Localisation: France/Bourgogne-Franche-Comté/Côte-d'Or
Site : Auxey-Duresses - Lieu-dit « climat des Autets »
Province romaine: Lugdunensis
Peuple gaulois: Haedui
Support: Cartouche
Matériau: calcaire
Description du support: Cartouche en calcaire, très légèrement écornée en haut et à droite, plus sérieusement en bas et à gauche, mais sans que l'inscription en soit affectée. 7 cm à 10 cm d'épaisseur × 59 cm de large × 36 cm de haut. Une des faces a été refouillée, laissant subsister autour du texte un cadre large de 4 cm à 6 cm, dont la saillie est très érodée vers la gauche et le bas, mais reste nette des deux autres côtés.
État de conservation: Graffite endommagé.
Lieu de découverte: lieu-dit « Climat des Autets »
Contexte local: Les trouvailles de hasard au lieu-dit « Climat des Autets » ont révélé une présence celtique puis gallo-romaine ; voir (Veau 1929-1930 pp. 176-186).
Conditions de découverte: Dalle trouvée fortuitement à la fin XVIIIe siècle pas d'indications plus précises) au cours de travaux agricoles au lieu-dit « Climat des Autets » à Auxey-Duresses, immédiatement en contrebas du plateau de Montmélian vers le nord-est (à moins de 500 m du « Camp Romain »). Bien que le texte gaulois qu'elle porte soit votif, elle aurait été découverte, selon une tradition non vérifiable, servant de couverture à un petit caveau funéraire contenant des cendres : donc en remploi ancien, si l'information est exacte.
Historique de conservation: La pierre fut, par son inventeur, rapportée chez lui à Volnay (à 3 km au nord-est d'Auxey) et fut conservée dans sa famille pendant plus d'un demi-siècle ; d'où la désignation inexacte de « pierre de Volnay » sous laquelle elle est souvent mentionnée. En 1855 son possesseur, Boillot, maire de Volnay, en fit don aux musées de Beaune.
Pierre conservée au Musée des Beaux-Arts de Beaune (inv. 855-2-1). Un moulage à Saint-Germain-en-Laye (M.A.N., inv. 22.294).
Lieu de conservation: Beaune
Institution de conservation: Musée des Beaux-Arts
N° inventaire: 855-2-1
Autopsie: Le moulage de cette inscription a été photographié dans le cadre du projet RIIG par Hugo Blanchet et Coline Ruiz Darasse le 8 mars 2022 au Musée d'Archéologie Nationale de Saint-Germain-en-Laye (moulage inventorié B26-A099 22294).
Signalement: Première publication en 1858 par Roget de Belloguet (informé par Renier, lui-même utilisant un calque de Protat) : Roget de Belloguet 1872 pp. 204 — Becker 1859 pp. 156 — Pictet 1859 pp. 12 et 38-45 — Monin 1861 pp. 39 — une interprétation absurde de Protat (texte latin constitué d'abréviations) est signalée et rejetée (Protat 1862 pp. XXIV — Becker 1863 pp. 165 ; ignore Creuly (Creully 1862 pp. 27) (description et copie excellentes) est le premier à établir les leçons brigindoni (contre brigindon, priores) et canralon (contre cantapon, cantaron, contabon, contaboix, priores) ; le premier aussi à enseigner que cantalon est le nom du monument d'où provient la pierre (Monin 1863 pp. 179 ; Pictet 1867c pp. 388).
L'abbé H. Bavard (Bavard 1870 pp. 13) est le premier à avoir enquêté auprès de la famille Boillot et établi l'origine du document (Autets, à Auxey). Tous les éditeurs antérieurs l'assignaient à Volnay ; certains même avec des précisions imaginaires, le localisaient sur le territoire de Volnay à proximité d'un lac (Pictet 1859 ), d'une source intermittente (Monin 1861 ), de la source d'un ruisseau nommé la Cave (Becker 1863 ) ! Mais Bavard produit un texte fautif avec la coquille oppianinos et avec les lectures brigindon et cantaron, que Creuly avait dès 1862 condamnées. Texte de E. Bavard reproduit en 1872 dans le mémoire de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or intitulé, Foisset et Simonnet 1872 pp. 165.
Tous les éditeurs postérieurs à 1872 ont brigindoni et cantalon. Voir bibliographie.
Description de l'inscription: Le champ inscrit, de 27 cm de large × 47 cm, est gravée, il tout entier occupé par les quatre lignes du texte. Blancs de l'ordre de de 15 mm à 20 mm de haut au-dessus et au-dessous du texte.
Description de l'écriture: À deux exceptions près, lettres capitales de 55 mm à 65 mm de haut aux lignes 1 et 4, mais seulement de 45 mm à 50 mm de haut aux lignes 2 et 3 ; interlignes, respectivement, de 15 cm de haut (1-2) et de 5 mm à 10 mm de haut (2-3 ; 3-4).
Remarques de Michel Lejeune :
Deux lettres sont d'exceptionnelle dimension (
75
mm de haut). D'une part, le p de la l.1 ; est-ce pour rendre plus lisible la ligature o͡p à quoi, faute de place, le graveur s'est vu contraint en fin de ligne ? D'autre part, le dernier i de la l.2 (ce qui a échappé à tous les éditeurs, à cause d'une meurtrissure qui semble interrompre la haste au niveau du sommet des lettres voisines) ; de l'apex supérieur, les cornes rencontrent les panses du s et du dernier o de la l.1 (corne de droite peu visible sur la photo mais incontestable sur la pierre) ; donc, I
longa ; le lapicide paraît en réserver l'usage à i initial de mot suivi de voyelle ; tous les autres i (même entre consonne et voyelle dans oppia...) sont de statut normal.
Écriture élégante ; quelques apices ; e est de type E (mais, comme L, avec éléments horizontaux courts) ; les o sont sensiblement de même format que les autres lettres. Belle gravure profonde (sporadiquement érodée) ; le creux des lettres garde trace, çà et là, d'un repassage antique des traits avec un rouge lie-de-vin.
Entre les lignes 1 et 2, 2 et 3, segmentation des mots en accord avec la coupe syllabique (op-pia..., ieu-ru...). Dans le corps des lignes, fins de mots marquées par des interponctions triangulaires à mi-hauteur des lettres.
Au début de la l.2, il ne reste, de la boucle du p, et de l'a tout entier, que des tracés évanescents, soit qu'on ait là des vestiges d'une prégravure dont le lapicide aurait ensuite omis de recreuser quelques éléments, soit qu'une forte érosion ait là rongé la surface (mais n'attendrait-on pas qu'elle eût affecté le i intermédiaire ?). En tout cas, si ténus que soient ces tracés ils paraissent receler quelques restes de la peinture ancienne.
La seule difficulté de lecture concerne la dernière lettre de la l.3, dans une zone où champ et rebord sont très érodés. On lit traditionnellement i. Mais (comme l'a, le premier, remarqué P.-M. Duval) plutôt, en fait, un e à éléments horizontaux très courts (comme à la l.2) et butant contre le rebord ; la barrette supérieure demeure nette (bien que ténue) sur la pierre, et il semble même qu'elle conserve un faible reste de peinture rouge.
Écriture élégante ; quelques apices ; e est de type E (mais, comme L, avec éléments horizontaux courts) ; les o sont sensiblement de même format que les autres lettres. Belle gravure profonde (sporadiquement érodée) ; le creux des lettres garde trace, çà et là, d'un repassage antique des traits avec un rouge lie-de-vin.
Entre les lignes 1 et 2, 2 et 3, segmentation des mots en accord avec la coupe syllabique (op-pia..., ieu-ru...). Dans le corps des lignes, fins de mots marquées par des interponctions triangulaires à mi-hauteur des lettres.
Au début de la l.2, il ne reste, de la boucle du p, et de l'a tout entier, que des tracés évanescents, soit qu'on ait là des vestiges d'une prégravure dont le lapicide aurait ensuite omis de recreuser quelques éléments, soit qu'une forte érosion ait là rongé la surface (mais n'attendrait-on pas qu'elle eût affecté le i intermédiaire ?). En tout cas, si ténus que soient ces tracés ils paraissent receler quelques restes de la peinture ancienne.
La seule difficulté de lecture concerne la dernière lettre de la l.3, dans une zone où champ et rebord sont très érodés. On lit traditionnellement i. Mais (comme l'a, le premier, remarqué P.-M. Duval) plutôt, en fait, un e à éléments horizontaux très courts (comme à la l.2) et butant contre le rebord ; la barrette supérieure demeure nette (bien que ténue) sur la pierre, et il semble même qu'elle conserve un faible reste de peinture rouge.
Type de texte: Inscription religieuse / cultuelle
Datation du texte: Ier siècle
Justificatif de datation: contexte. Ier siècle.
Niveau de certitude: ◉◉◉
Remarques de Michel Lejeune :
Pas de contexte, donc, qui fournisse une datation. La plaque inscrite doit provenir de la paroi d'une construction à destination cultuelle, dont on ne connaît ni le site précis (sur le plateau de Montmélian ou en contrebas ?) ni le type (mais voir discussion du mot cantalon). Élégante écriture monumentale du Ier siècle.
Édition corpus: RIG II.1 p. 119-124 ; RIG II.1 p. 122-123 fig. 58-59 .
Commentaire bibliographique: Becker 1859 p. 156 ; Pictet 1859 p. 12,38-45 ; Monin 1861 p. 39 ; Creully 1862 ; Protat 1862 p. XXIX ; Becker 1863 p. 165 (7) ; Monin 1863 p. 179 (2) ; Pictet 1867c p. 388 ; Bavard 1870 ; Foisset et Simonnet 1872 ; Roget de Belloguet 1872 ; Arbaumont 1876 p. LXXXII ; Dict. (155) fig. 4 ; p. 43 (15) ; Aubertin 1880 p. 38 ; Changarnier-Moissenet 1881-1882 p. 233 ; Stokes 1886 p. 129 (15) ; CIL XIII-I (2638) ; Lejay 1889 p. 39 (30) ; Aubertin 1891 p. 214 ; Rhŷs 1906 p. 283 ; Dottin 1918 ; Vendryes 1928 p. 231-232 ; Veau 1929-1930 p. 182 ; Gray 1942 p. 443 ; Gray 1952 p. 69 ; Schmidt 1957 ; Holder 1962 ; Evans 1967 ; Whatmough 1970 ; IEW ; Gose 1972 ; Lejeune 1976b ; Lejeune 1980a (II) ; Bauchhenss 1981 ; Kajanto 1982 ; Bauchhenss 1984 ; Lejeune 1985c ;
Texte
01 ICCAVOS▴⁽OP⁾ 02 P̣IẠNICNOS▴ꟾEV 03 RV▴BRIGINDON+ 4 CANTALON |
01 iccauos ⁽op⁾- 02 p̣iạnicnos íeu- 03 ru brigindonị 4 cantalon |
01 ICCAVOS▴⁽OP⁾ 02 P̣IẠNICNOS▴ꟾEV 03 RV▴BRIGINDON+ 4 CANTALON |
01 iccauos ⁽op⁾- 02 p̣iạnicnos íeu- 03 ru brigindonị 4 cantalon |
01 ICCAVOS▴⁽OP⁾ 02 P̣IẠNICNOS▴ꟾEV 03 RV▴BRIGINDON+ 4 CANTALON |
01 iccauos ⁽op⁾- 02 p̣iạnicnos íeu- 03 ru brigindonẹ 4 cantalon |
01 iccauos ⁽op⁾- 02 p̣iạnicnos íeu- 03 ru brigindonị 4 cantalon |
idionyme nominatif masc. sg. thème en -o patronyme nominatif masc. sg. thème en -o verbe 3e pers. sg. prétérit théonyme datif fém. sg. thème en -ā substantif accusatif sg. thème en -o |
01 iccauos ⁽op⁾- 02 p̣iạnicnos íeu- 03 ru brigindonị 4 cantalon |
idionyme nominatif masc. sg. thème en -o patronyme nominatif masc. sg. thème en -o verbe 3e pers. sg. prétérit théonyme datif sg. thème consonantique substantif accusatif sg. thème en -o |
01 iccauos ⁽op⁾- 02 p̣iạnicnos íeu- 03 ru brigindonẹ 4 cantalon |
idionyme nominatif masc. sg. thème en -o patronyme nominatif masc. sg. thème en -o verbe 3e pers. sg. prétérit théonyme datif sg. thème en -i substantif accusatif sg. thème en -o |
Traduction:
de l'équipe du RIIG : MLE-a MLE-b
Iccavos, fils de Oppianos, a offert à Brigindon(?) le cantalon.
Apparat critique:
Remarques de Michel Lejeune : MLE-a MLE-b
Dédicace du type ieuru (Lejeune 1980a ). Rhŷs 1906 et Gray 1942 ont voulu y voir un texte métrique, mais sans parvenir à des scansions plausibles ni (Rhŷs) en hexamètres accentuels, ni (Gray) en dimètres trochaïques.
Dédicant désigné par idionyme + adjectif patronymique en -icno-. Alternance, dans la lignée, de noms de stock indigène et de stock latin ; mais ici (à la différence de *VIE-01-01, *CRE-01-01, CDO-01-19), c'est le père (cf. Evans 1967 pp. 107) qui porte un nom latin ; sur le cognomen Oppianus, voir Kajanto 1982 pp. 152. Avec suffixe -avo- (Holder 1962 I (316), Holder 1962 III (377)), le nom du fils (cf. Evans 1967 pp. 351) est un hypocoristique des composés de souche I(c)co- (Schmidt 1957 pp. 225).
Le théonyme est un hapax. Radical connu (celt. brĭg- < i.e. *bhr̥gh- : IEW pp. 140). Dérivation complexe, dont le premier élément -ind(o)- n'a guère de répondants, hors de l'ethnique celtibère Pelendones/Πελένδονες (Pline, Ptolémée : Holder 1962 II (962)) et de l'ethnique aquitain Belendi (Pline : Holder 1962 II (370), Holder 1962 III (825)), lesquels ne fournissent que des rapprochements médiocres. Avec la lecture traditionnelle brigindoni, soit datif en -ĭ d'un thème à nasale (masc. ou fém.), soit datif en -ī(issu de -ai : RIG IRIG I pp. 451, Lejeune 1985c ) d'un nom fém. en -onā. Mais, s'il faut lire brigindone, il ne peut s'agir que de -ē < *-ei (comme pour ucuete en CDO-01-19 ; cf. RIG IRIG I pp. 451) : datif d'un thème en -i- (masc. ou fém.) ; mais tout autre exemple de suffixation -oni- nous fait défaut.
On a fait, sur cantalon, diverses devinettes étymologiques, dont certaines, compte tenu du support inscrit, sont dépourvues de vraisemblance. Ainsi, l'idée que le dédicant aurait tenu à graver dans la pierre sa composition d'un chant sacré en l'honneur de B. ou son offrande à B. d'un vase précieux. Chant : *kantlo- (racine kan-, IEW pp. 525), d'où irl. cétal, gall. cathl ; ainsi, en dernier lieu, Gray 1952 . Vase : emprunt déformé de lat. cantharus (p. ex. Pictet 1867c ). Et il ne manque pas d'autres points de départ éventuels, pour une ascendance de celt. cant..., qui pourraient donner lieu à des spéculations aussi gratuites (*km̥to- « cent », IEW pp. 192 ; etc.).
Il faut, en bonne méthode, commencer par délimiter le champ sémantique probable de cantalon à partir de l'inscription et de son support. Dès 1862, Creuly l'avait fait : le mot, pour lui, devait désigner un édifice religieux ou quelque élément d'un tel édifice, la plaque CDO-04-01 étant physiquement incorporée à cette structure. Ceci, du coup, rend vaine toute tentative de rapprochement avec l'accusatif terminal des dédicaces gallo-grecques du type ...δεδε... βρατουδεκαντεμ (ou ...δεδε... βρατουδεκαντεν) ; dans celles-ci, l'objet du verbe est toujours le même, et ne peut donc que désigner abstraitement l'acte d'offrande, ou une modalité (toujours la même) de cet acte ; au contraire l'objet du verbe, dans les dédicaces de type ieuru, varie d'inscription à inscription, et doit donc désigner concrètement ce qui est, en chaque cas, offert. Peu importe ici, dès lors, que soit légitime ou non (discussion, Lejeune 1976b ) l'analyse traditionnelle qui, dans les dédicaces δεδε, isolait un mot καντεμ (ou καντεν) ; s'il existe, il n'a rien à voir avec cantalon.
Reste à chercher, pour un cantalon désignant un élément d'architecture, une explication étymologique ; ce qui ne peut se faire qu'en supposant qu'il s'agit d'une structure arrondie (l'idée est déjà en germe chez Monin 1863 ), et en partant du nom *kanto- du « cercle » (IEW pp. 526), bien représenté en celtique (depuis le *cantos gaulois, nom de la « jante », passé dans le lat. cantus).
C'est ce qu'a proposé Vendryes 1928 , en confrontant le nom irlandais cét du « pilier rond » (lequel, d'ailleurs, repose sur le thème celtique canto- lui-même, et non sur un dérivé dudit thème, ce qui serait le cas pour cantalon). Vendryes n'invoque pas l'archéologie. On aimerait qu'elle vienne faire écho à la linguistique. Précisément, il existe dans la Gaule romaine une catégorie, largement représentée, de monuments religieux consistant en piliers votifs : voir, en dernier lieu, sur les exemplaires des Germanies, les études de Gerhard Bauchhenss dans le et dans Bauchhenss 1984 11-2, 11-4 . Mais les piliers votifs sont en général quadrangulaires et dédiés à Jupiter, ce qui ne s'accorde ni avec cantalon (compris comme « circulaire ») ni avec le théonyme d'Auxey.
Au reste, ne s'attachant pas outre mesure à l'interprétation par « pilier », Vendryes ajoutait : « Il va sans dire qu'on peut aussi bien penser à une construction circulaire ».
Une hypothèse en ce sens a été récemment avancée par J.-J. Hatt, au Colloque sur les théâtres antiques en Narbonnaise (colloque de Vaison, juillet 1985). Il invoque, d'une part, des inscriptions telles que CIL XIII (4132) (Bitburg, en pays Trévire, date : 198) : « d(onum) d(edil) Num[i]nibus Aug(ustis) et I(oui) O(ptimo) M(aximo) L. Ammius Gamburio proscen[ium c]um tribunali... ». Il invoque, d'autre part, des découvertes archéologiques récentes (en pays Trévire, aussi) : Gose 1972 pp. 102 sv., Gose 1972 209 sv. , mettant en évidence, dans un sanctuaire, des gradins en hémicycle faisant face à une scène. Il conclut à l'existence (éventuellement, plus tôt et dans d'autres régions des Gaules) de théâtres cultuels dédiés à des divinités, et destinés à la célébration périodique de spectacles rituels (ainsi, en CIL XIII (4132), des ludi la veille des calendes de mai). Il se demande alors si ce dispositif architectural arrondi ne serait pas ce que la dédicace gauloise d'Auxey appelle cantalon (proprement, « circulaire »).
Dédicant désigné par idionyme + adjectif patronymique en -icno-. Alternance, dans la lignée, de noms de stock indigène et de stock latin ; mais ici (à la différence de *VIE-01-01, *CRE-01-01, CDO-01-19), c'est le père (cf. Evans 1967 pp. 107) qui porte un nom latin ; sur le cognomen Oppianus, voir Kajanto 1982 pp. 152. Avec suffixe -avo- (Holder 1962 I (316), Holder 1962 III (377)), le nom du fils (cf. Evans 1967 pp. 351) est un hypocoristique des composés de souche I(c)co- (Schmidt 1957 pp. 225).
Le théonyme est un hapax. Radical connu (celt. brĭg- < i.e. *bhr̥gh- : IEW pp. 140). Dérivation complexe, dont le premier élément -ind(o)- n'a guère de répondants, hors de l'ethnique celtibère Pelendones/Πελένδονες (Pline, Ptolémée : Holder 1962 II (962)) et de l'ethnique aquitain Belendi (Pline : Holder 1962 II (370), Holder 1962 III (825)), lesquels ne fournissent que des rapprochements médiocres. Avec la lecture traditionnelle brigindoni, soit datif en -ĭ d'un thème à nasale (masc. ou fém.), soit datif en -ī(issu de -ai : RIG IRIG I pp. 451, Lejeune 1985c ) d'un nom fém. en -onā. Mais, s'il faut lire brigindone, il ne peut s'agir que de -ē < *-ei (comme pour ucuete en CDO-01-19 ; cf. RIG IRIG I pp. 451) : datif d'un thème en -i- (masc. ou fém.) ; mais tout autre exemple de suffixation -oni- nous fait défaut.
On a fait, sur cantalon, diverses devinettes étymologiques, dont certaines, compte tenu du support inscrit, sont dépourvues de vraisemblance. Ainsi, l'idée que le dédicant aurait tenu à graver dans la pierre sa composition d'un chant sacré en l'honneur de B. ou son offrande à B. d'un vase précieux. Chant : *kantlo- (racine kan-, IEW pp. 525), d'où irl. cétal, gall. cathl ; ainsi, en dernier lieu, Gray 1952 . Vase : emprunt déformé de lat. cantharus (p. ex. Pictet 1867c ). Et il ne manque pas d'autres points de départ éventuels, pour une ascendance de celt. cant..., qui pourraient donner lieu à des spéculations aussi gratuites (*km̥to- « cent », IEW pp. 192 ; etc.).
Il faut, en bonne méthode, commencer par délimiter le champ sémantique probable de cantalon à partir de l'inscription et de son support. Dès 1862, Creuly l'avait fait : le mot, pour lui, devait désigner un édifice religieux ou quelque élément d'un tel édifice, la plaque CDO-04-01 étant physiquement incorporée à cette structure. Ceci, du coup, rend vaine toute tentative de rapprochement avec l'accusatif terminal des dédicaces gallo-grecques du type ...δεδε... βρατουδεκαντεμ (ou ...δεδε... βρατουδεκαντεν) ; dans celles-ci, l'objet du verbe est toujours le même, et ne peut donc que désigner abstraitement l'acte d'offrande, ou une modalité (toujours la même) de cet acte ; au contraire l'objet du verbe, dans les dédicaces de type ieuru, varie d'inscription à inscription, et doit donc désigner concrètement ce qui est, en chaque cas, offert. Peu importe ici, dès lors, que soit légitime ou non (discussion, Lejeune 1976b ) l'analyse traditionnelle qui, dans les dédicaces δεδε, isolait un mot καντεμ (ou καντεν) ; s'il existe, il n'a rien à voir avec cantalon.
Reste à chercher, pour un cantalon désignant un élément d'architecture, une explication étymologique ; ce qui ne peut se faire qu'en supposant qu'il s'agit d'une structure arrondie (l'idée est déjà en germe chez Monin 1863 ), et en partant du nom *kanto- du « cercle » (IEW pp. 526), bien représenté en celtique (depuis le *cantos gaulois, nom de la « jante », passé dans le lat. cantus).
C'est ce qu'a proposé Vendryes 1928 , en confrontant le nom irlandais cét du « pilier rond » (lequel, d'ailleurs, repose sur le thème celtique canto- lui-même, et non sur un dérivé dudit thème, ce qui serait le cas pour cantalon). Vendryes n'invoque pas l'archéologie. On aimerait qu'elle vienne faire écho à la linguistique. Précisément, il existe dans la Gaule romaine une catégorie, largement représentée, de monuments religieux consistant en piliers votifs : voir, en dernier lieu, sur les exemplaires des Germanies, les études de Gerhard Bauchhenss dans le et dans Bauchhenss 1984 11-2, 11-4 . Mais les piliers votifs sont en général quadrangulaires et dédiés à Jupiter, ce qui ne s'accorde ni avec cantalon (compris comme « circulaire ») ni avec le théonyme d'Auxey.
Au reste, ne s'attachant pas outre mesure à l'interprétation par « pilier », Vendryes ajoutait : « Il va sans dire qu'on peut aussi bien penser à une construction circulaire ».
Une hypothèse en ce sens a été récemment avancée par J.-J. Hatt, au Colloque sur les théâtres antiques en Narbonnaise (colloque de Vaison, juillet 1985). Il invoque, d'une part, des inscriptions telles que CIL XIII (4132) (Bitburg, en pays Trévire, date : 198) : « d(onum) d(edil) Num[i]nibus Aug(ustis) et I(oui) O(ptimo) M(aximo) L. Ammius Gamburio proscen[ium c]um tribunali... ». Il invoque, d'autre part, des découvertes archéologiques récentes (en pays Trévire, aussi) : Gose 1972 pp. 102 sv., Gose 1972 209 sv. , mettant en évidence, dans un sanctuaire, des gradins en hémicycle faisant face à une scène. Il conclut à l'existence (éventuellement, plus tôt et dans d'autres régions des Gaules) de théâtres cultuels dédiés à des divinités, et destinés à la célébration périodique de spectacles rituels (ainsi, en CIL XIII (4132), des ludi la veille des calendes de mai). Il se demande alors si ce dispositif architectural arrondi ne serait pas ce que la dédicace gauloise d'Auxey appelle cantalon (proprement, « circulaire »).
Commentaires:
Commentaire sociolinguistique:
Remarques de Alex Mullen :
- The Gallo-Latin inscriptions on stone with the most careful layout and good degree of familiarity with Latin epigraphic practice come from the territory of the Aedui/Mandubii: Autun, Auxey, and Nevers.
- IEVRV example, Lambert 1979 , Lejeune 1980a , Estarán 2021 .
- The standard dating of this inscription should be taken with caution, Cazanove (in de Cazanove et Estarán 2023 ) considers that his stone inscription could date to the first or second centuries CE.
Bibliographie du RIG: Creully 1862 ; Monin 1863 ; Becker 1863 ; Pictet 1867a ; Roget de Belloguet 1872 ; Bavard 1870 ; Foisset et Simonnet 1872 ; Arbaumont 1876 ; Héron de Villefosse 1879a ; Aubertin 1880 ; Stokes 1886 ; Holder 1896–1913 ; Dottin 1918 ; Vendryes 1928 ; Gray 1952 ; Whatmough 1970 ; Gose 1972 ; Lejeune 1976b ; Lejeune 1980a ; Bauchhenss 1981 ;
Bibliographie du RIIG: Lambert 1979 ; Lejeune 1980a ; Estarán 2021.
Linked Data:
- Ier siècle : http://n2t.net/ark:/99152/p09hq4ndm7n
- Calcaire : https://www.eagle-network.eu/voc/material/lod/57
- Cartouche : https://www.eagle-network.eu/voc/objtyp/lod/263.html
- Endommagé : https://www.eagle-network.eu/voc/statepreserv/lod/4
- Inscription religieuse / cultuelle : https://www.eagle-network.eu/voc/typeins/lod/81
- Gravée : https://www.eagle-network.eu/voc/writing/lod/3
- Musée des Beaux-Arts : https://www.trismegistos.org/collection/1010
- Lugdunensis : https://www.trismegistos.org/place/19858
- Haedui : https://www.trismegistos.org/place/20698
- Auxey-Duresses : https://www.trismegistos.org/place/22773
- France : https://www.trismegistos.org/place/693
How to cite: Ruiz Darasse C., Blanchet H., Mullen A., Chevalier N., Prévôt N., « RIIG CDO-04-01 », dans Ruiz Darasse C. (éd.), Recueil informatisé des inscriptions gauloises, https://riig.huma-num.fr/, DOI : 10.21412/petrae_riig_CDO-04-01 (consulté le 9 décembre 2024).
XML EpiDoc
URI : https://riig.huma-num.fr/documents/CDO-04-01
Dernière modification : 2022-07-17; Michel Lejeune (First editor); Coline Ruiz Darasse (Project coordinator and contributor); Hugo Blanchet (Contributor); Alex Mullen (Contributor); Nolwenn Chevalier (Metadata, TEI encoding); Nathalie Prévôt (Database Design)