Localisation: France/Provence-Alpes-Côte d'Azur/Bouches-du-Rhône
Site : Vitrolles - Église Saint-Gérard nom(s) antique(s): Calcaria
Province romaine: Narbonensis
Peuple gaulois: Salluvii
Support: plaque
Matériau: calcaire
Description du support: Probable plaque de pierre en calcaire tendre, non-local, mais analogue à celui que donnent des carrières distantes qu'une quinzaine de km comme celle de Calissanne. Épaisseur non-déterminable (mais, d'après un sondage latéral, supérieure à 30 cm) ; haute de 31 cm et large de 62 cm. Il est sûr que nous avons les bords anciens à droite, en haut et en bas.
État de conservation: Texte incomplet à cause de la probable retaille (remploi antique ?) et à cause d'une possible extension originelle de cette inscription (sans doute officielle) sur plus d'une pierre de l'édifice. L'ampleur des portions perdues du texte n'est pas mesurable.
Lieu de découverte: Vitrolles
Contexte local: Commune du canton de Berre, arrondissement d’Aix-en-Provence, à 20 km au sud-ouest d’Aix, 20 km au nord-nord-ouest de Marseille. Le territoire de la commune présente diverses traces d’occupations antiques, notamment au Vieux Village (dès les -VIe/-Ve) et en son nord, sur l’éperon rocheux du Castellas (-Ier)
Conditions de découverte: Le clocher de l'église paroissiale Saint-Gérard de Vitrolles (qui, dans son état actuel, date de 1744) conserve, maçonnée (on ne sait depuis quand) dans la face intérieure de son mur Nord, à l'étage des cloches, une pierre inscrite, soigneusement encastrée en légère saillie au milieu des moellons de provenance locale, dont le mur est constitué.
Historique de conservation: Un moulage en silicone en a été fait en 2022 à la demande de Cynthia Joubert-Jean et de la Mairie de Vitrolles.
Lieu de conservation: Vitrolles
Institution de conservation: Église Saint-Gérard
Autopsie: Photographiée in situ en juin 2021 par Coline Ruiz Darasse et Hugo Blanchet dans le cadre du projet RIIG. Le clocher a été rénové en 2019 et la pierre a été soigneusement préservée.
Description de l'inscription: L'inscription est gravée sur quatre lignes, en graphie continue.
Description de l'écriture: Lettres capitales de 42 mm à 56 mm de haut (les ο sont de même module que les autres caractères) ; interlignes de 20 mm ; lignage préalable encore visible sous les parties médianes des l.1 et 3 ; mise en page très soignée. Belle gravure (les traits entament la pierre sur 5 mm de large, 3 mm de profondeur). Noter que ε et ο ont la forme angulaire classique, mais ω est cursif ; α à barrette brisée.
Remarques de Michel Lejeune :
L1 : avant τι, peut-être pied d'une haste oblique (α ou λ ?) ; l.3, après le dernier ο, peut-être vestiges de la gravure, entreprise puis abandonnée, d'un ς ; dans le blanc initial de la l.4, vestiges de la gravure juste entamée (décapage) de deux hastes verticales. Il semble qu'il y ait eu, entre la première esquisse et la réalisation finale, des repentirs entraînant certaines modifications du texte.
Type de texte: Indéterminé
Datation du texte: deuxième ou troisième quart du -Ier siècle
Justificatif de datation: contexte.
Niveau de certitude: ◉○○
Édition corpus: RIG I p. 123-125 ; RIG I p. 124 fig. 118 .
Commentaire bibliographique: Schmidt 1957 ; Holder 1962 ; Evans 1967 ; p. 22-35 ; Lejeune 1968b p. 70 ; Lejeune 1970b ; Oikonomides 1978.
Texte
01 [---]Τ̣Ι̣ΟΥΑΛΟΣΑΔΡ̣Ε̣--- 02 [---]ΣΠΡΑΙΤⲰΡΣΟΜΑ̣[---] 03 [------]Α̣ΡΡΟΣΑΤΤΟΥΝΙΟ--- 4 [---] uac. Α̣Κ̣ΤΟΣΣΟΜ̣Α̣[---] |
01 [---][α]τ̣ι̣ουαλος αδρ̣ε̣[σικνο]- 02 [---]ς πραιτωρ σομα̣[---]- 03 [---] [---]α̣ρρος αττουνιο[ς] 4 [---] α̣κ̣τος σομ̣α̣[---] |
01 [---]Τ̣Ι̣ΟΥΑΛΟΣΑΔΡ̣Ε̣--- 02 [---]ΣΠΡΑΙΤⲰΡΣΟΜΑ̣[---] 03 [---]Α̣ΡΡΟΣΑΤΤΟΥΝΙΟ--- 4 [---] Α̣Κ̣ΤΟΣΣΟΜ̣Α̣[---] |
01 [---α]τ̣ι̣ουαλος αδρ̣ε̣[σικνο]- 02 [---]ς πραιτωρ σομα̣[---] 03 [---]α̣ρρος αττουνιο[ς] 4 [---] α̣κ̣τος σομ̣α̣[---] |
01 [---]Τ̣Ι̣ΟΥΑΛΟΣΑΔΡ̣Ε̣--- 02 [---]ΣΠΡΑΙΤⲰΡΣΟΜΑ̣[---] 03 [---]Α̣ΡΡΟΣΑΤΤΟΥΝΙΟ--- 4 [---] uac. Α̣Κ̣ΤΟΣΣΟΜ̣Α̣[---] |
01 [---α]τ̣ι̣ουαλος αδρ̣ε̣[σικνο]- 02 [---]ς πραιτωρ σομα̣[---] 03 [---]α̣ρρος αττουνιο[ς] 4 [ ··4-5·· αμβ] α̣κ̣τος σομ̣α̣[---] |
01 [---][α]τ̣ι̣ουαλος αδρ̣ε̣[σικνο]- 02 [---]ς πραιτωρ σομα̣[---]- 03 [---] [---]α̣ρρος αττουνιο[ς] 4 [---] α̣κ̣τος σομ̣α̣[---] |
idionyme nominatif masc. sg. thème en -o patronyme nominatif masc. sg. substantif (fonction) nominatif masc. sg. thème consonantique forme indéterminée idionyme nominatif masc. sg. thème en -o patronyme nominatif masc. sg. thème en -o anthroponyme nominatif masc. sg. thème en -o forme indéterminée |
01 [---α]τ̣ι̣ουαλος αδρ̣ε̣[σικνο]- 02 [---]ς πραιτωρ σομα̣[---] 03 [---]α̣ρρος αττουνιο[ς] 4 [---] α̣κ̣τος σομ̣α̣[---] |
idionyme nominatif masc. sg. thème en -o patronyme nominatif masc. sg. substantif (fonction) nominatif masc. sg. thème consonantique ethnonyme nominatif masc. sg. idionyme nominatif masc. sg. thème en -o patronyme nominatif masc. sg. thème en -o substantif (terme institutionnel) nominatif masc. sg. thème en -o ethnonyme nominatif masc. sg. |
01 [---α]τ̣ι̣ουαλος αδρ̣ε̣[σικνο]- 02 [---]ς πραιτωρ σομα̣[---] 03 [---]α̣ρρος αττουνιο[ς] 4 [ ··4-5·· αμβ] α̣κ̣τος σομ̣α̣[---] |
idionyme nominatif masc. sg. thème en -o patronyme nominatif masc. sg. substantif (fonction) nominatif masc. sg. thème consonantique ethnonyme nominatif masc. sg. idionyme nominatif masc. sg. thème en -o patronyme nominatif masc. sg. thème en -o substantif (fonction) nominatif masc. sg. thème en -o ethnonyme nominatif masc. sg. |
Traduction:
de Michel Lejeune : MLE-a MLE-b
[A]tiualos, fils d’Adressios, praitor Soma[---] ; Arros, fils d’Attū, --]actos Soma[---].
de l'équipe du RIIG : EDZ-a
[A]tiualos, fils d’Adressios, praetor des Soma[---]/de Soma[---] ; Arros, fils d’Attū, amb]actos des Soma[---]/de Soma[---].
Apparat critique:
Remarques de Michel Lejeune : MLE-a MLE-b
Ce qui subsiste apparaît comme une énumération de personnages masculins au nominatif.
Dans l'hypothèse (incertaine) de lacunes courtes, un premier personnage pourrait être ...α]τιουαλος αδρε[σικνο]ς (uel sim.) πραιτωρ (avec nom de fonction ou de dignité emprunté au latin praetor ; cf. Lejeune 1970b ). Sur -valo-, Schmidt 1957 pp. 284, Evans 1967 pp. 269 ; le premier terme composé demeure conjectural : ati- ? (mais on attendrait ate-) ; tati- ? mati- ? etc. Sur ad-ret͡si-, Schmidt 1957 pp. 258, Evans 1967 pp. 249 ; on suppose ici un dérivé patronymique ailleurs attesté (GAR-12-01).
Un autre personnage pourrait être αρρος αττουνιο[ς], l'idionyme étant peut-être complet (sur la souche Arro-, Holder 1962 I (221), Holder 1962 III (690)) ; le patronyme est dérivé en -yo- de Attū (cf. Holder 1962 I (277)).
Du point de vue orthographique, noter que dans ακτος (l.4 ; le κ, bien que mutilé, est sûr), la spirantisation de l'occlusive dorsale devant occlusive dentale n'est pas notée ; si elle l'était, on aurait **αχτος.
On ne sait pas que faire du mot mutilé σομα[... qui revient deux fois. Relève-t-il de l'anthroponymie, par exemple la première fois dans un idionyme, la seconde dans un patronyme (père et fils en cause) ? Ou bien : πραιτωρ étant alors proprement désignation de fonction, s'agit-il d'un ethnique (« préteur de S. ») à partir du nom indigène de Vitrolles ? Dans la seconde hypothèse, ακτος, au lieu d'être un anthroponyme (cf. Holder 1962 I (33), Holder 1962 III (498)) serait-il un terme institutionnel ?
Rien, on le voit, d'assuré, ou presque, à cause de la mutilation d'un document dont on ne peut que pressentir l'importance.
On ne mentionne ici que pour mémoire les hypothèses de Al. N. Oikonomides, Oikonomides 1978 pp. 163-164 : inscription grecque de l'époque d'Aurélien, qui ne comprendrait, πραιτωρ excepté, que des noms propres arabes.
Dans l'hypothèse (incertaine) de lacunes courtes, un premier personnage pourrait être ...α]τιουαλος αδρε[σικνο]ς (uel sim.) πραιτωρ (avec nom de fonction ou de dignité emprunté au latin praetor ; cf. Lejeune 1970b ). Sur -valo-, Schmidt 1957 pp. 284, Evans 1967 pp. 269 ; le premier terme composé demeure conjectural : ati- ? (mais on attendrait ate-) ; tati- ? mati- ? etc. Sur ad-ret͡si-, Schmidt 1957 pp. 258, Evans 1967 pp. 249 ; on suppose ici un dérivé patronymique ailleurs attesté (GAR-12-01).
Un autre personnage pourrait être αρρος αττουνιο[ς], l'idionyme étant peut-être complet (sur la souche Arro-, Holder 1962 I (221), Holder 1962 III (690)) ; le patronyme est dérivé en -yo- de Attū (cf. Holder 1962 I (277)).
Du point de vue orthographique, noter que dans ακτος (l.4 ; le κ, bien que mutilé, est sûr), la spirantisation de l'occlusive dorsale devant occlusive dentale n'est pas notée ; si elle l'était, on aurait **αχτος.
On ne sait pas que faire du mot mutilé σομα[... qui revient deux fois. Relève-t-il de l'anthroponymie, par exemple la première fois dans un idionyme, la seconde dans un patronyme (père et fils en cause) ? Ou bien : πραιτωρ étant alors proprement désignation de fonction, s'agit-il d'un ethnique (« préteur de S. ») à partir du nom indigène de Vitrolles ? Dans la seconde hypothèse, ακτος, au lieu d'être un anthroponyme (cf. Holder 1962 I (33), Holder 1962 III (498)) serait-il un terme institutionnel ?
Rien, on le voit, d'assuré, ou presque, à cause de la mutilation d'un document dont on ne peut que pressentir l'importance.
On ne mentionne ici que pour mémoire les hypothèses de Al. N. Oikonomides, Oikonomides 1978 pp. 163-164 : inscription grecque de l'époque d'Aurélien, qui ne comprendrait, πραιτωρ excepté, que des noms propres arabes.
Commentaires:
Remarques de David Stifter :
A possible emendation for [---Α]ΤΙΟΥΑΛΟΣ is U̯āti-u̯alos ‘prophecy ruler’. ΣΟΜΑ[---] can be segmented into pronominal so ‘this’ (cf. so nemetos VAU-14-01) and the name of the object to which the inscription refers, cf. madera[n] in GAR-10-12 and matikan/m in VAU-11-01. If one of those two were the object in the present inscription, it is notable that so, which is originally nominative singular masculine, would be used indiscriminately of gender and case as a proclitic demonstrative particle (comparable to OIr. -so, except for the inverse position in relation to its head noun). Alternatively, som could be the masculine accusative singular and the name of the object starts with Α-.
Remarques de Emmanuel Dupraz : EDZ-a
a) Les formules onomastiques : un personnage est nommé à la l. 1 et un autre à la l. 3. À la l. 1, l'idionyme est un composé à second élément *-walo- sur la racine *welH- (« stark sein, Gewalt haben »), cf. LIV² pp. 676-677, Matasović 2009 pp. 402, Delamarre 2018 pp. 306. Ce second élément veut dire « prince, qui exerce le pouvoir ». Le patronyme semble contenir le thème *ad-ret- (« courir sur », avec un spécialisation militaire probable, cf. v.-irl. ad-reith, « attaque, saisit »), cf. LIV² pp. 507, Matasović 2009 pp. 25-26, Delamarre 2018 pp. 33. Il y a une cohérence sémantique entre le nom du père et celui du fils, qui appartiennent tous les deux au même champ sémantique du pouvoir.
Une cohérence d'un autre ordre s'observe dans la formule onomastique de la l. 3. L'idionyme pourrait être *arro-, c'est-à-dire une base en [aCC-]. Le patronyme, en *-yo-, est dérivé d'un idionyme *att-ōN- qui lui aussi contient une base en [aCC-]. Ici la cohérence entre le nom du père et celui du fils consiste dans le choix de bases différentes, mais toutes deux (largement) onomatopéiques, démotivées sémantiquement (au moins en grande partie), choisies pour leur structure phonologique, [aCC-]. Des bases comparables, en [aCCā-], sont bien documentées en Italie, cf. Dupraz 2009 , et Middei 2015 . La base *attā- (« père nourricier » ?) est documentée par ailleurs en gaulois, cf. Matasović 2009 pp. 46, Delamarre 2018 pp. 59 ; elle peut être à la base du système en gaulois comme éventuellement en italique, mais celui-ci paraît être devenu productif dans les deux groupes de langues au-delà de toute motivation sémantique. Les bases onomastiques [all-], [amm-], [ann-], [app-] et [arr-] au moins semblent attestées par ailleurs en gaulois, cf. Delamarre 2007 pp. 17-20, p. 24 et p. 26.
b) Les titres de magistrat : à la l. 2 figure un emprunt lexical au latin praetor. Pace Lejeune 1968a pp. 29, il n'est pas sûr que la graphie avec oméga renvoie à un intermédiaire grec. Oméga en gallo-grec semble être perçu comme une variante (graphique) d'une séquence de deux graphèmes, d'où l'emploi d'-ωυ- comme variante d'-οου- (oméga comme variante d'-οο-) et celui d'-ω- pour noter un ancien *-ō- en voie de fermeture en syllabe finale (oméga comme variante d'-ου- entre autres), voir RIG I pp. 441-443 et plus récemment Dupraz 2018 pp. 50 et 63-64. Il a donc une réalité dans l'orthographe gallo-grecque telle que perçue par ses propres usagers.
S'il en est ainsi, l'oméga de πραιτωρ peut noter la perception indigène du timbre de la voyelle latine de praetor, praetōris où la voyelle longue suffixale, conservée à tous les cas sauf le nominatif singulier où elle est synchroniquement abrégée, peut avoir été prononcée dès l'époque classique plus fermée que la brève correspondante. L'oméga du gallo-grec noterait donc ici un [o] (fermé) en syllabe finale, convention graphique qui est attestée en gallo-grec (voir ci-dessus).
Le titre πραιτωρ est suivi des lettres σομα̣[ que le RIG propose prudemment d'identifier comme le début d'un ethnique, le nom de la collectivité dont le personnage de la l. 1 a été préteur. Cette hypothèse tire sa vraisemblance de la position de la forme, derrière le titre de magistrat, position où un ethnique est couramment placé en italique. D'autre part il n'existe pas de forme onomastique qui puisse en être rapprochée. Si cette hypothèse est juste, alors la répétition de la forme σομ̣α̣[ à la l. 4 indique que la forme qui précède est elle aussi un titre de magistrat. Le texte contiendrait deux fois une même séquence idionyme-patronyme-titre de magistrat-ethnique, sans préjudice des portions manquantes. À la l. 4, ce qui précède σομ̣α̣[ peut être lu ]uacα̣κ̣τος. Le uacat est occupé par ce qui semble être deux hastes à peine ébauchées, trace d'un repentir. Ce qui précède est dans la lacune.
Il existe un lexème gaulois qui pourrait être restitué ici. Un passage célèbre de César VI 15 1-2 indique à propos des equites gaulois : (...) eorum ut quisque est genere copiisque amplissimus, ita plurimos circum se ambactos clientesque habet. (« parmi eux, plus on est important par sa naissance et sa richesse, plus on a autour de soi d'ambacti et clients. »). Ce lexème est un composé *ambh-ak-to- contenant un participe en *-to- sur la racine *h2eǵ- (« treiben »), LIV² pp. 255-256,Matasović 2009 pp. 32, Delamarre 2018 pp. 40-41. Il signifie étymologiquement « ceux qui sont conduits [sens passif] / qui se conduisent [sens moyen] autour [de quelqu'un] » et renvoie d'après le passage de César aux serviteurs d'un notable.
Il peut être supposé dans l'inscription de Vitrolles, à plusieurs conditions :
Des variantes sont possibles pour cette hypothèse :
a) Les formules onomastiques : un personnage est nommé à la l. 1 et un autre à la l. 3. À la l. 1, l'idionyme est un composé à second élément *-walo- sur la racine *welH- (« stark sein, Gewalt haben »), cf. LIV² pp. 676-677, Matasović 2009 pp. 402, Delamarre 2018 pp. 306. Ce second élément veut dire « prince, qui exerce le pouvoir ». Le patronyme semble contenir le thème *ad-ret- (« courir sur », avec un spécialisation militaire probable, cf. v.-irl. ad-reith, « attaque, saisit »), cf. LIV² pp. 507, Matasović 2009 pp. 25-26, Delamarre 2018 pp. 33. Il y a une cohérence sémantique entre le nom du père et celui du fils, qui appartiennent tous les deux au même champ sémantique du pouvoir.
Une cohérence d'un autre ordre s'observe dans la formule onomastique de la l. 3. L'idionyme pourrait être *arro-, c'est-à-dire une base en [aCC-]. Le patronyme, en *-yo-, est dérivé d'un idionyme *att-ōN- qui lui aussi contient une base en [aCC-]. Ici la cohérence entre le nom du père et celui du fils consiste dans le choix de bases différentes, mais toutes deux (largement) onomatopéiques, démotivées sémantiquement (au moins en grande partie), choisies pour leur structure phonologique, [aCC-]. Des bases comparables, en [aCCā-], sont bien documentées en Italie, cf. Dupraz 2009 , et Middei 2015 . La base *attā- (« père nourricier » ?) est documentée par ailleurs en gaulois, cf. Matasović 2009 pp. 46, Delamarre 2018 pp. 59 ; elle peut être à la base du système en gaulois comme éventuellement en italique, mais celui-ci paraît être devenu productif dans les deux groupes de langues au-delà de toute motivation sémantique. Les bases onomastiques [all-], [amm-], [ann-], [app-] et [arr-] au moins semblent attestées par ailleurs en gaulois, cf. Delamarre 2007 pp. 17-20, p. 24 et p. 26.
b) Les titres de magistrat : à la l. 2 figure un emprunt lexical au latin praetor. Pace Lejeune 1968a pp. 29, il n'est pas sûr que la graphie avec oméga renvoie à un intermédiaire grec. Oméga en gallo-grec semble être perçu comme une variante (graphique) d'une séquence de deux graphèmes, d'où l'emploi d'-ωυ- comme variante d'-οου- (oméga comme variante d'-οο-) et celui d'-ω- pour noter un ancien *-ō- en voie de fermeture en syllabe finale (oméga comme variante d'-ου- entre autres), voir RIG I pp. 441-443 et plus récemment Dupraz 2018 pp. 50 et 63-64. Il a donc une réalité dans l'orthographe gallo-grecque telle que perçue par ses propres usagers.
S'il en est ainsi, l'oméga de πραιτωρ peut noter la perception indigène du timbre de la voyelle latine de praetor, praetōris où la voyelle longue suffixale, conservée à tous les cas sauf le nominatif singulier où elle est synchroniquement abrégée, peut avoir été prononcée dès l'époque classique plus fermée que la brève correspondante. L'oméga du gallo-grec noterait donc ici un [o] (fermé) en syllabe finale, convention graphique qui est attestée en gallo-grec (voir ci-dessus).
Le titre πραιτωρ est suivi des lettres σομα̣[ que le RIG propose prudemment d'identifier comme le début d'un ethnique, le nom de la collectivité dont le personnage de la l. 1 a été préteur. Cette hypothèse tire sa vraisemblance de la position de la forme, derrière le titre de magistrat, position où un ethnique est couramment placé en italique. D'autre part il n'existe pas de forme onomastique qui puisse en être rapprochée. Si cette hypothèse est juste, alors la répétition de la forme σομ̣α̣[ à la l. 4 indique que la forme qui précède est elle aussi un titre de magistrat. Le texte contiendrait deux fois une même séquence idionyme-patronyme-titre de magistrat-ethnique, sans préjudice des portions manquantes. À la l. 4, ce qui précède σομ̣α̣[ peut être lu ]uacα̣κ̣τος. Le uacat est occupé par ce qui semble être deux hastes à peine ébauchées, trace d'un repentir. Ce qui précède est dans la lacune.
Il existe un lexème gaulois qui pourrait être restitué ici. Un passage célèbre de César VI 15 1-2 indique à propos des equites gaulois : (...) eorum ut quisque est genere copiisque amplissimus, ita plurimos circum se ambactos clientesque habet. (« parmi eux, plus on est important par sa naissance et sa richesse, plus on a autour de soi d'ambacti et clients. »). Ce lexème est un composé *ambh-ak-to- contenant un participe en *-to- sur la racine *h2eǵ- (« treiben »), LIV² pp. 255-256,Matasović 2009 pp. 32, Delamarre 2018 pp. 40-41. Il signifie étymologiquement « ceux qui sont conduits [sens passif] / qui se conduisent [sens moyen] autour [de quelqu'un] » et renvoie d'après le passage de César aux serviteurs d'un notable.
Il peut être supposé dans l'inscription de Vitrolles, à plusieurs conditions :
- - Il s'agit en Gaule Narbonnaise, à la date de l'inscription, d'un titre officiel et non plus de la désignation d'un statut social. De même que la collectivité concernée a une magistrature avec désignation empruntée au latin, la préture, magistrature suprême, de même elle peut avoir choisi d'utiliser pour une magistrature inférieure un lexème qui désigne originellement un subordonné de notable en général, par exemple sur le modèle de lat. minister qui désigne tout serviteur, mais peut aussi s'employer comme titre de prêtre ou de magistrat d'un collège, cf. ThLL pp. 8, 0, 999, 54 à 1006, 28.
- - L'inscription contenait le début du lexème à gauche des lettres inachevées qui renvoient à une erreur de gravure : αμβ]uacα̣κ̣τος. Cette hypothèse ne peut ni être vérifiée ni être exclue ; en tout état de cause il est certain que le texte est incomplet à gauche.
Des variantes sont possibles pour cette hypothèse :
- - les hastes inachevées sont en fait la trace du beta (une autopsie serait nécessaire) ;
- - le lexème de Vitrolles contient un autre premier élément qu'*ambhi-, dont les hastes inachevées sont la trace, et il s'agit donc d'un terme apparenté à ambactus mais distinct ;
- - le lexème de Vitrolles est le simple ak-to-, utilisé comme titre de magistrat ; ce simple terme semble avoir existé en gaulois d'après les données de l'onomastique, cf. Delamarre 2007 pp. 209.
Commentaire sociolinguistique:
Remarques de Michel Lejeune : MLE-a
Aspect monumental, convenant au contenu, probablement officiel.
Remarques de María José Estarán :
- Genre épigraphique : public et lapidaire - Évergétique ou honorifique ? (inscription incomplète).
- Noms de notables locaux ?
- Présence d'un ΠΡΑΙΤΩΡ : emprunt linguistique au latin ?
Remarques de Alex Mullen :
Interpretation of this text is extremely uncertain partly due to uncertainties of segmentation and damage to the stone. In the centre of the extant text is the term praitor, which has been taken as the Latin term and may designate some kind of leader/official, perhaps only superficially linked to the remit of the term in Roman context (there is no clear evidence either way). An obvious parallel might be to the LEKATOS at Briona (Italy), a Gaulish text in Etruscan script (RIG II.1 (E-1) = LexLep NO·21.1 ). See Lejeune 1968a .
Photos
RIG I, fig. 118 : Pierre G-108 de Vitrolles | Pierre de Vitrolles en haut du clocher de l'église Saint-Gérard | Pierre de Vitrolles (couleur) | Pierre de Vitrolles (occlusion) |
Bibliographie du RIG: Holder 1896–1913 ; Lejeune 1968a ; Lejeune 1968b ; Lejeune 1970b ; Oikonomides 1978 ;
Bibliographie du RIIG: ThLL ; Lejeune 1968a ; RIG II.1 ; LIV² ; Lamoine 2006 ; Delamarre 2007 ; Dupraz 2009 ; Lamoine 2009 ; Matasović 2009 ; Lamoine 2012 ; Mullen 2013 ; Middei 2015 ; Dupraz 2018a ; Delamarre 2018.
Linked Data:
- Deuxième ou troisième quart du -Ier siècle : http://n2t.net/ark:/99152/p09hq4ndknx
- Deuxième ou troisième quart du -Ier siècle : http://n2t.net/ark:/99152/p09hq4nmj66
- Plaque : https://ark.frantiq.fr/ark:/26678/pcrt7HbtemJhVu
- Calcaire : https://www.eagle-network.eu/voc/material/lod/57
- Incomplet : https://www.eagle-network.eu/voc/statepreserv/lod/4
- Gravée : https://www.eagle-network.eu/voc/writing/lod/3
- Narbonensis : https://www.trismegistos.org/place/19860
- VitrollesCalcaria : https://www.trismegistos.org/place/22045
- Salluvii : https://www.trismegistos.org/place/51905
- France : https://www.trismegistos.org/place/693
How to cite: Ruiz Darasse C., Blanchet H., Stifter D., Estarán M.-J., Mullen A., Dupraz E., Chevalier N., Prévôt N., « RIIG BDR-14-01 », dans Ruiz Darasse C. (éd.), Recueil informatisé des inscriptions gauloises, https://riig.huma-num.fr/, DOI : 10.21412/petrae_riig_BDR-14-01 (consulté le 24 janvier 2025).
XML EpiDoc
URI : https://riig.huma-num.fr/documents/BDR-14-01
Dernière modification : 2024-12-03; Michel Lejeune (First editor); Coline Ruiz Darasse (Project coordinator and contributor); Hugo Blanchet (Contributor); David Stifter (Contributor); María José Estarán Tolosa (Contributor); Alex Mullen (Contributor); Emmanuel Dupraz (Contributor); Nolwenn Chevalier (Metadata, TEI encoding); Nathalie Prévôt (Database Design)