Localisation: France/Provence-Alpes-Côte d'Azur/Bouches-du-Rhône
Site : Martigues - Lieu-dit Belair, vallon du Mistral nom(s) antique(s): Maritima Avaticorum
Province romaine: Narbonensis
Peuple gaulois: Avatici
Support: Paroi rocheuse
Matériau: calcaire
Description du support: Paroi rocheuse en calcaire horizontale, qui affleure le sol sur une longueur maximale de 50 cm et une largueur maximale de 60 cm.
État de conservation: Inscription complète.
Lieu de découverte: lieu-dit Belair
Contexte local: Gravée au ras du sol sur une crête d'où l'on domine à la fois l'étang et la mer, sans le moindre contexte archéologique décelable alentour, cette inscription, en caractères hauts et profonds, et qui n'a rien d'un graffite occasionnel, reste de destination énigmatique. Le libellé pourrait convenir à une épitaphe ; mais ici, de tombe point, ni de probabilité a priori pour une sépulture en un tel lieu.
Conditions de découverte: Découvert en 1906 par l'abbé Arnaud d'Agnel sur le territoire communal de Martigues à env. 2 km au sud de l'agglomération, à quelques centaines de mètres à l'est de la route de Martigues à La Couronne, en pleine garrigue sur la ligne de crête de l'Estaque au lieu-dit Belair, au bord d'un chemin forestier de pompiers. Le site du rocher inscrit est à peu près à mi-chemin entre Martigues (à 2 km vers le nord) et Saint-Pierre (à 3 km vers le sud).
Lieu de conservation: Martigues
Institution de conservation: In situ
Autopsie: Photographié par Jean-Marie Lamblart en 1988 pour la préparation des Compléments gallo-grecs (Lejeune 1988a ).
Photographié in situ par Coline Ruiz Darasse et Hugo Blanchet en juin 2021, dans le cadre du projet RIIG, en présence de Jean Chausserie-Laprée et Michel Bats.
Description de l'inscription: L'inscription est profondément gravée au dos de la roche. Une profonde fissure originelle dans le sens de la longueur divise cette surface en deux secteurs d'inégales largeurs ; le plus large (45 cm), celui de gauche, porte l'inscription.
Description de l'écriture: Lettres capitales en caractères grecs de 8 cm (le premier o) à 17 cm (β) de hauteur. Les deux σ sont lunaires, mais il y a coexistence d'un ε angulaire l.3 et d'un ε lunaire l.1 (comme dans le texte BDR-10-01 de Calissanne, voir RIG I pp. 432) ; α à barrette brisée.
Type de texte: Indéterminé
Datation du texte: -IIe/-Ier siècle
Justificatif de datation: contexte. L'abbé Arnaud d'Agnel la date au plus tôt du -IIe siècle.
Niveau de certitude: ◉◉◉
Édition corpus: Lejeune 1988a p. 79-83 .
Commentaire bibliographique: CIL V, XII, XIII ; Arnaud d'Agnel 1906 ; Reinach 1906b ; Espérandieu 1929 (ILGN) ; Benoît 1936 ; Schmidt 1957 ; Holder 1962 II, III ; Barruol 1969a ; Matasović 2009 ; Delamarre 2018.
Texte
01 ΟΥЄ 02 ΧΤΙΝΙ 03 ΟϹΑΛЄ 4 ΒΙΝΟϹ |
01 ουε- 02 χτινι- 03 ος αλε- 4 ϐινος |
01 ΟΥЄ 02 ΧΤΙΝΙ 03 ΟϹΑΛЄ 4 ΒΙΝΟϹ |
01 ουε- 02 χτινι- 03 ος αλε- 4 ϐινος |
01 ουε- 02 χτινι- 03 ος αλε- 4 ϐινος |
idionyme nominatif masc. sg. thème en -o adjectif (ethnique) nominatif masc. sg. thème en -o |
01 ουε- 02 χτινι- 03 ος αλε- 4 ϐινος |
patronyme nominatif masc. sg. thème en -o idionyme nominatif masc. sg. thème en -o |
Traduction:
de l'équipe du RIIG :
Vectinios Alebinos.
Apparat critique:
Remarques de Michel Lejeune : MLE-a MLE-b
Désignation bimembre d'un personnage masculin, au nominatif.
Les deux noms sont de stock celtique.
La souche Alebo- apparaît à la fois en toponymie (Holder 1962 III pp. 561 ; voir aussi plus bas) et en anthroponymie : noms de personnes en Espagne et Italie celtiques (CIL II (755), une Aleba Celti f. ; CIL V (5218), un C. Alebo Castici f. ; etc), mais pas encore en Gaule.
À partir de Vecti-, premier terme de composés (Schmidt 1986 pp. 285 : Vectimāros CIL XII (344), CIL XIII (4242) ; Vectirīx CIL XII (3077)), ont été formés divers hypocoristiques (Holder 1962 III pp. 132sv.) ; on connaît à Vence une Vectinia Enimanui f. (Espérandieu 1929 (ILGN) (2)).
Notation ici par -χτ- de la spirantisation proprement gauloise affectant /k/ devant /t/ (RIG I pp. 445).
Mais dans quel rapport sont les deux membres de la désignation ?
Les dérivés en -to- ne sont pas nécessairement mais peuvent être patronymiques (RIG I pp. 454) ; les dérivés en -ino- ne le sont jamais.
D'où suit que, s'il fallait chercher ici une référence au père, il faudrait admettre une inversion, tout à fait insolite et sans justification apparente, de l'ordre formulaire normal : idionyme + patronyme.
Le recours est de voir en Ουεχτινιος un idionyme en -yo- (cf. Σενικιος en GAR-15-01, Εκιλιος en GAR-04-01, etc. — et, à Martigues même, Ορβωτιος : BDR-16-02). Et de voir en Αλεβινος un ethnique de même suffixation que ceux des Atacini, Morini, Tricastini, etc. Notre personnage n'aurait pas fait inscrire son patronyme (cette référence est facultative), mais aurait tenu à faire figurer son ethnique, à titre de justification de son intervention ; ethnique qui serait alors celui des habitants préromains de Martigues.
C'est seulement en effet à partir de César ou d'Auguste qu'a pris le nom de Colonia Maritima Auaticorum le chef-lieu des Avatiques, peuplade côtière dont le territoire s'étendait d'Ouest en Est de l'embouchure orientale du Rhône aux environs de Marseille, et du Sud au Nord de la mer à la Crau ; mais l'oppidum préromain qui a précédé Maritima avait un autre nom qui, jusqu'ici, nous échappe. Ainsi s'exprimait en 1969 G. Barruol (Barruol 1969a pp. 195 et Barruol 1969a note 4 ).
Depuis lors, le site préromain a été identifié dans l'île, et fouillé, mais demeurait anonyme. Peut-être faut-il songer au toponyme qui, par dérivation en -ino-, produit l'ethnique Αλεβινος, sans que la forme exacte de sa finale soit déterminable (*Αλεβον, uel sim.). De sorte que cet oppidum (anonyme) pourrait également être un candidat plausible pour *Αλεβον.
Les deux noms sont de stock celtique.
La souche Alebo- apparaît à la fois en toponymie (Holder 1962 III pp. 561 ; voir aussi plus bas) et en anthroponymie : noms de personnes en Espagne et Italie celtiques (CIL II (755), une Aleba Celti f. ; CIL V (5218), un C. Alebo Castici f. ; etc), mais pas encore en Gaule.
À partir de Vecti-, premier terme de composés (Schmidt 1986 pp. 285 : Vectimāros CIL XII (344), CIL XIII (4242) ; Vectirīx CIL XII (3077)), ont été formés divers hypocoristiques (Holder 1962 III pp. 132sv.) ; on connaît à Vence une Vectinia Enimanui f. (Espérandieu 1929 (ILGN) (2)).
Notation ici par -χτ- de la spirantisation proprement gauloise affectant /k/ devant /t/ (RIG I pp. 445).
Mais dans quel rapport sont les deux membres de la désignation ?
Les dérivés en -to- ne sont pas nécessairement mais peuvent être patronymiques (RIG I pp. 454) ; les dérivés en -ino- ne le sont jamais.
D'où suit que, s'il fallait chercher ici une référence au père, il faudrait admettre une inversion, tout à fait insolite et sans justification apparente, de l'ordre formulaire normal : idionyme + patronyme.
Le recours est de voir en Ουεχτινιος un idionyme en -yo- (cf. Σενικιος en GAR-15-01, Εκιλιος en GAR-04-01, etc. — et, à Martigues même, Ορβωτιος : BDR-16-02). Et de voir en Αλεβινος un ethnique de même suffixation que ceux des Atacini, Morini, Tricastini, etc. Notre personnage n'aurait pas fait inscrire son patronyme (cette référence est facultative), mais aurait tenu à faire figurer son ethnique, à titre de justification de son intervention ; ethnique qui serait alors celui des habitants préromains de Martigues.
C'est seulement en effet à partir de César ou d'Auguste qu'a pris le nom de Colonia Maritima Auaticorum le chef-lieu des Avatiques, peuplade côtière dont le territoire s'étendait d'Ouest en Est de l'embouchure orientale du Rhône aux environs de Marseille, et du Sud au Nord de la mer à la Crau ; mais l'oppidum préromain qui a précédé Maritima avait un autre nom qui, jusqu'ici, nous échappe. Ainsi s'exprimait en 1969 G. Barruol (Barruol 1969a pp. 195 et Barruol 1969a note 4 ).
Depuis lors, le site préromain a été identifié dans l'île, et fouillé, mais demeurait anonyme. Peut-être faut-il songer au toponyme qui, par dérivation en -ino-, produit l'ethnique Αλεβινος, sans que la forme exacte de sa finale soit déterminable (*Αλεβον, uel sim.). De sorte que cet oppidum (anonyme) pourrait également être un candidat plausible pour *Αλεβον.
Remarques de Hugo Blanchet : MLE-a MLE-b
Le thème uecti- pourrait signifier « raid, expédition, bataille », cf. v. irl. fecht « raid, bataille, haut fait », gall. gwaith « combat », également « course, temps ». Il y a peut-être eu un croisement en celtique entre un thème *wextā « (par)cours, tour » sur la racine *weģh- « conduire, transporter », et un thème *wixtā « combat » sur la racine *weyḱ- « combattre » (Delamarre 2018 pp. 309 ; Matasović 2009 pp. 419-420).
Remarques de Coline Ruiz Darasse : MLE-a MLE-b
Le thème uecti- pourrait être le même que celui que l'on trouve à Ventabren en gallo-latin (BDR-13-03).
Commentaires:
Commentaire sociolinguistique:
Remarques de Michel Lejeune : MLE-a MLE-b
On est réduit à des hypothèses. Celle-ci, par exemple : au second âge du Fer, les villages successifs de l'île ont eu un souci manifeste de leur défense, et se sont ceints de murailles. Cette protection immédiate a pu être doublée, à un moment donné, par un système d'alerte consistant en postes de guet couronnant les hauteurs environnantes ; le site de Belair serait l'un d'eux ; et le chef des Alébins qui l'institua en aurait marqué l'emplacement en y faisant graver au sol, dans la roche, son nom et son ethnique. — On notera que Saint-Pierre, sur les hauteurs, était beaucoup moins dépourvu de vues lointaines que Martigues, au ras de l'eau. Ce qui donne aux gens de l'île plus de chances d'avoir été les instigateurs du système de guet, et donc d'avoir bien été les Alébins.
Remarques de Alex Mullen :
This rock inscription remains enigmatic. It is one of a small number of texts usually deemed likely to have had some kind of public/official function. See Lambert 1997a .
Photos
Bibliographie du RIG: CIL ; Reinach 1906b ; Arnaud d'Agnel 1906 ; Espérandieu 1929 (ILGN) ; Benoît 1936 ; Holder 1962 ; Barruol 1969a ; Lejeune 1988a ;
Bibliographie du RIIG: Lambert 1997a ; Matasović 2009 ; Delamarre 2018.
Linked Data:
- -IIe/-Ier siècle : http://n2t.net/ark:/99152/p09hq4n9m89
- -IIe/-Ier siècle : http://n2t.net/ark:/99152/p09hq4nqrjc
- Calcaire : https://www.eagle-network.eu/voc/material/lod/57
- Paroi rocheuse : https://www.eagle-network.eu/voc/objtyp/lod/211
- Complète : https://www.eagle-network.eu/voc/statepreserv/lod/2
- Gravée : https://www.eagle-network.eu/voc/writing/lod/3
- Narbonensis : https://www.trismegistos.org/place/19860
- MartiguesMaritima Avaticorum : https://www.trismegistos.org/place/21574
- France : https://www.trismegistos.org/place/693
How to cite: Ruiz Darasse C., Blanchet H., Mullen A., Chevalier N., Prévôt N., « RIIG BDR-16-01 », dans Ruiz Darasse C. (éd.), Recueil informatisé des inscriptions gauloises, https://riig.huma-num.fr/, DOI : 10.21412/petrae_riig_BDR-16-01 (consulté le 28 mars 2024).
XML EpiDoc
URI : https://riig.huma-num.fr/documents/BDR-16-01
Dernière modification : 2023-02-01; Michel Lejeune (First editor); Coline Ruiz Darasse (Project coordinator, Metadata); Hugo Blanchet (Contributor); Alex Mullen (Contributor); Nolwenn Chevalier (Metadata, TEI encoding); Nathalie Prévôt (Database Design)