviteur », cf. v. irl. cumal « servante »(Lambert 2018 pp. 97).
Ande-camulos : nom composé du préfixe intensif ande- et de camulos « serviteur », cf. v. irl. cumal « servante »(Lambert 2018 pp. 97).
Apparat critique:
Remarques de Michel Lejeune : MLE-a
Dédicace ieuru (cf. Lejeune 1980a ), se réduisant à S + V sans mention du monument (?) dédié ni de la divinité (?) dédicataire.
Désignation bimembre du sujet : idionyme + adjectif patronymique en -icno-. Les noms du père et du fils, Toutissos et Andecamulos, sont tous deux de stock gaulois (ce qui conforte une attribution au Ier siècle). Sur le composé Ande-camulos, voir Schmidt 1957 pp. 58, Schmidt 1957 pp. 127, Schmidt 1957 pp. 169 et Evans 1967 pp. 49 ; Toutissos est un hypocoristique en -isso- (Holder 1962 II (80)) issu des composés à premier terme touto- (sur quoi Schmidt 1957 pp. 220, Evans 1967 pp. 266).
Désignation bimembre du sujet : idionyme + adjectif patronymique en -icno-. Les noms du père et du fils, Toutissos et Andecamulos, sont tous deux de stock gaulois (ce qui conforte une attribution au Ier siècle). Sur le composé Ande-camulos, voir Schmidt 1957 pp. 58, Schmidt 1957 pp. 127, Schmidt 1957 pp. 169 et Evans 1967 pp. 49 ; Toutissos est un hypocoristique en -isso- (Holder 1962 II (80)) issu des composés à premier terme touto- (sur quoi Schmidt 1957 pp. 220, Evans 1967 pp. 266).
Commentaires:
Commentaire sociolinguistique:
Remarques de Michel Lejeune : MLE-a
Il est indémontrable, mais il n'est pas exclu, que la dédicace soit celle de l'édifice.
Remarques de María José Estarán :
- Genre épigraphique : inscription évergétique
- Le dédicant dont le nom se présente sous une formule onomastique bimembre avec des éléments gaulois, fait une dédicace en ieuru.
- L'inscription est perdue et sans contexte de sorte qu'on ne peut connaître la nature de l'offrande faite.
Remarques de Alex Mullen :
- The Gallo-Latin inscriptions on stone with the most careful layout and good degree of familiarity with Latin epigraphic practice come from the territory of the Aedui/Mandubii: Autun, Auxey, and Nevers.
- IEVRV example, Lambert 1979 , Lejeune 1980a , Estarán 2021 .
- The standard dating of this inscription should be taken with caution, Cazanove (in de Cazanove et Estarán 2023 ) considers that his stone inscription could date to the first or second centuries CE.
Bibliographie du RIG: Cotignon 1616 ; Bonne-Case 1664 ; Brotier 1726 ; Lebeuf 1738 ; Lebeuf 1740 ; Lebeuf 1748 ; Anonyme 1748 ; Bourignon 1786 ; Gillet 1804 ; Née de La Rochelle 1827 ; Morellet et al. 1838-1840 ; Auber 1855 ; Roget de Belloguet 1872 ; Lebeuf 1885 ; Bouhier 1885 ; Guyot Saint-Hélène 1888 ; Holder 1896–1913 ; Dottin 1918 ; Whatmough 1970 ; Lejeune 1980a ; Fra Giocondo 1500 ; Manuscrit anonyme de Nevers 1500 ;
Bibliographie du RIIG: Lambert 1979 ; Lejeune 1980a ; Estarán 2021.
Linked Data:
- Ier siècle : http://n2t.net/ark:/99152/p09hq4ndm7n
- Cartouche : https://www.eagle-network.eu/voc/objtyp/lod/263.html
- Perdue mais connue : https://www.eagle-network.eu/voc/statepreserv/lod/10
- Inscription religieuse / cultuelle : https://www.eagle-network.eu/voc/typeins/lod/81
- Gravée : https://www.eagle-network.eu/voc/writing/lod/3
- Lugdunensis : https://www.trismegistos.org/place/19858
- NeversNoviodunum Haeduorum : https://www.trismegistos.org/place/23736
- France : https://www.trismegistos.org/place/693
How to cite: Ruiz Darasse C., Blanchet H., Estarán M.-J., Mullen A., Chevalier N., Prévôt N., « RIIG NIE-01-01 », dans Ruiz Darasse C. (éd.), Recueil informatisé des inscriptions gauloises, https://riig.huma-num.fr/, DOI : 10.21412/petrae_riig_NIE-01-01 (consulté le 9 décembre 2024).
XML EpiDoc
URI : https://riig.huma-num.fr/documents/NIE-01-01
Dernière modification : 2023-05-25; Michel Lejeune (First editor); Coline Ruiz Darasse (Project coordinator and contributor); Hugo Blanchet (Contributor); María José Estarán Tolosa (Contributor); Alex Mullen (Contributor); Nolwenn Chevalier (Metadata, TEI encoding); Nathalie Prévôt (Database Design)